Emmanuel Macron devant le Congrès : "Une présidence gaullienne, dans la tradition d'une monarchie républicaine"
Jean Garrigues, spécialiste d'histoire politique, a décrypté pour franceinfo mercredi la stratégie médiatique du président de la République, Emmanuel Macron.
Le président de la République Emmanuel Macron va s'exprimer lundi 3 juillet, devant le Parlement à Versailles, à la veille du discours de politique générale du Premier ministre Édouard Philippe à l'Assemblée nationale. Ce discours prendra la forme d'une communication solennelle sur les grandes orientations du quinquennat, et devrait devenir annuelle.
Sur franceinfo mercredi 28 juin, Jean Garrigues, spécialiste d'histoire politique, professeur d'histoire contemporaine à l'Université d'Orléans, estime que ce choix d'une communication devant le Congrès souligne la "présidence gaullienne, autoritaire" d'Emmanuel Macron. Il choisit également de "raréfier" sa parole en ne se pliant pas à l'interview du 14 juillet pour éviter les "dérives" de la "proximité médiatique" de François Hollande. Emmanuel Macron veut s'inscrire dans la tradition "d'une monarchie républicaine."
franceinfo : Emmanuel Macron est-il dans son rôle en s'adressant au Congrès, la veille du discours d'Edouard Philippe ?
Jean Garrigues : C'est un usage nouveau. Il s'est engagé à s'exprimer régulièrement devant le Congrès. La concomitance des deux discours peut poser problème. Elle souligne à nouveau la volonté d'Emmanuel Macron d'exercer une présidence gaullienne, autoritaire, jupitérienne. Au fond, il ne veut pas se faire voler la vedette par le premier Ministre. Il veut passer le premier pour fixer les grandes orientations auprès de l'opinion publique et de la représentation parlementaire, en laissant ensuite le premier Ministre décliner les grandes lignes qu'il aura fixées.
Emmanuel Macron ne donnera pas d'interview le 14 juillet. Est-ce une rupture avec une tradition de plus de 40 ans ?
Ce rituel de l'interview n'est pas gaullien. C'est Valéry Giscard d'Estaing qui l'a voulu en 1974, parce qu'il voulait organiser une politique de communication de proximité avec les Français. Il sortait de cette présidence distante qu'avait voulu mettre en place le général de Gaulle. Emmanuel Macron revient à la pratique gaullienne de la présidence en raréfiant sa parole. Comme il va s'exprimer devant le Congrès, il n'aurait pas besoin de s'exprimer le 14 juillet. Le choix est bon. Ce rendez-vous du 14 juillet est un rendez-vous médiatique qui peut être amusant pour les journalistes, mais il ne se dit pas grand-chose. C'est peut-être plus intéressant d'avoir, lors de ce discours au Congrès, les grandes orientations, la philosophie politique d'Emmanuel Macron.
Ne pas se plier à cette interview du 14 juillet, est-ce également éviter les questions des journalistes ?
Il s'agit pour Emmanuel Macron de créer une distance vis-à-vis des journalistes. C'est une manière de tourner le dos aux pratiques de son prédécesseur, François Hollande, dont il a constaté les dérives. Il a vu le mal que cette proximité médiatique avait causé à la présidentialité de François Hollande. Il considère qu'il faut éviter ce type de proximité, de sur-communication et raréfier sa parole.
Faut-il y voir une dérive monarchique ?
Emmanuel Macron est dans l'héritage de la tradition de la Ve République, tradition gaullienne et mitterrandienne. Souvenez-vous de la cérémonie du 7 mai, très proche de ce que François Mitterrand avait fait au Panthéon le 21 mai 1981. La parole rare, c'est aussi très mitterrandien. Il s'inscrit dans cette tradition qui est celle d'une monarchie républicaine. La présidence, sous la Ve République, a des relents de monarchie. C'est ce type de présidence-là qu'Emmanuel Macron veut instaurer.
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