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Présidents, ministres, parlementaires : de quels avantages bénéficient les politiques à la fin de leur mandat ?

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 16min
François Hollande quitte le palais de l'Elysée à l'issue de la passation de pouvoir avec Emmanuel Macron, le 14 mai 2017 à Paris. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Franceinfo a épluché les textes de loi en vigueur et interrogé des spécialistes pour dresser la liste des avantages dont bénéficient les principales figures politiques de la République une fois leur mission terminée.

"Marre des politiciens de carrière", dans le Nord ; "abolition des privilèges", dans les Bouches-du-Rhône ; suppression d'"avantages scandaleux", en Ille-et-Vilaine... Dans les cahiers de doléances mis à disposition dans le cadre du grand débat national voulu par Emmanuel Macron pour répondre à la crise des "gilets jaunes", la dénonciation des privilèges accordés aux responsables politiques nationaux revient presque systématiquement.

A l'image d'un message laissé à la mairie de Martigues (Bouches-du-Rhône), et relayé par le site Marsactu, certains se demandent même "pourquoi les présidents, ministres, députés continueraient à toucher des prestations après la fin de leur mandat". De quoi s'agit-il exactement ? Pour le savoir, franceinfo récapitule les avantages dont bénéficient les principales figures politiques de la République une fois leur mission terminée.

1Les anciens présidents de la République

Combien touchent-ils ? En vertu d'une loi datant de 1955, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande bénéficient chacun d'une "dotation annuelle d'un montant égal à celui du traitement indiciaire brut d'un conseiller d'Etat". Ce qui représente 6 220,96 euros bruts par mois. La loi ajoute qu'en cas de décès, la moitié de cette somme continue d'être versée au conjoint. Si les deux époux meurent, les enfants du couple présidentiel continuent de bénéficier de la moitié de cette dotation jusqu'à leurs 18 ans.

Précision importante : cette dotation officielle s'ajoute aux éventuels autres revenus des anciens chefs de l'Etat, dont les retraites pour lesquelles ils ont précédemment cotisé pendant leur carrière. Interrogé par franceinfo, René Dosière, ancien député de l'Aisne (PS), spécialiste de la gestion des finances publiques et fondateur de l'Observatoire de l'éthique publique, déplore l'existence de cette enveloppe spécifique aux anciens chefs de l'Etat, et la juge "archaïque" : "Depuis 2008, la rémunération du président est fixée par la loi. Il aurait été opportun de moderniser ce système et de fixer sa retraite dans les mêmes conditions que la fonction publique."

Une autre source de revenus peut faire bondir la rémunération des anciens pensionnaires de l'Elysée : le Conseil constitutionnel, dont ils sont membres de droit jusqu'à la fin de leur vie. En y siégeant, les anciens présidents de la République peuvent toucher un traitement de 12 000 euros mensuels environ. Ce cumul ne concerne en fait qu'un seul ancien président : Valéry Giscard d'Estaing. Jacques Chirac ne siège plus à cette juridiction, depuis mars 2011, Nicolas Sarkozy, depuis janvier 2013, et François Hollande n'y a jamais siégé.

Jean-Louis Debré, alors président du Conseil constitutionnel, entouré des anciens présidents Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac, le 20 mai 2010. (BERTRAND GUAY / AFP)

La réforme constitutionnelle souhaitée par Emmanuel Macron doit mettre fin à la possibilité pour les anciens chefs de l'Etat de siéger au Conseil constitutionnel, mais elle a été reportée à de multiples reprises depuis le début de l'affaire Benalla. Selon Le Monde, l'examen du texte devrait désormais attendre la fin de la concertation nationale entamée mi-janvier.

Ont-ils d'autres avantages en nature ? Oui, mais jusqu'en 2016, il n'était pas aisé de les connaître. La liste des privilèges matériels accordés aux anciens présidents n'était alors rapportée que dans une simple lettre adressée en 1985 par Laurent Fabius, alors Premier ministre, à Valéry Giscard d'Estaing. Ce document étonnant a été récupéré et publié en 2010 par René Dosière.

Le décret signé par François Hollande en octobre 2016 apporte une transparence sur le sujet. Ce texte prévoit que les anciens présidents disposent à leur sortie de l'Elysée de locaux "meublés et équipés, dont le loyer, les charges et les frais généraux sont pris en charge par l'Etat". Les frais de déplacement liés à leur fonction d'ancien président leur sont également remboursés, ainsi qu'à un de leurs collaborateurs.

Les bureaux de Nicolas Sarkozy, situés rue de Miromesnil, à Paris, le 3 juillet 2012. (MAXPPP)

Pendant les cinq années qui suivent la fin de leur mandat, les ex-présidents disposent de sept collaborateurs rémunérés par les services du Premier ministre, ainsi que de véhicules et de chauffeurs mis à disposition par le ministère de l'Intérieur "dans le cadre de la protection dont ils bénéficient". Au terme de ces cinq ans, le nombre de collaborateurs est réduit à trois.

