RECIT. "C'est un tremblement de terre" : les trois jours qui ont fait basculer la campagne de François Fillon en 2017
Mardi 24 janvier 2017. "C'était en fin de matinée ou en début d'après-midi." S'il n'a plus l'heure en tête, ce cadre de la campagne se souvient très bien des paroles de Patrick Stefanini : "On a un souci, ça va faire du bruit." Le "souci" du directeur de campagne de François Fillon s'appelle Le Canard enchaîné. L'hebdomadaire satirique s'apprête à lâcher une bombe dans son édition du lendemain. Penelope Fillon, l'épouse du candidat, a été rémunérée comme assistante parlementaire de son mari durant de nombreuses années. Problème : le Canard n'a pas trouvé trace de la réalité de cet emploi.
Au sein de l'équipe de campagne, c'est la panique. Très peu de gens sont au courant de la sortie imminente de cette information. Pas même le directeur de campagne qui l'apprend la veille de la parution. "Si François Fillon avait accepté de partager cette information, nous aurions disposé d'un mois, voire de six semaines, pour préparer des éléments de réponse", regrette Patrick Stefanini dans son livre*. C'est la question qui obsède encore l'entourage de l'ex-candidat : quand François Fillon a-t-il été mis au courant ? Dès décembre, suppute Patrick Stefanini. Ce qui est certain, c'est que le champion de la droite reçoit dès le lundi les questions du palmipède. La nouvelle s'ébruite dans un tout petit cercle. L'un des plus proches soutiens du candidat, Bruno Retailleau, l'apprend lui aussi le lundi soir par une collègue sénatrice. Malgré les premières rumeurs, François Fillon reste impassible.
Mardi 24 janvier, un chat noir prémonitoire
Ce mardi s'annonce chargé sur le plan politique et médiatique. Le candidat de la droite, qui a battu à la surprise générale Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, doit rencontrer plusieurs poids-lourds du parti, mais aussi des journalistes. A midi, François Fillon déjeune avec François Baroin. Ils se revoient pour la première fois depuis six semaines, raconte le maire de Troyes dans le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Apocalypse Now**. Il s'agit de transformer l'ancien soutien de Nicolas Sarkozy en membre actif de la campagne de François Fillon. Car à trois mois de la présidentielle, rien n'est prêt. "Ça ne fonctionnait pas du tout, on n'était pas organisé, on n'arrivait pas à imprimer, se remémore un membre de l'équipe. Déjà, quand vous vous rappelez l'épisode du ski, vous vous dites, c'est mort". En pleine campagne présidentielle, François Fillon était parti skier en famille une dizaine de jours à Noël, donnant très peu de nouvelles à son équipe.
Autour d'un candidat absent et solitaire, il faut en outre parvenir à réunir des équipes qui se sont affrontées pendant de longs mois pendant la primaire. D'où ce déjeuner. "Evidemment, l'affaire, on n'en parle pas, car Le Canard sort à 17 heures, raconte l'ex-ministre aux journalistes du Monde. Il me demande qui je verrais dans l'équipe, qui je pensais utile pour lui de rencontrer…"
François Fillon ne laisse rien transparaître de la tempête qui s'annonce. Pas plus qu'il ne se livre à François Bayrou. Le patron du MoDem est attendu en début d'après-midi au domicile des Fillon. Penelope Fillon est là. Les deux fauves de la politique discutent alliance sans que cela ne débouche sur quoique ce soit. Le maire de Pau trouve le Sarthois trop à droite ; ce dernier verrait bien le centriste se lancer dans la course pour faire barrage à Emmanuel Macron. Bref, on cause politique.
Il n'y avait aucun problème perceptible, il n'était pas déstabilisé.
Il n'y aura pas d'accord avec le MoDem, mais François Fillon a déjà en tête son prochain rendez-vous, avec une figure du centre-droit : Jean-Louis Borloo, dont le ralliement constituerait une prise de guerre. Entre-temps, Le Canard enchaîné dégaine sur Twitter. Il est 15h38. Le tweet, qui n'est accompagné d'aucun lien ni aucune image, est la première occurrence sur le réseau social de l'affaire Penelope Fillon.
