Y a-t-il eu 1 300 élus locaux agressés au cours de l’année 2020, comme le dit Gérard Larcher ?
Invité sur le plateau de France 2 à la suite de l'agression d'Emmanuel Macron, le président du Sénat a affirmé que 1 300 élus locaux avaient été agressés physiquement. Un chiffre trompeur.
Interrogé sur la gifle reçue par le président de la République mardi 8 juin sur France 2, lors d’un déplacement à Tain-L’Hermitage, Gérard Larcher, président du Sénat, a tenu à rappeler "un chiffre terrible : au cours de l'année 2020, 1 300 élus locaux ont été agressés physiquement et je ne compte pas les agressions verbales".
Gérard Larcher semble avoir lu un peu vite le rapport parlementaire de la commission des lois de l’Assemblée. Ce rapport sur "les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux” publié en avril 2021 fait état de "1 276 agressions, menaces ou insultes contre des élus”, en 2020, selon des chiffres du ministère de l’Intérieur. Gérard Larcher se trompe donc en ne parlant que d'agressions physiques : "350 ont été outragés” c’est-à-dire insultés ou menacés. Le rapport note également "68 atteintes contre des domiciles et 63 véhicules visés”. Par ailleurs, il n'y a pas que des élus locaux parmi ces faits recensés, on note que "505 maires ou adjoints (et 60 parlementaires) ont fait l’objet d’agressions physiques”.
Le rapport souligne par ailleurs l’augmentation inquiétante de ces chiffres. Selon le ministère de l’Intérieur, 361 maires ou adjoints ont subi des atteintes physiques en 2018 et 383 en 2019. Il faut cependant rappeler que 2020 était une année d'élections municipales où les maires ont été particulièrement en contact avec la population. Les chiffres d’un rapport sénatorial datant d’octobre 2019 indiquent que 92% des 3 812 maires interrogés disaient avoir déjà subi des violences verbales ou physiques.
"Les statistiques ne permettent pas d’appréhender la réalité et l’ampleur de ce phénomène"
Cependant, les recensements de ces incidents sont à prendre avec précaution. Comme le concède ce rapport, les atteintes physiques sur des élus sont très compliquées à quantifier : "Les statistiques dont disposent les services de l’État ne permettent pas d’appréhender précisément la réalité et l’ampleur de ce phénomène.” Selon les institutions qui les font remonter, les chiffres peuvent beaucoup varier. Par exemple, "seules 315 affaires d’atteintes aux élus, pour 349 victimes, ont été signalées à la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice entre la fin 2018 et le 11 février 2021.”
Ces chiffres contrastent avec ceux du ministère de l’Intérieur, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les élus ne portent pas systématiquement plainte lorsqu’ils sont victimes d’agressions ou d’insultes. La DACG ne recueille en outre que les données fournies par les parquets, ce qui peut donc faire varier les chiffres. Plus largement, lorsque des plaintes sont déposées pour des agressions de personnes "dépositaires de l’autorité publique ou de personne chargées d’une mission de service public”, il est compliqué d’isoler les cas où les victimes sont des élus ou d’identifier les types d’élus concernés. "Il n'est donc pas possible [à la DACG] de recenser systématiquement les affaires concernant les élus municipaux.”
De son côté, l’Association des maires de France (AMF) décompte 233 maires agressés au cours des huit premiers mois de l’année 2020 via l’Observatoire des agressions envers les élus. Un dispositif créé dans le but d’affiner les statistiques sur la violence envers les élus locaux. Ces chiffres se basent sur des témoignages de tous types d’élus recueillis par un formulaire en ligne qui permet de qualifier l’agression et les suites judiciaires apportées. Mais cet observatoire est encore en cours de développement et ne comptabilise aujourd’hui pas toutes les agressions. La commission des lois de l’Assemblée proposait également la création d’un Observatoire national de la sécurité des élus locaux, rattaché directement au Premier ministre, dont une des missions serait de recenser et décompter les atteintes aux élus locaux.
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