Affaire des assistants d'eurodéputés : le gel de deux millions d'euros "va peser considérablement sur la campagne des européennes" du Rassemblement national
Franceinfo a interrogé le politologue Jean-Yves Camus, après la décision de juges parisiens de retenir le versement de deux millions d'euros au Rassemblement national au titre du financement public des partis politiques
C'est un coup dur pour le Rassemblement national de Marine Le Pen. Les juges d'instruction financiers parisiens ont décidé de retenir deux millions d'euros de subventions publiques destinées au parti dans le cadre de l'enquête sur les emplois présumés fictifs d'assistants d'eurodéputés de l'ex-Front national, a appris franceinfo, dimanche. Cette somme devait être versée, lundi 9 juillet, au parti de Marine Le Pen. Dans un tweet, cette dernière a dénoncé la "volonté d'assassiner" son parti, associant la retenue de l'argent à une "peine de mort".
Pour Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'extrême droite, cette décision reste "exceptionnelle". "A ma connaissance, ça ne s’est pas produit pour d’autres partis", affirme-t-il. Franceinfo l'a interrogé pour comprendre les conséquences de cette décision pour le Rassemblement national (RN).
Franceinfo : La décision des juges met-elle en difficulté financière le Rassemblement national, comme l'affirme Marine Le Pen ?
Jean-Yves Camus : C’est incontestablement une grosse somme. S'il n’y aura pas d’argent à débourser, c'est tout de même deux millions d'euros auquel le Rassemblement national n'aura pas accès. Le problème, c’est que c’est un parti qui a traditionnellement des difficultés à trouver des crédits bancaires à court terme, en tout cas en France. Il manquera de solutions pour obtenir des banques des prêts relais et aura très certainement des difficultés à payer ses fournisseurs [le parti va d'ailleurs lancer un appel aux dons]. Cela pèsera considérablement sur la campagne des élections européennes, prévue en mai 2019, dans laquelle le parti sera amené à engager des dépenses.
La vraie question est de savoir si la gestion du RN a été prudente. La réponse appartient aux juges.
Quelle attitude va adopter Marine Le Pen après cette décision ?
Ils peuvent aller au bout des voies de recours, mais en attendant, cette somme, ils doivent la trouver. Par ailleurs, il était possible de s’y attendre, parce que ça fait quand même un certain temps que les nuages s'amoncellent autour de la question du financement du parti. En attendant, ils vont adopter toujours la même stratégie, qui n’a pas changé depuis une dizaine d’années, et qui est celle de la victimisation. Cela consiste à expliquer que cette retenue est politiquement motivée et qu'elle est destinée à mettre à mort le parti.
Que pensez-vous de cette ligne de défense de Marine Le Pen, qui consiste à dénoncer une décision politique ?
Personne n’a intérêt, me semble-t-il, à ce que le Rassemblement national disparaisse. Le parti divise la droite, il est une épine dans le pied des Républicains. De plus, il cristallise sur son nom une bonne partie du vote contestataire. Il est aujourd’hui, avec La France insoumise, une des principales forces d'opposition à Emmanuel Macron, mais ne peut s’allier avec personne. Quel est l’intérêt de le faire disparaître ? Aucun.
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