DEMAIN DANS "LE CANARD"
— @canardenchaine (@canardenchaine) 24 janvier 2017
Les 600 000 euros gagnés par Penelope
qui empoisonnent Fillon
Pour le grand public, l'affaire reste mystérieuse. En interne, on comprend tout de suite. Selon le récit de Davet et Lhomme, c'est Gilles Boyer, le trésorier de la campagne, qui découvre le message. Il en informe le premier cercle de l'équipe. François Fillon est, lui, toujours avec Jean-Louis Borloo. La rencontre se passe mal. A la sortie de l'entrevue, l'ancien ministre de l'Ecologie appelle Thierry Solère pour lui raconter. "Ah la la ! Catastrophe ! Le mec, il est bien à l'ouest, je ne lui en veux même pas", raconte l'ancien maire de Valenciennes.
J'ai compris que "Le Canard" allait sortir un truc sur sa femme, il le sait, il m'en a parlé… Le lapin, il n'est pas bien !
Le coup de fil tétanise Thierry Solère. Le porte-parole du candidat participe au même moment à une galette des rois qui réunit l'équipe de campagne au QG. François Fillon est présent pour la découper. La fève ? Un chat noir. Même Netflix n'aurait pas osé. "Quelqu'un a fait une vanne pour déminer tout de suite, mais de toute façon le cœur n'y était pas, raconte un participant. C'était lugubre pour plein de raisons, il n'y avait pas de cohésion." Un autre revoit François Fillon "remerciant l'équipe comme si la news n'allait pas sortir".
Le candidat s'éclipse à 17 heures dans son bureau pour une interview avec la journaliste du Point Laureline Dupont. Cette dernière, qui doit réaliser le portrait du Sarthois, coupe son portable. Elle ne voit pas les premières alertes, mais se souvient d'un Thierry Solère "ahuri" de la "voir débouler à l'étage du candidat". Là encore, Fillon demeure impassible.
Il est hyper détendu et pendant 15 minutes, il me commente une à une les photos de son bureau.
L'entretien dure une quarantaine de minutes avant d'être interrompu par l'attachée de presse du candidat. Celle-ci tapote sa montre pour signifier à François Fillon qu'il est attendu. Laureline Dupont et sa photographe font mine de partir, mais l'ex-Premier ministre les retient : "Ils attendront." C'est reparti pour une quinzaine de minutes.
Au premier étage, c'est la panique. Les portables n'arrêtent pas de sonner. "127 SMS. En deux minutes !" confie Thierry Solère à Davet et Lhomme. Ils sont pourtant nombreux à ne pas mesurer la portée de l'affaire. "Je n'ai pas pigé que c'était aussi grave, ça a peut-être été un choc pour beaucoup, mais pas pour moi", se souvient Arnaud de Montlaur, un très proche de François Fillon qui fût chargé du financement de la campagne. Bruno Retailleau raconte n'avoir pas "prêté attention" aux premières révélations du Canard, sachant que dans "une campagne présidentielle, il y a des révélations". Les proches de Juppé et Sarkozy sont plus circonspects. Ils se souviennent de la fameuse pique de Fillon, lancée en août 2016 à son rival Sarkozy, empêtré dans des affaires judiciaires.
C'était l'incrédulité, j'avais en tête sa phrase : 'Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?'
"J'ai tout de suite pensé que c'était un problème sérieux", assure un autre. L'AFP relaie très vite l'info. "On a appelé Solère en pleine galette des rois, il avait l'air pris au dépourvu et nous a dit qu'il nous rappelait plus tard", raconte Mathieu Foulkes, chef adjoint du service politique de l'agence. "Comme les infos du Canard étaient sérieuses et sourcées, on a fait ce que l'on appelle un pick-up : on a repris l'info du Canard sans confirmation", explique-t-il. A 17h40, la première dépêche tombe dans les rédactions.
