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"Premiers de cordée", "pognon de dingue" : pour la prix Nobel Esther Duflo, les propos d'Emmanuel Macron risquent "de rendre les pauvres coupables de leur propre sort"

Selon Esther Duflo, le discours d'Emmanuel Macron peut "terroriser ceux qui ne sont pas pauvres aujourd'hui et qui se disent que peut-être un jour ils le seront".

Article rédigé par franceinfo
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La prix Nobel d'économie, Esther Duflo, à Cambridge (Etats-Unis), le 14 octobre. (SCOTT EISEN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

"Il y a un risque de rendre les pauvres coupables de leur propre sort". C'est l'inquiétude formulée par la prix Nobel d'économie Esther Duflo, invitée de franceinfo mardi 15 octobre. Elle est revenue sur la notion des "premiers de cordée" défendue par Emmanuel Macron à l'automne 2017 et sur ses propos tenus en 2018 lors d'une réunion de travail à l'Élysée : "On met un pognon de dingue dans les minima sociaux".

"Dans cette imagerie 'pognon de dingue' ou dans l'idée qui allait avec de responsabiliser les pauvres", Esther Duflo estime qu'il y a un sous-entendu : "Ils ne sont pas assez responsables par eux-mêmes". Selon elle, ce risque est présent "depuis toujours dans les politiques sociales. On rend la personne en difficulté coupable de ses malheurs. Tout en l'aidant on lui enlève sa dignité".

"C'est très dangereux"

La prix Nobel d'économie juge cette approche "dangereuse". "Une fois qu'on vous enlève votre dignité, vous n'êtes pas dans les meilleures conditions possibles pour retomber sur vos pieds. Cela terrorise ceux qui ne sont pas pauvres aujourd'hui et qui se disent que peut-être un jour ils le seront".

Esther Duflo explique que, pour les personnes en situation "un peu fragile", ce type de discours peut "les rendre inquiets de tout ce qui change, de tout ce qui peut être différent. Cela peut mener à une espèce de sclérose politique qui vient de la peur du risque. Parce que si vous tombez par terre, la société va vous en vouloir et va vous dire que c'est de votre faute. C'est très dangereux."

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