"Bayrou c'est pire que tout", "À droite, c’est le plus prometteur", "Je t'emmerde"... Quelques appréciations récoltées par le nouveau Premier ministre au cours de son long chemin politique

Le nouveau Premier ministre a, depuis le début de sa carrière politique, occupé de nombreux postes à responsabilités. Au plus haut de l'Etat, il s'est également fait quelques ennemis.
Article rédigé par Xavier Allain
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
En 1994, François Bayrou posait à côté de Valéry Giscard d'Estaing à l'Assemblée nationale. (JOEL SAGET / AFP)

Un routard de la politique. Emmanuel Macron a nommé François Bayrou Premier ministre, vendredi 13 décembre. À 73 ans, comme son prédécesseur Michel Barnier renversé le 4 décembre par l'Assemblée nationale lors d'une censure inédite depuis 1962, le président du MoDem devient donc le sixième locataire de Matignon depuis la première élection d'Emmanuel Macron en 2017 et le 28e Premier ministre de la Ve République.

Depuis 42 ans, François Bayrou a gravi les marches de la politique française tout au long de sa carrière, du jeune militant giscardien à Matignon aujourd'hui, en passant par le ministre de l'Education (1993-1997) et trois élections présidentielles (de 2002 à 2012), sans jamais parvenir au second tour.

Relations tendues avec Jacques Chirac

Et le Béarnais s'est aussi fait des inimitiés tout au long de ce parcours, y compris parmi les poids lourds de la politique, à commencer par les présidents. Comme à la fin des années 1980 où le jeune député de l'UDF, élu en 1986, ronge son frein, lui qui voit plus grand. Selon L'Express, il aurait alors eu cette phrase, face à Valéry Giscard d'Estaing, sa "figure de proue" : "Monsieur le président, savez-vous pourquoi vous n’avez plus d’amis ? Vous traitez les gens, ils sont en extase et puis plus rien. L’amour se transforme en haine.

Mais la relation le plus tendue reste sans nul doute avec Jacques Chirac, comme le montre ce tacle raconté par RMC. Le 21 avril 2002, François Bayrou, candidat malheureux de l'UDF avec 6,84 % des voix, espère un appel du président de la République sortant pour lui demander son soutien au second tour et, pourquoi pas, un poste de Premier ministre, croient savoir nos confrères. Mais c'est la surprise générale : Jean-Marie Le Pen accède au second tour de l'élection présidentielle en éliminant Lionel Jospin. Finalement, le téléphone sonne vers 20h10 : c'est le chef de l'Etat. "Allo François ? Je voulais te dire que je t'emmerde", a alors glissé Jacques Chirac, sûr de sa victoire future face au Front national.

Selon François Bayrou lui-même, sur France Bleu, cela n'a pas empêché les deux hommes de se rencontrer dès le lendemain matin : "Il était assez sympathique avec les jeunes que nous étions, mais il n'en pensait pas moins... Beaucoup de gens retiennent que Jacques Chirac tapait dans le dos facilement, mais c'est plus complexe", confiait alors le patron du MoDem au lendemain de la mort de l'ancien chef de l'Etat en septembre 2019.

"Il n'a rien voulu faire et il n'a rien réglé"

Et chez certains ténors de la politique, le ton n'est pas plus sobre. Simone Veil, par exemple, a eu des mots très rudes vis-à-vis de François Bayrou. En 2007, la célèbre ministre de la Santé de Valéry Giscard d'Estaing ne mâchait pas ses mots : "Bayrou, c'est pire que tout". Dans Le Monde, elle insistait sur "tout son passé et ses trahisons successives", lui reprochant notamment son soutien à Jacques Chirac en 1995 au détriment d'Edouard Balladur, qui l'avait pourtant nommé ministre. Elle avait alors jugé indécent de se précipiter de la sorte "juste pour rester ministre de l'Education nationale et continuer à ne rien faire".

Toujours dans les colonnes du journal, Simone Veil avait dénoncé l'attitude du François Bayrou d'alors, notamment sur la révision de la loi Falloux sur le financement de l'enseignement privé : "Il a répondu qu'il s'en fichait, qu'il voulait pouvoir mettre ses enfants dans le privé. Il a surtout mis un million de personnes dans la rue." Et Le Monde de rapporter les propos de Simone Veil : "Sans parler du problème du voile à l'école sur lequel elle l'a, en vain, conseillé, dit-elle. 'Là non plus, il n'a rien voulu faire et il n'a rien réglé'", glissait l'ancienne ministre, peut-on lire dans les archives du site. Et l'article de conclure sur les propos de Simone Veil sur le succès de François Bayou dans les sondages : "Je crois que cela vient d'un rejet du politique".

"Il a toujours trahi"

Nicolas Sarkozy non plus n'a pas hésité à égratigner le centriste. En 2019, l'ancien président avait alors taclé le chef du MoDem dans son livre Passions : "Il a toujours trahi ceux qu'il a choisis", peut-on lire, avant que Nicolas Sarkozy ne décrive le "tempérament profond" de François Bayrou "qui le portait à une détestation de tous ceux qui avaient réussi".

Réponse de François Bayrou, alors, sur LCI : "L'actualité ces derniers jours dans les journaux est pleine des attaques, des critiques méprisantes de Nicolas Sarkozy à l'égard de tous ceux qui, un jour ou l'autre, se sont affrontés à lui, et j'en ai été. Donc tout ça est négligeable", avait-il entamé. Avant de taper plus fort : "Mais il y a une chose qui me frappe, c'est qu'il se sert toujours, à propos de tous ses rivaux, de la même méthode : il fait parler des gens qui ne sont plus là. Ce n'est pas très courageux".

Et François Bayrou de citer une phrase attribuée à Jacques Chirac à propos de Nicolas Sarkozy : "Vous vous souvenez des mots de Jacques Chirac, il a dit, en particulier : 'Il faut l'écraser, mais prendre soin de lui marcher dessus du pied gauche, ça porte bonheur'. On ne sait pas si vous voyez à quoi il fait allusion".

"Il sera président"

Retour vers le présent : tout juste nommé Premier ministre, François Bayrou a glissé vendredi 13 décembre vouloir trouver un "chemin qui réunisse les gens au lieu de les diviser. Je pense que la réconciliation est nécessaire. Tout le monde mesure la difficulté de la tâche".

Le nouveau locataire de Matignon a conclu cette première prise de parole en citant François Mitterrand, lors de son élection le 10 mai 1981 : "Enfin, les ennuis commencent..." Comme un clin d'œil au passé ? "Suivez François Bayrou, il sera président. À droite, c’est le plus prometteur", a ainsi un jour déclaré l'ancien chef de l'État, croit savoir Public Sénat.

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