Une réunion de crise s'organise en fin de journée dans le bureau du candidat. "Il faut dire que c'est faux et porter plainte pour diffamation", suggère Thierry Solère. La réponse de Fillon sidère le porte-parole : "Ah non, pas une plainte, sinon, il y aura la justice !" Toujours aux journalistes du Monde, Thierry Solère confie : "Quand on est clair, on ne craint pas la justice… Là, on se dit : 'Allô Houston, il y a un problème'." Il ne reste plus qu'à faire une réponse "basique" à l'AFP. "Penelope Fillon 'a toujours travaillé dans l'ombre, car ce n'est pas son style de se mettre en avant', a fait valoir Thierry Solère", peut-on lire. L'équipe se quitte sur cette déclaration.
Mercredi 25 janvier, la justice s'en mêle
Le lendemain, le camp Fillon se réveille avec la gueule de bois. Les lieutenants du candidat ne reçoivent aucun élément de langage. "Je n'ai pas le souvenir d'en avoir reçu, on nous a juste dit qu'il y avait les éléments pour prouver que son emploi était réel, c'était pris au début avec légèreté", assure un membre de l'équipe. "C'était la cacophonie, les équipes ont mis du temps à se mettre en ordre de bataille", soupire un autre.
Oui, mais voilà, il faut bien réagir aux demandes pressantes des médias. Dans les matinales, les proches du candidat tentent d'éteindre l'incendie. "François Fillon a toujours travaillé avec Penelope Fillon, je l'ai souvent vue participer à ses travaux, je l'ai vue à l'Assemblée Nationale", déclare sur France Inter Bernard Accoyer, alors secrétaire général de LR. Florence Portelli, porte-parole de Fillon, contre-attaque, sur franceinfo : "Pourquoi vient-on chercher cette histoire, alors qu'il n'y avait rien d'illégal ? Est-ce qu'il n'y a pas une volonté de déstabiliser le principal favori de la course ?"
François Fillon poursuit sa campagne comme si de rien n'était. Au programme : des retrouvailles avec Alain Juppé, à Bordeaux. Les relations, déjà compliquées entre les deux hommes, se crispent avec les révélations du Canard. "Je regarde les chaînes infos et je vois que la visite est complètement perturbée", raconte le juppéiste Dominique Bussereau.
L'objectif de marquer le ralliement de Juppé est raté et ça se voit que Juppé est énervé. Il a sa tête des mauvais jours.
Pressé par les journalistes, François Fillon prend pour la première fois la parole, vers 11 heures. Sur le site de l'entreprise Thalès à Mérignac (Gironde), il attaque. "Je vois que la séquence des boules puantes est ouverte", lance-t-il. "Je voudrais simplement dire que je suis scandalisé par le mépris et par la misogynie de cet article. Alors, parce que c'est mon épouse, elle n'aurait pas le droit de travailler ?" Le candidat poursuit sur le présumé sexisme de l'article du Canard :"Imaginez un instant qu'un homme politique dise d'une femme, comme le fait cet article, qu'elle ne sait faire que des confitures. Toutes les féministes hurleraient."
Au QG de François Fillon à Paris, c'est la stupéfaction. "On le regardait en direct et il ne suit pas le b.a-ba ! On ne répond pas à un micro tendu sur un sujet aussi grave ! La situation n'est pas maîtrisée", s'agace un ponte de la campagne. Sur le fond, la ligne de défense du candidat affole ses soutiens. "Sur les pots de confiture, si on a que ça comme réponse à donner, c'est léger pour un futur président de la République", remarque l'un d'eux. "Ça m'a marqué cette histoire de confiture, c'est un argument simpliste, mal adapté à la situation", assure un autre. "Sa défense est très mauvaise", résume un troisième.
La suite de la visite bordelaise, dans une entreprise spécialisée dans l'aérospatial, se poursuit sous l'œil des caméras. La séquence frôle le grotesque, rappelle Libération, lorsque les deux politiques se retrouvent au bord d'un simulateur de vol en hélicoptère. "On va bientôt se crasher dans les montagnes !" prévient Fillon. "Euh, je te rappelle que je suis dans le même appareil, là", réplique Juppé.
