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Hollande et le "retournement économique" : la méthode Coué est-elle efficace en politique ?

Le président de la République ne semble pas inquiet pour l'avenir économique du pays. En écho à ce discours résolument confiant, francetv info vous livre un petit guide de l'optimisme en politique.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le président de la République visite une exposition au musée du Louvre, à Paris, le 29 avril 2014. (ALAIN JOCARD / POOL / AFP)

"Le retournement économique arrive." La prophétie est signée François Hollande, dans un entretien au JDD, dimanche 4 mai. Optimiste, le chef de l'Etat ? Depuis son arrivée à l'Elysée, il n'a cessé de se montrer confiant lors de ses interventions publiques. "La crise de la zone euro (...), elle est derrière nous", disait-il fin 2012. "La reprise, elle est là", annonçait-il en juillet 2013.

Les exemples sont multiples, à tel point que les éditorialistes n'hésitent pas à railler la "méthode Coué" de François Hollande. Bien qu'on ne puisse pas parler de méthode Coué dans ce cas, précise à francetvinfo Jean-Paul Tanguy, président du cercle Coué de Brest, puisque les adeptes de la célèbre méthode se l'appliquent à eux-mêmes, pas aux autres. A priori, le président cherche plutôt à convaincre les Français, en reprenant la "positive attitude", prônée par Lorie et l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Un tel discours est-il efficace ? Francetvinfo vous livre un mode d'emploi de l'optimisme en politique.

Oui, mais le discours ne suffit pas

Inutile pour un politique de prêcher la bonne parole à longueur de discours ou d'interviews si la conviction n'y est pas. "En communication, les mots ne représentent que 10% de la force de conviction, estime Jean-Paul Tanguy. Il y a aussi la façon de le dire, la physionomie, l'expression du visage."

La conviction passe aussi par le physique, confirme Luc Teyssier d'Orfeuil, auteur de La méthode Coué pour les nuls (Editions First, 2013) et dirigeant de Pygmalion communication. "Un manager ne peut pas arriver le matin avec une tête d'enterrement, à l'image d'une entreprise en train de se casser la gueule, explique-t-il à francetv info. Il doit avoir l'air d'être un gagnant, un vainqueur sur lequel on peut compter."

"Si vous ne voulez pas passer pour un doux rêveur ou un béat, il faut manifester de l'énergie, mouiller la chemise", abonde le communicant Thierry Saussez, interrogé par francetv info. Lui qui a travaillé avec des figures de la droite, comme Nicolas Sarkozy, juge que François Hollande n'a pas cette attitude : "Surtout quand il semble avoir confié les clés du royaume à Manuel Valls. Les Français attendent davantage du président."

Oui, mais la confiance est essentielle

Même avec le discours le plus optimiste du monde, impossible de convaincre quelqu'un de totalement rétif aux idées développées. Jean-Paul Tanguy met en garde contre le "sentiment de rejet", similaire à celui que peut rencontrer quelqu'un qui adopte la méthode Coué : "Si on se dit : 'Je vais de mieux en mieux', mais qu'on est persuadé qu'en réalité c'est impossible, à ce moment-là, on produit un effet contraire."

"Ça ne marche qu'avec les gens qui veulent bien que ça marche, précise Luc Teyssier d'Orfeuil. Si vous dites aux gens : 'Ça va aller mieux', soit les gens acceptent la suggestion qu'on leur fait et se disent qu'ils vont s'en sortir, soit ils vont se dire : 'Il nous ment encore'." Pas de miracle en perspective pour un politique si sa cote de popularité est au plus bas.

Oui, mais il faut savoir rester raisonnable

Les promesses irréalistes sont à proscrire. "Il faut un équilibre, explique à francetv info l'historien Christian Delporte, spécialiste de la communication politique. Le discours doit être optimiste, sans paraître artificiel : il doit être tempéré par le réalisme." C'est d'ailleurs ce qu'Emile Coué disait, rappelle Luc Teyssier d'Orfeuil. "Il affirmait qu'il fallait rester 'dans la limite du raisonnable', affirme-t-il. C'est raisonnable de penser qu'on va sortir un jour de la crise, ce n'est pas raisonnable de dire qu'on en aura fini avec le chômage dans deux mois."

Le thème de l'emploi est même à éviter, conseille Thierry Saussez, également ancien patron du Service d'information du gouvernement (SIG). "Ça fait trente ans que le SIG sort un baromètre qui dit que les Français considèrent que le chômage augmente tout le temps, que le pouvoir d'achat n'augmente jamais, affirme-t-il. Il ne faut pas s’enkyster dans une promesse qui ne leur paraît pas crédible."

Oui, mais il faut des premiers résultats

En période de campagne électorale, les politiques peuvent se faire plaisir. "Le discours optimiste se traduit alors dans les promesses du type 'demain ça ira mieux', résume Christian Delporte. De manière générale, ça marche, un candidat qui ne fait pas de promesses n'est pas élu."

Difficile de s'en tirer aussi facilement une fois l'élection remportée. "On mesure l'efficacité d'un gouvernement à ses résultats, à comment ils se traduisent dans notre vie quotidienne", explique l'historien. "Il faut des premiers résultats, la réussite entraîne la réussite, complète le professeur Michel Lejoyeux, chef du service psychiatrie à l'hôpital Bichat, à Paris. Si quelqu'un obtient une première réussite, on sera tenté de le suivre."

De toute façon, un politique n'a pas le choix

Quoi qu'il arrive, le discours optimiste est un passage obligé pour un dirigeant. "C'est vital, assure même le professeur Lejoyeux, pourfendeur du pessimisme. Tout manager est condamné à une lecture positive de son action. C'est vrai pour un PDG, c'est vrai pour un entraîneur de foot, c'est vrai pour un homme politique."

"Vous n'allez pas commencer à arriver à votre boulot le matin et vous dire que tout est foutu", lance Thierry Saussez. S'afficher résigné n'est jamais bon pour l'image d'un politique, rappelle Christian Delporte, qui évoque deux citations qui ont poursuivi leurs auteurs. "En matière de lutte contre le chômage, on a tout essayé", affirmait ainsi François Mitterrand en 1993. "Il ne faut pas tout attendre de l'Etat", jugeait Lionel Jospin en 1999.

"Quand il y a un discours pessimiste, on dit que l'homme politique est incompétent, inefficace, résume l'historien. L'être humain ne peut pas se contenter de larmes, de sueur et de sang." Attention à ne pas tomber dans l'excès inverse et de paraître "trop décalé par rapport au ressenti des Français", conclut Thierry Saussez. Trop d'optimisme tue l'optimisme.

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