Procès des assistants parlementaires du FN : le garde du corps Thierry Légier se dépeint en fidèle "couteau suisse" de Jean-Marie Le Pen

L'actuel responsable de la sécurité de Jordan Bardella a été entendu lundi au sujet de ses missions auprès de l'ex-eurodéputé Fernand Le Rachinel, alors qu'il était aussi, à l'époque, garde du corps de Jean-Marie Le Pen.
Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
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Le garde du corps historique du Rassemblement national, Thierry Légier, au procès des assistants parlementaires européens du parti, le 1er octobre 2024, au tribunal judiciaire de Paris. (THOMAS SAMSON / AFP)

Il assume la "double casquette". L'ancien garde du corps de Jean-Marie Le Pen, Thierry Légier, est le premier ancien assistant parlementaire européen à avoir été interrogé au procès du Rassemblement national et de 25 de ses actuels ou anciens membres. En costume-cravate, ce sexagénaire à la carrure massive – 1,90 pour 97 kilos – s'est avancé à la barre du tribunal correctionnel de Paris, lundi 7 octobre, pour expliquer son travail auprès de l'ex-eurodéputé Fernand Le Rachinel entre 2005 et 2009, alors qu'il était en même temps le garde du corps du président du parti d'extrême droite, qui s'appelait alors Front national. A l'entendre, le point de départ de cette "double" mission est tout simple : "C'est Jean-Marie Le Pen qui m'a demandé d'aller le voir pour signer le contrat."

A cette époque, Thierry Légier est l'ombre du patron frontiste depuis plus de dix ans. Cet ancien militaire a été embauché en 1992 pour assurer la sécurité de Jean-Marie Le Pen en remplacement de Robert Moreau, une ancienne gloire du catch des années 60 surnommée "le Bourreau de Béthune", raconte Le Figaro. "J'ai commencé au Parlement européen pour remplacer mon prédécesseur, qui avait occupé pendant huit ans la même fonction, expose l'auteur du livre Mission Le Pen. C'est pour ça que je m'étonne que personne ne soit venu me dire que j'étais dans l'illégalité."

"Je faisais confiance au député"

Comme les 12 assistants parlementaires de ce dossier, Thierry Légier est poursuivi pour recel de détournement de fonds publics. La justice lui reproche notamment d'avoir bénéficié d'un confortable salaire versé par l'institution européenne – plus de 5 000 euros par mois – pour assister l'élu Fernand Le Rachinel alors qu'il protégeait "365 jours sur 365" Jean-Marie Le Pen, comme l'a assuré aux juges son ancienne compagne. Cette dernière a également glissé qu'elle ne l'avait jamais vu rédiger de notes, lui qui ne savait pas écrire. Thierry Légier hausse les épaules, met ces déclarations sur le compte d'un "divorce conflictuel" : "Ça fait cinq ans que mon fils ne vient plus chez moi."

Pas de quoi attendrir le tribunal ni le parquet, qui tentent de comprendre la nature de ses interventions comme assistant parlementaire. "Que pensez-vous du fait que l'on vous fasse signer un contrat avec une personne qui n'est pas vraiment votre employeur ?", demande la présidente, Bénédicte de Perthuis. Le prévenu ne se cache pas d'avoir "entendu dans la presse" parler de "mutualisation des postes" pour les eurodéputés du FN. "Je faisais confiance au député", ajoute-t-il. Lequel ? Jean-Marie Le Pen, lui aussi député européen à cette époque, ou Fernand Le Rachinel ?

"Vu les menaces qu'il y avait sur le groupe [de députés FN], je m'occupais de la sécurité lors des déplacements. Je faisais des journées entre 12 et 16 heures par jour."

Thierry Légier, ex-assistant parlementaire de Fernand Le Rachinel

devant le tribunal

"J'étais le couteau suisse de la sécurité, poursuit le garde du corps au crâne parsemé de cheveux blanchis. Je m'occupais aussi bien des visiteurs, des rendez-vous avec des députés d'autres nationalités ou des réunions dans un des cinq bars du Parlement européen." Le procureur insiste : "Mais vous étiez plus souvent à Saint-Cloud [où se trouvaient le domicile de Jean-Marie Le Pen et le siège du parti] ou à Bruxelles ?" Thierry Légier, qui a raconté dans son livre avoir suivi Jean-Marie Le Pen jusqu'en Irak pour rencontrer le dictateur Saddam Hussein, illustre de nouveau sa fidélité sans faille à son ancien patron, désormais âgé de 96 ans : "J'accompagne Monsieur Le Pen à chaque session parlementaire, une fois par mois à Strasbourg, et aux mini-sessions à Bruxelles tous les mois." "Quand Jean-Marie Le Pen n'est pas à Bruxelles, vous n'êtes pas à Bruxelles ?", relève le magistrat. "Tout à fait." "Donc vous ne travaillez pas pour monsieur Le Rachinel quand Jean-Marie Le Pen n'est pas à Bruxelles ?" "Tout à fait." Un point pour l'accusation.

"Je n'ai plus de souvenir, c'est vieux"

Un peu plus tôt dans la journée, Fernand Le Rachinel avait reconnu à la barre avoir écrit en 2008 à Thierry Légier pour lui demander de "réaffecter" ses activités à son service. "Il est nécessaire que vous m'apportiez directement votre concours", peut-on lire sur cette missive, projetée à l'audience. L'ancien élu de 82 ans, alors en conflit avec le Front national, avait reçu une fin de non-recevoir par courrier. Face au document affiché sur le grand écran de la salle d'audience, le garde du corps ne se souvient pas de l'avoir écrit ni signé.

Peut-être la réponse lui avait-elle été soufflée par l'ex-trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, suggère le tribunal ? "Je n'ai plus de souvenir, c'est vieux", souffle le prévenu. "Je vous rafraîchis la mémoire", relance la procureure, en lui rappelant qu'il a bénéficié, au passage, d'une indemnité de licenciement de 29 000 euros versée par le Parlement européen. "C'est la loi !", bougonne depuis son banc l'ex-eurodéputé et autre prévenu Bruno Gollnisch, qui sera entendu mardi.

Aujourd'hui, Thierry Légier n'est plus salarié du parti. Mais il est toujours garde du corps du président du Rassemblement national, Jordan Bardella. Il encourt dix ans de prison et 375 000 euros d'amende.

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