C'est l'heure du déjeuner dans un restaurant du centre-ville. Les journalistes reviennent à la charge à la sortie du repas. Pourquoi Fillon n'organise-t-il pas sa défense ? "Parce que je n'ai pas à le faire", coupe court le candidat. Pourtant, l'ancien chef du gouvernement va bien être obligé de s'organiser. A 15h25, Le Parisien donne l'info qui va bouleverser définitivement la campagne. "Affaire Penelope Fillon : le Parquet national financier ouvre une enquête préliminaire", titre le quotidien. Confiée à l'Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales, l'enquête porte sur des faits présumés de détournement de fonds publics, d'abus de biens sociaux et recel.
Dans l'entourage du candidat, c'est la douche froide. "J'ai senti que l'on changeait de dimension, on était dans quelque chose de plus grave", admet Bruno Retailleau. Trois ans plus tard, ils sont encore nombreux à s'étonner de la rapidité de l'ouverture d'une telle enquête. "On s'est demandé ce qu'il y avait derrière, le PNF a réagi au bout de trois ou quatre heures !" s'étonne l'ancien député Bernard Debré. D'autres brandissent même la théorie du complot. "Il y a vraiment une manipulation, il a été volontairement, délibérément, démoli par le PNF", affirme le député Gilles Carrez.
<span>J'ai horreur de la thèse du complot sur tous les événements, mais là c'est la seule exception. Avec le recul, je m'interroge.</span>
Dominique Bussereau n'est pas de cet avis. "Cette ouverture d'enquête, je l'ai trouvée assez légitime, soutient-il. Je me dis que si le PNF s'y intéresse, c'est peut-être que d'autres infos vont sortir". "C'est un tremblement de terre, c'est la stupéfaction, mais ils ne doivent pas le faire complètement au hasard", renchérit un ponte de la campagne.
François Fillon demande alors à Patrick Stefanini de lui "organiser une première réunion de travail avec son avocat", raconte l'ex-directeur de campagne dans son livre. "La première d'une longue série." Antonin Lévy devient le conseil de Fillon dans cette affaire. Il le défendra lors du procès. Un communiqué est rédigé et diffusé en début de soirée. "Je souhaite, pour rétablir la vérité, être reçu au Parquet national financier dans les plus brefs délais", déclare François Fillon.
Ceux qui ont pensé m’atteindre doivent être certains de ma détermination. pic.twitter.com/ZAYORNjeMt
— François Fillon (@FrancoisFillon) 25 janvier 2017
Les opposants à François Fillon se délectent. Le Front national lui demande de "s'expliquer" sur la réalité de l'emploi de son épouse. Le sujet s'invite dans le débat d'entre-deux-tours du PS, le soir même. Manuel Valls et Benoît Hamon tombent d'accord pour interdire l'emploi par un parlementaire d'un parent proche. La pression s'accentue sur le camp Fillon.
Jeudi 26 janvier, la contre-attaque
La campagne prend un virage inquiétant pour le camp Fillon. Dans les matinales du 26 janvier, les snipers de la droite n'ont d'autre choix que de parler de l'affaire. "Nous donnerons très vite à la justice l'ensemble des éléments, assure Bruno Retailleau sur Europe 1. "Comme par hasard, à trois mois de la présidentielle, quelques jours avant son discours fondateur, cette affaire lui tombe dessus. Il n'est pas question de laisser prendre en otage une campagne présidentielle", attaque le sénateur. Au même moment, sur RTL, Valérie Pécresse dénonce "une manœuvre politique", arguant qu'"on ne lance pas des boules puantes impunément à trois mois de l'élection présidentielle".
En interne, personne n'est dupe. "On a toujours eu vingt-quatre à quarante-huit heures de retard sur cette affaire, il aurait fallu éteindre le feu dès le mardi soir. A la place, on fait le JT de TF1 mais trois jours après le début de l'affaire, c'est trop tard", regrette un ancien membre de l'équipe. François Fillon accorde sa première interview officielle, en longueur, à la première chaîne, le jeudi soir. Certains de ses soutiens tentent d'influencer le candidat dans sa contre-attaque. "Je suis allé le voir le matin dans son bureau et je lui ai conseillé de rembourser", raconte l'un d'eux.