Cette clarification n'empêche pas certaines zones d'ombre de persister. Le décret ne prévoit pas de budget maximal consacré aux locaux des anciens pensionnaires de l'Elysée, et ne précise pas si ceux-ci peuvent y loger ou non, relève Matthieu Caron, maître de conférences en droit public à l'université de Valenciennes et directeur général de l'Observatoire de l'éthique publique. "On ignore également si la lettre de 1985, qui avait valeur de décret et qui prévoyait un certain nombre de dispositions pour transférer une partie de ces avantages matériels au conjoint de l'ancien président en cas de décès, a été abrogée", note aussi ce spécialiste interrogé par franceinfo pour qui le décret de 2016 doit être considéré comme un "premier pas", mais reste "insuffisant".

2Les anciens ministres

Combien touchent-ils ? Pour les anciens ministres, la situation est plus simple. Jusqu'en 2013 et la promulgation de la loi sur la transparence de la vie publique, ministres et secrétaires d'Etat quittant le gouvernement bénéficiaient, durant six mois, d'une indemnité équivalente à leur ancien salaire. Désormais, cette indemnité n'est versée que pendant trois mois. Conformément à la promesse de campagne de François Hollande, qui a diminué de 30% la rémunération du président de la République et des ministres après son élection, elle s'élève à 9 940 euros bruts par mois pour un ministre, et à 9 443 euros bruts pour un secrétaire d'Etat. Cette somme s'élève à 14 910 euros bruts pour le Premier ministre, dont le poste présente la même rémunération que celle du président de la République.

"Cette durée de trois mois signifie que contrairement à un travailleur classique qui peut toucher jusqu'à deux ans d'allocation après avoir perdu son travail, les anciens ministres n'ont pas d'assurance chômage. L'indemnité cesse d'ailleurs d'être versée dès que l'ancien ministre reprend une activité professionnelle", souligne Matthieu Caron. Les ministres qui travaillaient dans la fonction publique avant de faire leur entrée au gouvernement retrouvent ainsi automatiquement leur corps d'origine et ne bénéficient pas de ces trois mois d'indemnisation, tout comme les parlementaires qui reprennent automatiquement leur siège à l'Assemblée ou au Sénat un mois après avoir quitté leur poste.

Richard Ferrand, éphémère ministre de la Cohésion des territoires, a retrouvé les bancs de l'Assemblée nationale après avoir quitté son poste (ici le 12 septembre 2018). (MAXPPP)

Reste qu'être nommé ministre lorsqu'on est fonctionnaire de carrière a longtemps été synonyme de bonne affaire une fois l'heure de la retraite arrivée. Avant la loi de 2013, un fonctionnaire devenu ministre n'était en effet considéré que comme "détaché" de son administration d'origine : en plus de cotiser pour sa retraite en tant que membre du gouvernement, le ministre continuait à le faire en tant que fonctionnaire, et sa progression dans les échelons de rémunération n'était pas freinée. Désormais, un fonctionnaire devenu ministre est considéré comme étant en disponibilité auprès de son administration d'origine, et l'avancement de sa carrière comme ses droits à la retraite ne reprennent leur cours que lors du retour au métier d'origine.

Dernier point : depuis 2013, un ancien ministre n'est plus libre d'aller travailler où il le souhaite une fois libéré de ses fonctions. Pendant les trois ans qui suivent son passage au gouvernement, il doit en effet saisir la Haute autorité pour la transparence de la vie publique à chaque fois qu'il souhaite exercer une activité dans le privé. Cette autorité administrative délivre un avis contraignant. Elle peut par exemple interdire à un ancien ministre de l'Environnement de faire profiter de son réseau à un géant mondial des pesticides, en échange d'une importante rémunération.

Ont-ils des avantages en nature ? Non, ou presque. Tant qu'ils sont en poste, les ministres ont droit à un logement de fonction dans le parc domanial (c'est-à-dire qui appartient à l'Etat), ou au sein du parc privé si le logement proposé initialement n'est pas adapté à la famille du ministre. Mais sitôt leur poste quitté, les ex-membres du gouvernement doivent s'empresser de préparer leurs cartons : ils disposent d'un mois de préavis s'ils logent dans le parc privé, souvent moins s'ils avaient pris leurs quartiers dans leur ministère.

Seuls les anciens locataires de Matignon peuvent disposer d'avantages jusqu'à la fin de leur vie. Un décret, jamais paru au Journal officiel, mais dont l'existence a été révélée grâce à une question posée au gouvernement par René Dosière en 2012, prévoit ainsi que les anciens Premiers ministres peuvent demander un agent pour leur secrétariat particulier, un véhicule de fonction et un conducteur "qui est également souvent l'agent de sécurité", note Matthieu Caron.

