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Fréjus, entre pragmatisme et frontisme

C’est le double visage du nouveau maire FN de Fréjus David Rachline, tout juste élu sénateur. D’un côté, le jeune élu local qui a su se montrer affable, à l’écoute, tout en rondeur. De l’autre l’agitateur politique qui depuis un mois ferme un centre social, ressort le dossier de la mosquée et verrouille les conseils de quartier. Sans oublier le candidat permanent, déjà taxé de clientélisme.
Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
  (Le maire FN de Fréjus, David rachline, ici pendant la campagne des municipales. © PHOTOPQR/NICE MATIN/Philippe ARNASSAN)

Cela fait six mois qu’il est élu, mais David Rachline est toujours en campagne. Candidat aux européennes en mai dernier, le maire et conseiller régional frontiste a passé ces dernières semaines à rencontrer les grands électeurs du Var. Il a été élu sénateur ce dimanche, le plus jeune de la Haute assemblée. Et en cas d'échec, il n'avait pas exclu de se présenter à la législative partielle qui se serait profilée sur la circonscription de Fréjus-Saint-Raphaël. "J’ai une tonicité qui me permet d’être sur plusieurs combats en même temps ", assure le jeune élu de 26 ans.

"Lui et son équipe sont sensibles à chaque requête "

Dans sa ville, les habitants n’ont en effet pas le sentiment d’un maire absent. Au contraire. Tout le monde ou presque le décrit à l’écoute, avenant, proche des gens. "Lui et son équipe sont sensibles à chaque requête ", salue Hervé Hansart, boucher qui a longtemps voté à gauche et pour la première fois FN il y a six mois. Souplesse sur les heures d’ouverture des bars et boîtes de nuit, main légère sur les PV de stationnement,  retour des animations en centre-ville cet été… les commerçants applaudissent. Rien à redire non plus du côté de la section FO du personnel municipal. "On nous reçoit, on nous écoute, on nous entend même ." Ancien élu municipal, membre de la liste battue du maire sortant divers droite Elie Brun, Léo Calitri se ferait presque hagiographique : "Il se démène, il a le doigté et le savoir-faire. "

Pas de référendum sur la mosquée

Est-ce par "doigté" que David Rachline n’a pas mis en œuvre une de ses plus retentissantes promesses de sa campagne ? Candidat, il avait annoncé un référendum municipal sur la mosquée. En construction depuis le début de l’année dans le quartier de la Gabelle, le chantier est aujourd’hui bien avancé. Et les Fréjussiens n’ont pas été consultés. "Le référendum ? C’était juste pour obtenir des voix ", analyse Walid, artisan qui fréquente le chapiteau de prière installé dans l’attente de la fin des travaux. "C’est tous les mêmes, ils disent qu’ils vont faire des choses mais ils ne changent pas grand-chose. Peut-être aussi qu’ils font profil bas en vue de la présidentielle. "

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Mais dans l’électorat frontiste, certains s’impatientent. Depuis quelques jours, David Rachline communique donc à nouveau sur la mosquée. "Il y aura un référendum sur ce sujet, si le permis de construire est annulé ", conditionne aujourd’hui le maire de Fréjus. Un recours devant la justice administrative avait été déposé par le maire UMP de la commune limitrophe, Saint-Raphaël.

 

Coup d’accélérateur ou manière de temporiser ? Dans son bureau de l’hôtel de ville, sous un portrait de Marianne et une photo de Jean-Marie Le Pen, le jeune élu explique avoir voulu "apaiser " lors de son arrivée au pouvoir. Excepté le retrait du drapeau européen du fronton de la mairie, pas de vague. Mais depuis septembre, au-delà des mots sur la mosquée, le nouveau maire a aussi durci le ton contre un centre social. A partir du 1er janvier prochain, celui du quartier de la Villeneuve sera privé de subventions municipales - près de la moitié de son budget - et du local mis à disposition par la mairie. Motif ? "Le centre social ne doit pas être un centre socialiste" , assène David Rachline. "Les dirigeants du centre avaient manifestement des liens avec le PS, qui n’est pas légitime ici à Fréjus. Il a fait 8% aux élections européennes ."

  (Le centre social de fréjus, menacé par la chute des financements municipaux. © RF/Jérôme Jadot)

 

Sous une banderole "Non à la fermeture ", Sandrine Montagard, la directrice du centre, se défend de toute attache partisane. En voulant remplacer sa structure par une maison de quartier, le nouveau maire souhaite, selon elle, simplement accroître sa mainmise sur une politique sociale qui sera moins ambitieuse. "Je ne voterai plus jamais FN ", peste de son côté Diégo, facteur à la retraite, sympathisant frontiste depuis trois décennies et joueur de belote quotidien au centre social. "Le mercredi, il y a une centaine de gosses qui jouent ici. Au moins,  ils ne traînent pas dans la rue. Le parti me déçoit. " Pas déçue, Nicole, croisée dans le centre-ville, explique au contraire qu’elle voterait aujourd’hui David Rachline, ce qu’elle n’avait pas fait au mois de mars. Les coupes dans le budget social ? "Moi j’ai payé la nounou et les activités pour mes enfants. On ne fait pas des enfants pour que la collectivité les paie. "

Moins 25% pour les subventions aux associations

Collectivité qui paie beaucoup moins désormais à Fréjus, cinquième ville la plus endettée de France. Les subventions aux associations ont été réduites de 25% en moyenne. 80 % pour le Grapesa, association de prévention dans les quartiers, qui a dû licencier cinq éducateurs de rue. Réduction des dépenses de fonctionnement, vente de terrains municipaux, "nous avons désendetté de 10 millions d’euros", se félicite le nouveau maire. "Ils ont simplement remboursé l’annuité qui était prévue ", corrige Elsa Di Meo, candidate socialiste éliminée au premier tour en mars dernier. Quant à la baisse d’impôts "systématique", promise avant les municipales par Marine Le Pen dans les villes FN ? "Nous sommes des pragmatiques et nous tenons compte de la situation des villes ", justifie aujourd’hui l’édile frontiste. La promesse attendra.

Les présidents de conseils de quartiers... nommés par le maire

Au chapitre des contradictions, l’opposition pointe aussi "un nouveau clientélisme ", alors que le nouveau maire frontiste n’avait eu de cesse de dénoncer celui pratiqué par son prédécesseur. "Deux sociétés créées de toutes pièces pour l’occasion et liées au FN parisien se sont vu confier la préparation du budget et le quasi-monopole de l’événementiel cet été", accuse ainsi Philippe Mougin, conseiller municipal UMP. "Je ne savais pas qu’il était interdit de confier des missions à des personnalités réputées proches du FN", rétorque David Rachline.

Le jeune maire innove également en matière de démocratie participative. Pour la faire "respirer ", précise la toute récente charte en la matière, les présidents des conseils de quartiers ne seront plus élus par les habitants, mais "nommés par M. le maire ".

Fréjus, six mois après. Le reportage de Jérôme Jadot
 

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