: Vidéo De la Corrèze à l'Elysée... Comment Jacques Chirac a rythmé la vie politique française pendant quarante ans
Depuis plusieurs années, l'ancien président, mort jeudi 26 septembre, était affabili par ses problèmes de santé. Il s'était mis en retrait de la vie publique, après presque un demi-siècle dans la lumière.
"Seul compte finalement ce qu'on est dans sa vérité et ce que l'on peut faire pour la France." C'est avec cette épitaphe que Jacques Chirac avait rendu hommage à son prédécesseur, François Mitterrand, le jour de son décès. L'ancien président de la République est mort, jeudi 26 septembre, à l'âge de 86 ans.
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S'il était retiré de la vie publique depuis plusieurs annés, affaibli par des ennuis de santé, il a rythmé la vie politique française pendant plus d'une quarantaine d'années.
La Corrèze pour tremplin
Tout a commencé pour lui en Corrèze. Parachuté, il y est élu député en 1967 et parcourt sa circonscription tous les week-ends, au plus près des gens, "au cul des vaches". Mais la politique nationale le rattrape vite, grâce à son parrain en politique Georges Pompidou, qui l'intègre dans l'exécutif.
Georges Pompidou m'a dit 'eh bien Chirac, vous allez avoir un strapontin dans le gouvernement' et il a ajouté 'n'oubliez jamais une chose, ne vous prenez pas pour un ministre'.
Jacques Chirac
Pourtant, de 1968 à 1974, Jacques Chirac ne cesse de grimper. Secrétaire d'Etat aux Affaires sociales puis à l'Economie, ministre de l'Intérieur et enfin de l'Agriculture, un poste avec lequel sa popularité explose. A la mort de Pompidou, Jacques Chirac soutient Valéry Giscard d'Estaing, dont il devient le Premier ministre jusqu'en août 1976.
L'arrivée à l'Elysée en 1995
Après sa démission, il crée le RPR, une machine de guerre à sa dévotion. Dans la foulée, il se fait élire maire de Paris, contre la volonté de Giscard. Mais vient le temps des échecs : François Mitterrand le bat aux présidentielles de 1981 et 1988. La revanche arrive en 1995, avec la victoire sur le thème de la "fracture sociale" au cœur de sa campagne.
Enfin à l'Elysée, Jacques Chirac nomme Alain Juppé, "le meilleur d'entre nous", à Matignon. Mais rapidement, sur le plan intérieur, rien ne va plus. Le discours de rigueur apparaît en contradiction avec les promesses électorales. Les projets de réforme des retraites et de la Sécurité sociale plongent le pays dans la grève et la paralysie. Le tandem s'effondre dans les sondages et en avril 1997, le président, conseillé par Dominique de Villepin, décide de dissoudre l'Assemblée nationale. La gauche revient alors au pouvoir, et Lionel Jospin s'installe à Matignon.
Une cohabitation difficile
Dépossédé du pouvoir, Jacques Chirac est, qui plus est, fragilisé par les affaires. Dans une cassette posthume, révélée en 2000, le promoteur Jean-Claude Méry met en cause Jacques Chirac dans le financement occulte du RPR. "Une histoire abracadabrantesque", réplique le président de la République.
La cohabitation est d'autant plus difficile que Lionel Jospin est lui aussi candidat à la présidentielle de 2002. L'adversaire décrit le chef de l'Etat comme un homme "usé, vieilli, fatigué", mais Jacques Chirac retourne la situation et l'élection se solde par un coup de tonnerre politique. Au premier tour, Jean-Marie Le Pen devance Lionel Jospin. La gauche appelle à voter Chirac au nom du front républicain. Il obtient un score historique : plus de 82% des voix en sa faveur.
Un deuxième quinquennat plombé
Le quinquennat commence avec Jean-Pierre Raffarin à Matignon, mais le chef de l'Etat délaisse la France pour se passionner plutôt pour de grands sujets planétaires. Jacques Chirac se veut en tête du combat pour les droits de l'homme, parcourt la planète et se fait l'avocat de l'aide au développement des pays les plus pauvres.
Mais sur le plan intérieur, le président de la République semble à nouveau perdre la main. En mars 2004, la gauche l'emporte dans toutes les régions, à l'exception de l'Alsace. Pire, Alain Juppé, qu'il considère comme son héritier, est condamné à un an d'inégilibilité dans l'affaire des emplois fictifs du RPR. Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy, déjà candidat pour 2007, prend la tête de l'UMP : Jacques Chirac a perdu le contrôle de son parti. Il s'engage pour le oui au référendum sur la Constitution européenne de 2005. Sans succès : les Français disent non à 55%. L'échec est cinglant. Jean-Pierre Raffarin quitte Matignon, remplacé par Dominique de Villepin.
Les premiers problèmes de santé
En septembre de cette année-là, le président de la République est hospitalisé en urgence au Val-de-Grâce pour un accident cardiovasculaire. A l'Elysée, on relativise la gravité de cet ennui de santé. Une semaine plus tard, Jacques Chirac est de retour aux affaires : "Je commençais à trouver le temps long", dit-il. Mais il est un peu plus fragilisé. Il se rabat alors sur ce qu'il considère essentiel : le développement des pays émergents et le dialogue des cultures, symbolisé par son musée, le musée du quai Branly, à Paris.
La deuxième partie du quinquennat est occupée par Nicolas Sarkozy, omniprésent dans les médias et sur le terrain, qui lui succède en 2007. Jacques Chirac s'installe alors dans un bureau rue de Lille, à Paris, à deux pas de l'Assemblée, avec une équipe de sept collaborateurs dévoués, qui travaillent surtout pour sa fondation, dont l'objectif est d'aider les pays émergents à accéder à l'eau et aux médicaments.
Après l'Elysée, le retour des affaires
L'affaire des emplois fictifs le rattrape à nouveau. En 1998, une instruction est ouverte pour des faits qui remontent à son mandat de maire de Paris : 21 salariés ne travaillant pas pour la mairie avaient été rémunérés par la ville. En 2007, après la levée de son immunité présidentielle, il est mis en examen. Le procès, programmé en 2011, devait se tenir en sa présence, mais son état de santé décline. Le JDD évoque la maladie d'Alzheimer, même si sa famille dément. Jacques Chirac affronte la rumeur à sa façon.
Est-ce que je vous donne l'impression de ne pas aller bien ? Je me porte bien, merci, je vous souhaite de vous porter aussi bien.
Jacques Chirac
Mais la réalité dépasse les démentis. Témoins, amis, médecins confirment les troubles sévères de la mémoire, la fatigue immense et une anosognosie, une incapacité à se rendre compte de sa maladie. L'expertise remise à la justice est formelle : Jacques Chirac ne peut plus répondre aux questions sur son passé, mais il est condamné, en décembre 2011, à deux ans de prison avec sursis pour détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d'intérêts. Sa santé l'a éloigné du procès, elle l'a depuis tenu à distance de la vie publique, jusqu'à sa mort.
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