Christiane Taubira quitte le ministère de la Justice entourée d'officiers de sécurité après sa passation de pouvoir avec Jean-Jacques Urvoas, le 27 janvier 2016, à Paris. (DOMINIQUE FAGET / AFP)

En fonction des risques qu'ils encourent, certains anciens ministres peuvent également bénéficier d'une protection policière. Cible de menaces pour avoir notamment porté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels, l'ex-ministre de la Justice Christiane Taubira a continué à être accompagnée de policiers chargés de sa sécurité après avoir quitté la place Vendôme, notait ainsi Le Lab en 2016. La décision d'affecter ou non des fonctionnaires de police à la protection des anciens ministres revient au ministère de l'Intérieur.

3Les anciens parlementaires

Combien touchent-ils ? Attention, sujet complexe. A l'issue de son mandat, un député n'a pas accès à Pôle emploi, indique le site de l'Assemblée nationale. Il pourra toutefois toucher une allocation dont le fonctionnement est aligné depuis le 1er janvier 2018 sur celui de l'assurance chômage : le montant de l'indemnité représente 57% de l'indemnité parlementaire de base. Le revenu mensuel de base d'un député élu étant de 5 623,23 euros bruts, ce "chômage des anciens députés" s'élève ainsi à 3 205 euros bruts. Selon l'âge de l'ancien élu, il pourra toucher cette somme durant 24 ou 36 mois maximum.

Du côté de la chambre haute du parlement, la situation est plus floue. Les sénateurs non-réélus peuvent recevoir pendant trois ans maximum une allocation d'aide au retour à l'emploi mensuelle et dégressive. Selon le site internet du Sénat, l'indemnité est "égale à la différence entre le plafond de référence, qui décroît à chaque trimestre, et le revenu brut mensuel de l'ancien sénateur"Contacté par franceinfo, le Sénat n'a pas apporté d'explications sur la notion de "plafond de référence".

Cécile Duflot, à l'issue du premier tour des élections législatives à Paris, le 11 juin 2016. L'ancienne députée a depuis rejoint l'ONG Oxfam. (MAXPPP)

Côté retraite, la situation diffère également entre l'Assemblée et le Sénat. Les députés, qui pouvaient jusqu'à la fin de l'année 2017 bénéficier d'un régime spécial, ont vu leur situation être alignée sur celle de la fonction publique depuis le 1er janvier 2018. "Concrètement, cela signifie qu'un député élu pour la première fois en 2017 et qui partirait à la retraite à l'issue de son mandat aura suffisamment cotisé pour toucher une pension d'environ 700 euros par mois", explique René Dosière à franceinfo.

Les Sénateurs n'ont pas fait les mêmes efforts que les députés, et bénéficient d'une confortable pension, révélait Le Parisien en mars 2018. Selon les chiffres moyens communiqués par le site internet du Sénat, la pension mensuelle nette d'un sénateur s'établit à environ 3 856 euros, contre 2 675 euros pour un député, avant la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2018.

Ont-ils des avantages en nature ? De moins en moins, mais certains persistent. Jusqu'à présent, les anciens parlementaires pouvaient bénéficier d'avantages lorsqu'ils prenaient le train ou l'avion. Ceux qui avaient siégé plus de 18 ans avaient même droit à la gratuité à vie sur le réseau ferré. Cet avantage a pris fin le 1er octobre 2017, ce qui n'a pas manqué d'estomaquer l'ancien ministre de François Mitterrand et député Louis Mexandeau, surpris d'avoir été verbalisé à bord d'un train reliant Paris à Caen. L'économie réalisée par la suppression immédiate de ces avantages est estimée à 800 000 euros par an, écrit le site de l'Assemblée.

Lorsqu'un ancien député mourait, le conjoint pouvait toucher jusqu'à 18 255 euros selon les situations. Cette somme a été réduite aux frais réels et plafonnée à 2 350 euros, en mars 2018. Selon les questeurs de l'Assemblée, si cette règle avait été appliquée en 2017, une économie de 382 000 euros aurait été réalisée. Dans ce domaine, les sénateurs disposent aussi de privilèges plus importants. Selon Le Parisien, une "allocation funéraire" pouvant atteindre l'équivalent de six mois d'indemnités (soit 36 000 euros) est versée à la famille des ex-sénateurs décédés.

Dernier avantage, plus anecdotique : le statut de député honoraire, accordé par l'Assemblée nationale aux élus ayant effectué au moins trois mandats. Cette distinction purement protocolaire permet aux anciens députés de pouvoir continuer à accéder à l'Assemblée nationale, pour y bénéficier d'un bureau d'appoint où déjeuner à la buvette des députés (où le demi de bière n'était en 2013 facturé que 80 centimes d'euro).

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