Je lui ai dit : tu vas au 20 Heures, tu fais un chèque en direct pour dire que tu rembourses, comme ça Penelope aura bossé gratuitement et ce n'était pas de l'argent volé. C'était un bel argument.
L'approche ne convainc pas François Fillon. "Il ne répond pas." La journaliste Laureline Dupont, elle, parvient à joindre le candidat sur son téléphone dans la matinée. Son portrait, qui doit paraître la semaine d'après, doit absolument comporter une réaction du Sarthois à cette affaire. Cette fois, la conversation dure une petite dizaine de minutes. "Il reste dans cette certitude que ça ne prendra pas dans l'opinion et que tout le monde a fait ça", rapporte la journaliste.
En milieu d'après-midi, Antonin Lévy, l'avocat du candidat, va remettre des documents au PNF. "Nous sommes convenus de nous reparler aussi souvent que cela sera nécessaire", déclare-t-il à la presse en sortant. Les auditions des premiers témoins débutent le lendemain.
Si la justice suit son cours, François Fillon sait qu'il ne peut couper à une explication en bonne et due forme. Face à Gilles Bouleau, sur TF1, le candidat fait part de son "dégoût devant le caractère abject de cette accusation". Il assure qu'"il n'y pas le moindre doute" sur l'emploi "légal", "réel", et "parfaitement transparent" de son épouse comme collaboratrice parlementaire.
François Fillon lâche une autre information : "Je vais même vous dire quelque chose que vous ne savez pas : lorsque j'étais sénateur, il m'est arrivé de rémunérer pour des missions précises deux de mes enfants qui étaient avocats". Surtout, il fait cette promesse qui prend tout le monde de court : "La seule chose qui m'empêcherait d’être candidat, c'est si mon honneur était atteint, si j'étais mis en examen."
Au QG, d'où l'on suit attentivement la prestation du candidat, les avis sont partagés. "Il tente le tout pour le tout, il est convaincu que ce qu'on lui reproche est faux et pour lui, il n'a pas fauté", soutient l'un de ses proches. "Il y a chez Fillon un orgueil très fort. Il pense que la procédure n'aura pas le temps de prospérer avec la campagne", émet comme hypothèse Dominique Bussereau. Certains cadres haut placés sont atterrés. "Les enfants, c'est une catastrophe, ça donne au téléspectateur l'impression d'un truc à tiroir, soupire l'un d'eux. Quand il a parlé de sa mise en examen, on a tous pensé la même chose : 'Qui lui a demandé de dire ça ?' C'est une erreur absolue."
Et alors le 'si mon honneur était atteint', bah, vous vous mettez à genoux et vous allumez des cierges partout, il se trace une cible au milieu du front !
François Fillon espère mettre un terme à cette mauvaise séquence. C'est raté. La première saison ne fait que commencer. Sa campagne, qui jusque-là patinait, devient impossible. "On ne parle plus du projet et du programme et dès ce moment-là, on comprend que ça va être compliqué, que l'on ne peut plus communiquer", soupire une cheville ouvrière de la campagne. "Ces trois journées des 24, 25 et 26 ont été une vraie déflagration, mais en même temps, elles ont révélé les péchés originels de la campagne, qui préexistaient aux révélations du Canard", estime un autre.
Cette campagne prenait l'eau, avant même la publication des informations de l'hebdomadaire. Manque de cohésion, guerre des clans, absence de leadership… Fillon n'est pas un chef d'équipe, contrairement à Sarkozy. Ce jeudi soir, les journalistes du Canard écoutent attentivement le candidat. Fillon vient de lâcher l'info sur ses enfants. Une aubaine pour le palmipède qui prépare déjà sa prochaine édition. "L'addition flambe : 330 000 euros de mieux pour Penelope et 84 000 euros pour les enfants", titrera l'hebdomadaire le mercredi suivant. Deuxième chapitre d'un feuilleton qui mettra le camp Fillon et la droite à terre.
Texte : Margaux Duguet
* Patrick Stefanini avec Carole Barjon, Déflagration. Dans le secret d'une élection impossible (Robert Laffont, 2017)
** Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Apocalypse Now – Les années Fillon. L’histoire secrète de la droite française (Fayard, 2020)