"Vous avez dit beaucoup de bêtises" : la presse et les présidents français, une histoire souvent compliquée
Emmanuel Macron a critiqué, entres autres, les journalistes ces derniers jours pour le traitement de l'affaire Benalla. Une critique qui revient souvent dans la bouche des chefs d'État français.
Emmanuel Macron est à la contre-attaque dans l'affaire Benalla. Sa cible : la presse. Depuis deux jours, le président de la République a fait plusieurs déclarations qui accusent la presse de monter l'affaire en épingle "Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité", a-t-il lancé aux parlementaires En Marche ! mardi 24 juillet. Depuis le début du quinquennat, Emmanuel Macron entretient des relations tendues avec les journalistes. Ce qui est loin d'être une première dans l'Histoire.
Déjà Napoléon 1er se méfiait de la presse
"L’Empereur, si puissant, si victorieux, n’est inquiet que d’une chose au monde : les gens qui parlent et les gens qui pensent." Nous sommes en 1812, et déjà le chef de l'État, Napoléon 1er, ne regarde pas la presse d'un bon oeil. Elle n'est pourtant pas bien vaillante à l'époque. Les relations complexes entre la presse et le pouvoir ne sont donc pas une nouveauté.
Mitterrand et "les chiens"
Plus proche de nous, François Mitterrand s'en était pris à la presse, lors de l'hommage à Pierre Bérégovoy. L'ancien Premier ministre s'est suicidé le 1er mai 1993 après la révélation d'une affaire de prêt d'un million de francs. Ce discours rappellera sans doute des souvenirs à certains.
Mais François Mitterrand n'a pas toujours entretenu la tension avec les journalistes explique, à franceinfo, Patrick Eveno historien spécialiste de la presse. "Il a essayé de la séduire au début, parce que la presse l'avait aidé peut-être, dans sa conquête du pouvoir. Mais ensuite dès que les affaires se sont tendues, il est devenu beaucoup plus violent."
Il ne supportait pas qu'on mette le nez dans ses affaires. Et que se soit Bérégovoy, le Rainbow Warrior, ou d'autres affaires du même type, il acceptait très mal la critique
Patrick Evenoà franceinfo
L'historien spécialiste de la presse distingue trois types d'attitudes des présidents face aux médias. Selon lui, "le fait qu'il y ait un seul homme qui décide de tout, et que les parlementaires soient un peu aux ordres, cela entraîne une sorte de démesure de la part du président de la République, notamment depuis la Ve République". Patrick Eveno estime que les chefs d'État français tentent "soit de contrôler la presse, soit de la discréditer, soit d'essayer de la séduire."
Amour et désamour pour Nicolas Sarkozy
Les présidents tentent souvent de jouer sur plusieurs cordes. La palme de l'attraction puis de la répulsion revient sans doute à Nicolas Sarkozy. Comme lors de ses voeux à la presse le 31 janvier 2012, où il évoque son "bonheur", d'être face aux journalistes. Il les "remercie", ironiquement de l'avoir critiqué pendant son mandat. "Franchement, un pays où la presse est tellement libre, qu'elle n'est pas obligée d'etre impartiale, ça fait plaisir", conlut à l'époque Nicolas Sarkozy.
Entre les off du candidat Sarkozy puis du président, le long cocktail dans les salons de la préfecture de Guyane en 2012 pour "mieux se connaître", puis le rejet pur et simple à l'usine Schrader International en mars 2010. "Pas les journalistes, ils sont épouvantables", dit alors le chef de l'État au directeur.
Il y a aussi parfois aussi de la mauvaise foi de la part de l'ancien président. C'est le cas, ce 16 janvier 2012 lors qu'un journaliste de l'agence de presse Reuters doit reformuler plusieurs fois sa question face à Nicolas Sarkozy, qui finira par ne pas répondre.
Il y a aura aussi des coups de pression, comme le limogeage d'Alain Genestar de Paris Match, la nomination des présidents de l'audiovisuel public, son amitié avec Martin Bouygues et Vincent Bolloré. Avec Nicolas Sarkozy, le président d'une information par jour, c'est l'ère de l'omniprésence. Vie privée, affaires... quand la presse le gêne, il le vit comme une trahison.
Emmanuel Macron moins bavard que son prédécesseur
François Hollande tisse une relation si proche avec la presse qu'elle finira par se retourner contre lui. Le livre Un président ne devrait pas dire ça fait un tollé. Si Emmanuel Macron, dès le début de son quiquennat, choisit le contre pied pour revenir à une stratégie de confrontation. C'est une question de politique, de personnalités, mais aussi de culture parlementaire, d'un homme arrivé directement à la fonction suprême.
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