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Projet Pegasus : va-t-on vers une future crise diplomatique entre Paris et Rabat ?

Emmanuel Macron figure parmi les cibles du listing marocain du logiciel Pegasus, selon les nouvelles révélations de Forbidden Stories et de ses 16 partenaires, dont la cellule investigation de Radio France. Les autorités marocaines vont devoir s'expliquer.

Article rédigé par Christian Chesnot - Edité par Pauline Pennanec'h
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Emmanuel Macron passe un appel téléphonique depuis l'Elysée, le 24 octobre 2017. Photo d'illustration. (LEON TANGUY / MAXPPP)

C'est un sérieux irritant, comme disent les diplomates, entre la France et le Maroc, deux pays alliés qui entretiennent des liens très étroits sur tous les plans. Et cette affaire d'espionnage vient forcément ternir ces relations bilatérales. Pour le moment, Rabat maintient sa ligne de défense et dément tout en bloc depuis le début des révélations sur le réseau Pégasus que Rabat aurait acheté et utilisé. 

Selon les informations du consortium Forbidden Stories, dont fait partie la cellule investigation de Radio France, une agence de renseignement du Maroc, cliente de la société NSO et utilisatrice de Pegasus, a entré en mars 2019 l'un des numéros du chef de l'État français dans le logiciel espion.

>> Emmanuel Macron ciblé par Pegasus : "Si ces faits sont avérés, ils sont très graves", réagit l'Elysée. Suivez notre direct.

Les autorités marocaines ne pourront rester silencieuses bien longtemps. Des deux côtés de la Méditerranée, il va falloir clarifier les choses et vite. "Deux pouvoirs ont déjà été informés en amont de ces révélations et ces conjectures, et certainement des contacts ont déjà été établis pour des explications, estime Ali Amar, fondateur et directeur du site d'information Le Desk. 

"Il y aura une brouille. Il faut d'abord qu'elle soit assumée et il faut que les deux États reconnaissent que ces révélations sont vraies, ce qui n'est pas le cas, en tout cas du côté marocain, qui nie catégoriquement le fait d'utiliser ce genre de technologies."

"C'est sûr que les deux chefs d'Etat ne vont pas s'afficher ensemble, ne vont pas envisager peut être des visites croisées jusqu'à résolution de cette affaire."

Ali Amar, fondateur et directeur du site d'information Le Desk

à franceinfo

Au Maroc, la presse n'est pas très prolixe sur l'affaire du logiciel espion Pegasus et les journaux du royaume se contentent de reproduire le démenti officiel des autorités. Le journal Libération, organe du Parti socialiste, titre simplement "Trêve de mensonges" tandis que le quotidien Le Jour, publication de l'agence officielle MAP, a préféré lui faire sa une sur le démantèlement de 84 cellules terroristes depuis 2015 dans le pays. Seuls certains médias numériques indépendants relaient et enrichissent les révélations.

La surveillance humaine, "une tradition marocaine"

À Rabat, on espère encore une visite du président français d’ici à la fin de son quinquennat, mais forcément, cette affaire du ciblage du téléphone d'Emmanuel Macron risque d'aggraver les malentendus entre les deux chefs d'État.

Le président français s'est rendu au Maroc juste après son arrivée à l'Élysée en 2017 pour une visite de travail express puis n'est resté que quelques heures en novembre 2018 pour inaugurer le TGV entre Tanger et Casablanca.

Selon le journaliste Ali Amar, la surveillance humaine, "c'est une tradition marocaine, le maillage sécuritaire est quelque chose qui vient de très loin de l'ère d’Hassan 2."

"Je ne dirais pas que le pouvoir se sent menacé. On n'est pas dans une surveillance de crainte, on est dans une surveillance de contrôle."

Ali Amar, fondateur et directeur du site d'information Le Desk

à franceinfo

D'après un diplomate marocain, les autorités de Rabat savent parfaitement jouer de l'inertie et utiliser "la stratégie de l'édredon" pour gagner du temps. Car le Maroc se prépare à fêter l'Aïd, la fête du sacrifice. Lors de ce moment de grande convivialité, c'est tout le royaume qui s'arrête, une aubaine pour les autorités qui savent que les Marocains ont la tête ailleurs, notamment pour oublier un peu la pandémie de Covid-19.

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