Jean-Luc Mélenchon : "Il n’y a pas d’austérité de gauche, l’austérité est toujours de droite"
Jeudi soir 1er décembre, à Talence, le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, a fait salle comble. Près de 3000 personnes se sont entassées dans l'espace Médoquine pour l'écouter. Un discours de campagne, émaillé de formules chocs.
Les mots qui claquent, le verbe clair, la voix assurée, c'est la patte de Jean-Luc Mélenchon.
Mais jeudi soir à Talence, le candidat du Front de gauche à la présidentielle de 2012, a montré que derrière l'orateur, se nichait un pro de la politique, rompu aux meetings de campagne électorale.
Du sévère réquisitoire contre le chef d'Etat, Nicolas Sarkozy, à la mise en garde contre les effets délétères de l'austérité, en passant par l'appel à la résistance, l'eurodéputé a emballé en moins de 45 minutes, un auditoire, en grande partie il est vrai, déjà acquis à sa cause.
L'échec de Sarkozy
Prenant le micro quelques minutes après le discours du chef de l'Etat à Toulon, l'eurodéputé a ironisé sur l'événement : "Ce soir, ce qui était consternant à la télévision, ce n'était pas seulement cette salle incroyable de réactionnaires récoltés sur la Cote d'Azur".
Avant de s'en prendre directement à celui "qui fustige l'Europe du libre-échange, l'Europe de la concurrence libre et non faussée, l'Europe du dumping social et du dumping fiscal", celui qui se vante d'être "l'auteur du traité de Lisbonne," qui pourtant "a organisé tout cela".
L'illusion d'une austérité de gauche
Sans surprise, l'ancien socialiste a cogné fort sur ses adversaires de droite, ceux qui "vous disent : 'il faut faire des progrès économiques, serrez-vous la ceinture et l'on verra ce que l'on peut vous donner", proposant même l'image qui va avec : "Plus le puissant a à manger, plus les miettes sont grosses".
Et quand l'auditoire est hilare, il est d'autant plus réceptif à la fin de la démonstration.
"A l'inverse, la gauche dit : 'le progrès économique est le résultat du progrès social et du progrès écologique'", a rappelé M. Mélenchon avant de poursuivre : "C'est la raison pour laquelle nous n'acceptons pas un mot de la politique d'austérité et peu importe la couleur de l'austérité...dans ce que l'on nomme l'austérité de gauche, le problème ce n'est pas le mot gauche, c'est le mot austérité".
"Il n'y a pas d'austérité de gauche, l'austérité est toujours de droite", a-t-il martelé.
La paix en Europe n'est pas un état de nature
Devant des militants attentifs, concentrés, aux visages parfois inquiets, le leader du Front de gauche a joué à plusieurs reprises de l'émotion, mettant en garde contre le danger qui guette.
"Lorsque le système excite les contradictions à l'intérieur des nations par la dureté du traitement social qu'elle impose, lorsque l'on passe son temps à dresser celui qui n'a plus rien contre celui qui a un petit quelque chose, lorsque l'on prétend trier les Français d'après leurs couleurs de peaux, leur religions… je vous le dis solennellement, c'est un très mauvais service qui est rendu à la paix et à l'idée même d'Europe que de désigner la Grèce, l'Europe, l'Italie, le Portugal", a-t-il lancé.
Et de rappeler : "La paix en Europe n'est pas un état de nature, elle ne se fabrique pas tout seule, c'est le résultat politique d'une volonté politique, celle que s'est donnée le mouvement ouvrier depuis on origine pour mettre fin aux guerres, aux compétions, aux concurrences absurdes entre les travailleurs".
Mais une fois le diagnostic posé, le candidat n'omet pas de fournir des éléments de son programme : "Nous sommes opposés à une Europe libérale. Nous sommes pour une Europe de coopération entre les peuples, l'harmonisation sociale, l'harmonisation fiscale par le haut".
Partisan aussi du retour de la démocratie au moment où se produit "une invraisemblable course qui voit passer une Europe a-démocratique à une Europe autoritaire".
Les solutions du Front de gauche et l'appel aux militants
Le socle du programme du FG est connu. Jean-Luc Mélenchon l'a rappelé jeudi soir : la relance de l'activité par la planification écologique, la défense du travail qualifié, la relocalisation de l'agriculture, autant d'opérations qui ne "sont possible que d'une manière concertée, dans une cohérence d'ensemble".
Mais il a surtout fait appel aux citoyens. Citant les mouvements des Indignés, les grèves générales qui ont lieu dans toute l'Europe et les révolutions au Maghreb, il a estimé : "Dans notre pays aussi se produira cette révolution citoyenne que le Front de gauche appelle de ces vœux et qu'il veut préparer".
Pour autant "rien n'est assuré", a-t-il averti avant de solliciter les militants : "vous êtes la ligne avancée qui doit tenir le cap… ceux qui doivent faire reculer la peur et la résignation".
Et d'insister. "Dans ce débat présidentiel vous allez devoir faire vivre une explication, vous allez devoir vous présenter, expliquer d'où vient la dette, pourquoi elle peut être entièrement résorbée si l'on prend là où il y a de quoi équilibrer les comptes, si l'on taxe les revenus du capital comme l'on taxe les revenus du travail".
Du bon usage du vote utile
En fin connaisseur de l'histoire politique, Jean-Luc Mélenchon pressent l'hésitation, voire l'inquiétude de certains, face à la réplique du scénario de 2002 (qui avait vu le front National accéder au second tour de la présidentielle, ndlr).
L'anticipant, il met en garde contre l'argument du "vote utile - vote futile", prônant à l'inverse le vote "qui fait avancer les idées, qui organise, qui conscientise, qui discipline dans l'action, qui fait appel au meilleur de chacun pour penser et vouloir le futur".
"Ceux qui abandonnent leurs convictions à la porte du bureau de vote, ne doivent pas s'étonner de pas le retrouver en sortant", a-t-il conclu.
Une formule que les électeurs vont pouvoir méditer jusqu'au dimanche 22 avril 2012, date du premier round pour accéder à l'Elysée.
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