Elections régionales : la victoire de Marine Le Pen est-elle inévitable en Nord-Pas-de-Calais-Picardie ?
Selon un sondage publié vendredi, la présidente du FN obtiendrait 42% des voix dès le premier tour. Suffisant pour l'emporter haut la main ? Francetv info a posé la question à la directrice de l'institut de sondages BVA.
"Alea jacta est..." Ou presque. D'après un sondage BVA, publié vendredi 23 octobre, Marine Le Pen se dirige vers un triomphe aux élections régionales dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. D'après cette enquête, la présidente du Front national récolterait 42% des intentions de vote dès le premier tour, et l'emporterait avec 46% des voix au second, en cas de triangulaire, loin devant le Républicain Xavier Bertrand (29%) et le socialiste Pierre de Saintignon (25%).
La victoire peut-elle encore lui échapper, les 6 et 13 décembre prochains ? Francetv info a posé la question à Adélaïde Zulfikarpasic, directrice du département opinion de l'institut BVA.
Francetv info : Selon votre sondage, Marine Le Pen remporterait la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie avec 17 points d'avance sur Xavier Bertrand en cas de triangulaire au second tour. Le match est-il joué d'avance ?
Adélaïde Zulfikarpasic : Cela dépendra avant tout de la configuration du second tour. Si la gauche décide de se maintenir – ce qui risque d’être le cas –, les dés seront effectivement jetés. Dans cette perspective d’une triangulaire, Xavier Bertrand et Pierre de Saintignon ont, en effet, très peu de chances de l’emporter.
En revanche, si la gauche se désiste à l'issue du premier tour, laissant place à un duel entre Marine Le Pen et Xavier Bertrand, la candidate du Front national conserverait son avantage, mais le rapport de force serait beaucoup plus tendu, avec 52% pour la présidente du FN contre 48% pour le candidat Les Républicains. Cet écart reste dans la marge d'erreur. Ce serait donc très serré.
Les élections ont lieu dans plus d'un mois. Xavier Bertrand peut-il encore renverser la vapeur ?
Il le peut, mais uniquement dans l'hypothèse d'un duel au second tour. Et d'ailleurs, même si la gauche décidait de se retirer, on n’assisterait pas non plus à un report massif des voix socialistes sur Xavier Bertrand, dans un espèce de front républicain en barrage au Front national…
Xavier Bertrand devra jouer sur la mobilisation des électeurs. On remarque dans notre enquête que ce qui favorise Marine Le Pen, c’est une forte abstention de la part des électeurs issus de la gauche de la gauche et des écologistes. Ils se déplacent au premier tour, et n’ayant pas de candidat au second, ils préfèrent s’abstenir. Mais il y a encore moyen de convaincre ces électeurs de se mobiliser, rien n’est encore complètement joué.
Que révèle le score très élevé de Marine Le Pen, dès le premier tour ?
Ce résultat traduit, tout d’abord, un véritable ancrage du FN dans la région. Depuis 2010, Marine Le Pen n’y a fait qu’accroître progressivement son score. Au passage, cela va à l'encontre de ce qu’on l’on reprochait depuis toujours au Front national, à savoir son manque d’implantation locale.
Mais ces résultats reflètent avant tout un profond malaise chez les habitants de la région. Plus qu’ailleurs, ils déplorent leur niveau de vie, et les conséquences d’une situation économique difficile sur leur quotidien. Dans cette région, il y a également la question des migrants, en particulier avec la situation à Calais, qui constitue une problématique fertile pour le FN.
Les électeurs portent, par ailleurs, un regard assez critique sur les conseillers régionaux sortants, ils n’ont plus foi en l’esprit politique traditionnel… On constate qu'il règne aujourd'hui une défiance globale, vis-à-vis des autorités nationales en général, et envers le Parti socialiste en particulier.
Comment expliquer que le PS ne soit qu'à 15% au premier tour, et à 25% au second, dans une région qui était, jusque-là, un bastion de la gauche ?
Effectivement, ces intentions de vote sont assez impressionnantes. Le PS a pratiquement divisé son score par deux si l’on compare les résultats de notre enquête à ceux des dernières élections régionales de 2010. Le score cumulé au premier tour avec les voix d’Europe Ecologie-Les Verts, du Front de gauche et de Lutte ouvrière, atteint les 29%, soit ce que le Parti socialiste avait obtenu à lui tout seul aux européennes de 2014.
Ce qui est intéressant, c’est que Marine Le Pen détient aujourd'hui davantage de voix dans les catégories socio-professionnelles qui caractérisaient autrefois le cœur de l’électorat de la gauche. Aujourd'hui, ces gens-là ne votent plus pour le PS, mais pour Marine Le Pen. Cette perte de vitesse n’est pas nouvelle. Encore une fois, elle symbolise d'abord cette défiance vis-à-vis de la gauche qui, jusqu’à présent, avait réussi à incarner les attentes des Français issus du monde ouvrier et des classes populaires.
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