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Covid-19 : le gouvernement est "inaudible" et "n'a pas pris les mesures qu'il devait prendre rapidement", accuse Christian Lehmann, médecin généraliste

Christian Lehmann tient une chronique dans le journal "Libération" sur le Covid-19 et critique la gestion de l'épidémie par le gouvernement.

Article rédigé par franceinfo
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Le Premier ministre Jean Castex au Palais de l'Elysée à Paris, le 16 septembre 2020 (photo d'illustration). (LUDOVIC MARIN / AFP)

Le Premier ministre a appelé les Français à se reprendre pour éviter d’aller dans le mur d’une deuxième vague de l'épidémie de coronavirus sur franceinfo lundi 12 octobre. Un appel à la responsabilité individuelle qui devrait être repris par le chef de l’État qui va s’adresser au Français mercredi soir.

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Christian Lehmann, médecin généraliste, blogueur sur la pandémie de Covid-19 dans le journal Libération, a critiqué un gouvernement "inaudible" dans sa gestion de l’épidémie de Covid-19 : "On a entassé les gens au boulot, dans les transports en commun, et ensuite on leur dit, 'vous êtes en train de boire une bière à une terrasse ? Vraiment, vous êtes un mauvais Français'. C’est inaudible". Selon lui, à plusieurs reprises, "le gouvernement n'a pas pris les mesures qu'il devait prendre rapidement".

franceinfo : Le Premier ministre lundi, Emmanuel Macron mercredi. L’exécutif cherche l’électrochoc pour responsabiliser les Français ?

Christian Lehmann : Je ne sais pas si c'est un électrochoc ou un moyen de mettre sur les individus la responsabilité de ce que l'État n'a pas réussi à faire. Il ne faut pas oublier que Jean Castex, c'est "monsieur déconfinement" et il nous explique que le déconfinement s'est super bien passé, mais ensuite, pendant l'été, les Français se sont relâchés, donc la responsabilité leur incomberait de la situation difficile qu'on vit. Ce n’est pas vrai.

Les Français ont fait preuve pendant le confinement d’un civisme très important. Et quand on a déconfiné, beaucoup de médecins ont expliqué qu'on avait remis les compteurs à zéro, mais qu'il fallait être prudent et profiter de ça pour ne pas risquer une deuxième vague.

Christian Lehmann, médecin généraliste

Le gouvernement n'a pas pris les mesures qu'il devait prendre rapidement. Je rappelle qu'on a fait mi-juillet une tribune dans Libération qui s'appelait "Faisons tout pour éviter une seconde vague". On demandait le port du masque en lieu clos. Le lendemain Emmanuel Macron a demandé le port du masque uniquement dans les lieux recevant du public, ce qui mettait de côté les entreprises parce qu'ils ne voulaient pas toucher à l'emploi, et avec un délai de quinze jours. On donnait quinze jours d'avance au virus. Et c'est seulement sous la pression des médecins que ça a été ramené à deux jours.

Le gouvernement a constamment un temps de retard ?

Exactement. Dans les écoles, on a demandé à ce que les enfants puissent porter le masque assez tôt. Il n'y a qu'en France où l'on estime que les enfants ne sont pas porteurs et qu'ils ne deviennent contaminants qu'à 11 ans. Dans les autres pays, on ne doit pas avoir le même virus ou pas les mêmes enfants ou pas le même gouvernement ou pas les mêmes pédiatres. À l'université, on a laissé s'entasser les gamins. À l'école, comme on voyait qu'il y avait trop de classes qui étaient fermées, on a cassé le thermomètre. Jean-Michel Blanquer a expliqué qu’on attendrait qu'il y ait trois enfants avec un test PCR positif pour fermer. Or, comme pour avoir un résultat d'un test PCR, il fallait dix jours, le temps que vous fermiez la classe, tout le monde est contaminé. Les vulnérables qui étaient protégés, les insuffisants cardiaques et les insuffisants respiratoires, dans la nuit du 31 août au 1er septembre, d'un seul coup, miraculeusement, ils pouvaient être renvoyés au boulot.

On a entassé les gens dans les transports en commun. C'est normal d'essayer de garder l'activité, mais clairement, il y a des choses qui n'ont pas été faites.

Christian Lehmann, médecin généraliste

On a renvoyé dans les ministères, pour donner l'exemple, des gens qui étaient en télétravail. Donc, on a entassé les gens au boulot, dans les transports en commun et ensuite on leur dit, "vous êtes en train de boire une bière à une terrasse ? Vraiment, vous êtes un mauvais français". C’est inaudible !

Quels autres manquements du gouvernement pointez-vous ?

On va fermer les bars, des lieux de convivialité, alors qu’on n’a jamais fait pendant l'été d'information gouvernementale correcte sur l'aération des lieux. En Allemagne, Angela Merkel l'a dit elle-même, peut être qu'un des moyens le moins coûteux et le plus simple pour éviter la contamination, c'est d'aérer fréquemment. On n’a jamais parlé de l'aération. Donc, on voit des cafetiers de bonne foi qui sont là avec ces masques mangeoires en plastique qui ne servent à rien en disant : "Chez moi, on fait tout bien alors que tout est fermé". On ne le dit pas parce que c'est compliqué dans les universités qui sont bondées, parce que c'est compliqué à l'école, etc. Le protocole n'a pas pris en compte des mesures qui sont extrêmement simples et qui ne sont pas liberticides. Ensuite, on dit aux gens vous avez failli collectivement et individuellement, mais enfin, qui est-ce qui est payé pour faire de la santé publique dans ce pays ? Ce n’est pas la population.

Jean Castex se défend en disant j’ai prévenu tout l’été que le virus continuait de circuler.

Je suis désolé, mais c'est du corps médical qu'est venu la demande de l'instauration du masque en lieux clos. Il a fallu se battre aussi pour que ça soit pris ensuite dans les entreprises. Il a fallu argumenter pour expliquer qu'il fallait aussi protéger les enfants et cela n’a pas été fait. Il était bien Premier ministre quand Roselyne Bachelot faisait une dérogation pour que le Puy-du-Fou puisse se tenir. Il était bien Premier ministre quand ce week-end, 700 évangélistes se sont retrouvés dans un lieu clos pour pouvoir porter la bonne parole et ensuite le Covid-19 ailleurs. À un moment, il faut arrêter avec ce double discours. Entre ce qui est dit, "on fait tout bien comme il faut depuis le début" et la réalité de ce que nous voyons, une incapacité à prendre en charge et à mettre en place des mesures cohérentes en temps utile, il y a une grosse différence.

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