"Il était le président de mon enfance, qui serrait des mains en pagaille" : vos réactions à l'annonce de la mort de Jacques Chirac
Vous avez été très nombreux à nous raconter vos souvenirs de l'ancien président de la République à la suite de notre appel à témoignages. Voici ce qui en est ressorti.
"Pour ma génération, Jacques Chirac était le président éternel. On est littéralement nés avec lui, on se fadait sa marionnette des 'Guignols' tous les soirs...." Paul est né en 1995 – l'année où l'ex-maire de Paris a accédé aux plus hautes fonctions de l'Etat. Comme beaucoup de gens de son âge et bien que Paul n'ait jamais voté pour ou contre lui, Jacques Chirac, mort jeudi 26 septembre à l'âge de 86 ans, était le président de son enfance. "'Chirac' et 'président' me paraissaient synonymes jusqu'en 2007, et finalement, on a tous été un peu choqués de voir quelqu'un d'autre arriver."
Alors, après l'annonce de la disparition de l'homme d'Etat, c'est une page qui se tourne. Vous avez été très nombreux à nous raconter vos souvenirs de Jacques Chirac à la suite de notre appel à témoignages. "Il a été mon président, de mes un mois jusqu'à mes 12 ans. Même si je ne comprenais pas la politique à l'époque, il faisait partie de mes soirées grâce aux 'Guignols'", témoigne Léa, aujourd'hui 25 ans. "Il était le président de mon enfance, l'homme qui mangeait des pommes et de la tête de veau, qui serrait des mains en pagaille" et qui fumait derrière son bureau, se souvient quant à elle Amandine.
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"Il représentait les Français dans ce qu'ils ont de plus noble et de plus discutable"
Que l'on ait été plutôt brocolis ou steak saignant à la table familiale, que les discussions aient été animées par le RPR ou l'Union de la gauche, Jacques Chirac fait – presque – l'unanimité. "Je viens d'une famille de gauche, mais j'ai toujours eu la sensation que Jacques Chirac avait un statut spécifique, appuie Grégoire, né à quelques mois du second tour historique ayant opposé le président sortant à Jean-Marie Le Pen, le 21 avril 2002. C'était la seule personnalité de droite qui trouvait grâce à nos yeux."
Isabelle, qui précise dans son témoignage n'avoir jamais partagé les convictions politiques de Jacques Chirac, salue "un président rassurant". "On savait qu'il ne ferait jamais de mal au peuple et sa grande intelligence lui permettait d'analyser ses erreurs et de faire marche arrière s'il le fallait."
Même ceux qui "le détestaient" se précipitaient à sa rencontre. "Je lui ai serré la main, j'avais 17 ans en 1995 à Niort, la photo avait été relayée dans la presse dans La Nouvelle République. J'avais séché le sport pour voir le président. Le lycée n'a pas réagi, mais ils ont dû le voir quand même...", nous raconte par exemple Mathieu – qui nous rappelle, au passage, une chanson qui faisait fureur dans les cours de récréation : "Frère Jacques, Jacques Chirac..."
Quelques-uns d'entre vous soulignent aussi ses "magouilles", ses "affaires douteuses à la mairie de Paris" et son sens de la formule, pas toujours adroit. Nombre de témoignages évoquent ainsi "le bruit et l'odeur", la fameuse formule polémique de l'ancien président lors d'un dîner du RPR à Orléans, à l'occasion d'un discours sur l'immigration. Les commentaires les plus virulents dénoncent la "République bananière", "un président raciste, indigne". Ceux qui, comme Joëlle, ont fini par lui pardonner ses sorties controversées, font état d'une "façon un peu gauche mais touchante de parler aux Français." Pour Pierre-Alexis, Jacques Chirac, c'était "magouilles et savoir-vivre. (...) Il représentait les Français dans ce qu'ils ont de plus noble et de plus discutable."
Meetings, défilés du 14-Juillet et accolades
Jacques Chirac multipliait les dîners et sorties publiques. Un témoignage anonyme nous fait part d'une rencontre avec l'ex-président lors d'une réception à l'ambassade de France à Bruxelles, au début des années 2000. "Chirac a salué individuellement plusieurs centaines de personnes, en donnant l'impression à chacune d'entre elles qu'elle était la personne la plus importante pour lui à ce moment-là."
Beaucoup de souvenirs de meetings, de défilés du 14-Juillet et d'accolades avec Jacques Chirac émergent de vos récits. "En 2002, j'ai défilé lors du 14-Juillet pour le bicentenaire de la Légion d'honneur, car j'étais élève à la Maison d'éducation de la Légion d'honneur, nous livre Dariane. Quand il est passé devant moi et mes camarades, au départ, il saluait de manière très digne, très guindé. Puis quand il nous a vus l'appeler et lui faire de grands signes, ses yeux se sont mis à briller, son sourire s'est élargi et il s'est penché vers nous pour nous saluer de manière très affectueuse."
Farouk a lui aussi croisé le président défunt à quelques occasions. "Jacques Chirac, par sa fonction, était mon chef", souligne l'ex-militaire.
Il représentait une certaine idée de la politique, avec des combats durs mais jamais agressifs. A l'armée, on a longtemps salué sa décision de ne pas avoir cédé aux Etats-Unis lorsque Bush lui demandait d'engager la France en Irak.
Farouk, ancien militaireà franceinfo
Ce refus d'engager la France dans la guerre en Irak est saluée, dans de nombreux témoignages, comme la décision la plus noble que Jacques Chirac ait prise lors de ses mandats. Même ses détracteurs le reconnaissent à demi-mot : "La meilleure chose qu'il ait faite, c'est quelque chose qu'il n'a pas fait", estime Hervé. "Il a évité à nos jeunes de partir sur un conflit qui ne nous regardait pas", remercie une mère, aujourd'hui grand-mère.
"Son fameux 'Notre maison brûle' est plus que jamais d'actualité"
Son soutien à Simone Veil au moment de la légalisation de l'avortement, entre 1974 et 1976, alors qu'il était Premier ministre, est aussi salué par nombre d'entre vous, tout comme ses combats sociaux. "On sentait en lui le révolté contre l'oppression : c'est le discours du Vel'd'Hiv en 1995, le soutien sans faille au peuple palestinien, le quai Branly, les relations d'exception avec les grands dirigeants des pays du Sud...", égrène un internaute anonyme.
Pour Olivier, Jacques Chirac incarnera toujours "une certaine idée de la France", selon la formule consacrée par le général de Gaulle. "Il restera celui qui aura su dire non à la guerre en Irak et mis en place une digue inviolable entre la droite gaulliste et l'extrême droite." Olivier souligne aussi, comme nombre d'entre vous, l'engagement de l'ex-président en faveur de l'environnement. "Son discours sur l'écologie, son fameux 'Notre maison brûle et nous regardons ailleurs', est plus que jamais d'actualité", conclut Amandine.
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