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"Les critiques de François Hollande envers les joueurs de foot relèvent du populisme pur"

Joachim Barbier, journaliste à "So Foot" et auteur de "Ce pays qui n'aime pas le foot", analyse pour franceinfo les confidences du chef de l'Etat sur le monde du ballon rond.

Article rédigé par Vincent Matalon - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les joueurs de l'équipe de France félicitent Paul Pogba après son but inscrit face aux Pays-Bas, le 10 octobre 2016 à Amsterdam. (MAXPPP)

Karim Benzema ? "Moralement, ce n’est pas un exemple." Les Bleus ? "Il y a les gars des cités, sans références, sans valeurs, partis trop tôt de la France". Entre les confidences sur sa vie privée ou sur les aléas de son mandat, François Hollande livre son sentiment sur le milieu du football dans Un président ne devrait pas dire ça..., à paraître jeudi 13 octobre.

Dénonciation d'une "communautarisation" à l'œuvre selon lui en équipe de France, du comportement de "gosses mal éduqués devenus vedettes richissimes"... Tous les reproches habituels y passent. Pour comprendre les ressorts de ces critiques du chef de l'Etat envers le milieu du ballon rond, franceinfo a interrogé Joachim Barbier, journaliste à So Foot et auteur du livre Ce pays qui n'aime pas le foot (Hugo Sport, 2012).

Franceinfo : Dans "Un président ne devrait pas dire ça...", on découvre un François Hollande très critique envers le monde du foot en général, et envers les Bleus en particulier. Cela vous a-t-il surpris ?

Joachim Barbier : Ce qui est étonnant, c'est que François Hollande semblait donner l'impression d'avoir plus d'empathie pour les footballeurs que d'autres responsables politiques, qui ne connaissent rien à la culture de ce milieu et se pressent pour réagir dès qu'il y a un petit dérapage.

Ici, François Hollande reprend les critiques habituelles des élites politiques à l'encontre des Bleus, qui sont une autre forme de représentation du pays qu'ils ne comprennent pas. Ces reproches consistent par exemple à nier que l'intelligence de jeu dont les footballeurs font preuve puisse être une vraie forme d'intelligence. Seule compterait l'élocution verbale.

Ces propos reflètent aussi une certaine jalousie. On estime que les footballeurs ne méritent pas leur salaire, gagnent trop d'argent par rapport à leur niveau d'études... Les politiques n'arrivent pas à comprendre que les salaires des joueurs viennent aussi d'une certaine forme de méritocratie, qui n'est pas la méritocratie républicaine classique à laquelle ils sont habitués.

Ces reproches montrent que François Hollande est hors sol, comme les autres politiques. Il ne réalise pas que la façon de parler ou de s'habiller d'un Benzema ou d'un Nasri puisse être une norme dans une partie de la société.

Aucune de ces critiques n'est donc fondée ? 

Si, ses reproches sur la Fédération, par exemple. Lorsque l'on compare notre situation avec ce qui se fait à l'étranger, on se rend compte qu'il existe en France un vrai déficit en matière de formation à la citoyenneté. Mais les joueurs ne sont pas responsables de cette situation. 

Quant aux critiques sur le communautarisme dans l'équipe de France, elles pourraient aussi s'appliquer au monde politique, où tout le monde est issu du même milieu. Il suffit de regarder l'Assemblée pour s'en convaincre : peu de femmes, peu de membres de minorités... Avec une telle uniformité, il n'est pas étonnant que les responsables politiques trouvent les joueurs étranges. 

A quand remonte cette propension des politiques à réclamer une exemplarité de la part des footballeurs ?

Les premiers commentaires remontent à la Coupe du monde de 2002 [quand les Bleus, tenants du titre, ont échoué à sortir des poules]. Certains politiques ont alors dénoncé des comportements de divas ou de rock-stars chez les joueurs. Ce phénomène s'est accéléré lors de l'Euro 2008 [où l'équipe de France a également été éliminée dès le premier tour], avant d'atteindre son paroxysme avec l'épisode du bus à Knysna, pendant le Mondial 2010.

En fait, les politiques ont découvert le foot en 1998 et ont cru que la France allait toujours gagner. Quand ils se sont rendu compte que ce n'était pas le cas, cela a été compliqué à appréhender. Du coup, ils s'expriment dans les médias à la moindre mini-affaire. C'est du populisme pur : quand les joueurs gagnent, on les félicite, quand ils perdent, on les fusille.

Il est d'autant plus facile de critiquer les joueurs que ceux-ci ne peuvent pas se défendre. Quand on s'en prend à un footballeur, on s'attaque à un homme, éventuellement à son agent, à sa famille, mais pas à un corps constitué, ni à un lobby actif à l'Assemblée. C'est simple, cela permet de gagner quelques points de popularité dans les sondages, mais ça ne permet pas de mieux comprendre la situation.

Aurait-on exigé des Bleus de 1998 d'être exemplaires ?

Non, ces reproches s'arrêtent quand la France gagne. Mais il y a également un problème d'époque : les Bleus de 1998 ont déjà dit dans des interviews qu'ils faisaient pire que ce que l'on entend aujourd'hui. Mais à l'époque, cela ne sortait pas de l'hôtel ou des vestiaires. L'attention médiatique était moins forte, et il y avait moins d'argent en jeu.

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