Destitution d'Emmanuel Macron : pourquoi la position des députés PS, qui soutiennent l’examen du texte mais voteront contre son adoption à l'Assemblée, est critiquée

Le choix des députés socialistes a été dénoncé par le camp présidentiel, qui y voit une "déclaration de guerre" aux institutions.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
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Boris Vallaud, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, et Olivier Faure, premier secrétaire du PS, à l'hôtel de Matignon, à Paris, le 14 septembre 2023. (CHANG MARTIN / SIPA / AFP)

La très incertaine procédure de destitution d'Emmanuel Macron, engagée au cours de l'été par La France insoumise (LFI), se poursuit. Le bureau de l'Assemblée nationale a décidé, mardi 17 septembre, de déclarer la motion de destitution recevable, ce qui ouvre la voie à un premier débat en commission des lois. Cette annonce était attendue, car les députés socialistes, qui pouvaient faire basculer la décision de l'instance d'un côté ou de l'autre, ont annoncé lundi soir qu'ils ne s'opposeraient pas à son examen. Mais le choix des élus PS est plus ambivalent qu'il n'y paraît de prime abord.

Dans leur communiqué, les élus socialistes ont en effet prévenu qu'ils s'opposeraient "unanimement à cette proposition lors de son examen en séance publique". "Juger recevable une résolution, accepter d'en débattre n'est pas l'approuver. Cette procédure qui requiert deux tiers des votes dans les deux assemblées n'aboutira pas, chacun le sait", a ainsi répondu le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, à un tweet du leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui se félicitait de l'examen prochain de cette motion.

Cette position socialiste s'est attiré les foudres du camp présidentiel. "Certains qualifiaient Olivier Faure de trompette. Ils se trompaient. C'est un trumpiste", a ainsi fustigé sur le réseau social X le député Ensemble pour la République (ex-Renaissance) François Cormier-Bouligeon, à propos du premier secrétaire du parti à la rose. "Le Parti socialiste vient de mettre une pièce dans la machine à dévoyer nos procédures constitutionnelles et nos institutions dont La France insoumise s'est fait une spécialité mortifère", a abondé son collègue Florent Boudié, également sur X. "C'est une farce", a même lancé l'ex-Premier ministre Gabriel Attal, désormais chef de file des députés macronistes, évoquant "une déclaration de guerre à nos institutions".

Un groupe PS scindé en deux sur cette question

Les contempteurs du groupe PS rappellent également que les socialistes n'ont pas tenu la même ligne par le passé. Cette décision est "en parfaite contradiction avec les éléments que les mêmes socialistes refusaient quand Les Républicains, avec Christian Jacob, avaient déposé la même résolution contre François Hollande", fin 2016, a pointé lundi soir un membre du bloc central auprès de France Télévisions. A l'époque, les élus LR avaient tenté de lancer une procédure de destitution contre le président socialiste, mais le bureau de l'Assemblée nationale l'avait jugée non recevable. Le PS était alors majoritaire dans l'hémicycle.

Le PS s'est donc attelé à tenter de défendre ce qui s'apparente à une ligne de crête politique, actée à une courte majorité : 32 élus se sont déclarés favorables à la recevabilité de la motion, alors que 28 de leurs collègues ont estimé que le bureau ne devait pas valider cette procédure sur la forme. "Parce que c'est à l'Assemblée de débattre publiquement et non à une réunion à huis clos de décider de l'opportunité du débat, nous voterons la recevabilité de cette proposition", a défendu le député socialiste Arthur Delaporte sur X. "Comme l'a dit Lionel Jospin, nous ne sommes pas là pour déstabiliser nos institutions, mais aussi pas là pour empêcher les débats politiques", a renchéri sur le même réseau social le maire PS d'Alfortville (Val-de-Marne), Luc Carvounas. 

"Pas d'argument évident pour s'opposer"

"Nous avons décidé de réfléchir en droit. Nous jugeons nécessaire que ce débat ait lieu ouvertement", s'est justifié mardi le député PS Inaki Echaniz, devant les journalistes à l'Assemblée nationale. "D'un point de vue juridique, il n'y avait pas d'argument évident pour s'opposer à la recevabilité et ne pas respecter le droit, car tout n'est pas politique", prolonge auprès de franceinfo son collègue Laurent Baumel, tout en rappelant son opposition à la procédure sur le fond.

"Personnellement, je considère que la destitution est une mauvaise réponse à une bonne question sur la responsabilité d'Emmanuel Macron."

Laurent Baumel, député socialiste

à franceinfo

Le PS ne soutiendra donc pas l'initiative de La France insoumise, relayée par les écologistes et les communistes, qui doit désormais être examinée en commission des lois. Dans cette instance de l'Assemblée nationale, les socialistes voteront contre la proposition de résolution, comme le feront ceux du bloc présidentiel et une partie de la droite. Au total, selon le décompte de franceinfo, même avec le soutien de l'ensemble des élus du Rassemblement national qui y siègent, la commission devrait rejeter le texte. Comme le prévoit la loi, la proposition de résolution doit ensuite être "inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée au plus tard le treizième jour suivant les conclusions de la commission. Le vote intervient au plus tard le quinzième jour", est-il écrit. D'ici là, les partisans de la destitution n'entendent pas relâcher la pression sur le chef de l'Etat.

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