Jordan Bardella à la tête de "Patriotes pour l'Europe" : un fait "étonnant", "on se dit qu'il avait un double agenda", analyse un sociologue

"Les Français font peu de cas de ce qu'il se passe au niveau européen. C'est un drame et une erreur", estime Erwan Lecoeur, mardi sur franceinfo. Jordan Bardella va présider le groupe "Patriotes pour l'Europe", troisième force du Parlement européen.
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Jordan Bardella, président du RN, dimanche 7 juillet 2024 à Paris. (ALEXIS SCIARD / MAXPPP)

"Le fait que Jordan Bardella prenne la direction du groupe est assez étonnant puisqu'on se dit qu'il avait un double agenda : soit Premier ministre en France, soit président du groupe à Bruxelles", analyse mardi 9 juillet sur franceinfo Erwan Lecoeur, sociologue, politologue, spécialiste de l'extrême droite et enseignant chercheur à l'Université Grenoble Alpes.

Le Rassemblement national a rallié lundi le nouveau groupe de droite radicale du Premier ministre hongrois Viktor Orban pour former la troisième force du Parlement européen, devant les familles politiques de Giorgia Meloni et Emmanuel Macron. Le chef du parti français, Jordan Bardella, présidera ce groupe baptisé "Patriotes pour l'Europe", a annoncé l'eurodéputé RN Jean-Paul Garraud, lors d'une réunion à Bruxelles.

franceinfo : Quelle lecture faire de ce ralliement ? 

Erwan Lecoeur : Plusieurs éléments sont à lire en arrière-fond. Puisque Jordan Bardella ne pourra pas être Premier ministre en France, il y avait des négociations en cours avec le groupe de Viktor Orban qui, lui, tentait de rentrer dans la dynamique et dans la grosse structure européenne depuis des années. Viktor Orban [dont le pays exerce pour six mois la présidence tournante de l'Union européenne] est une clef d'entrée potentielle pour un certain nombre de groupes d'extrême droite vers une respectabilité nouvelle. C'est cela qui est sans doute en train de se jouer en arrière-fond.

Ce groupe est le troisième plus gros au Parlement européen, le RN a-t-il deux visages ? 

Oui en effet. Jusqu'ici, c'est une chose que le RN a peu explicitée. Ça explose aujourd'hui à nouveau avec ce rapprochement avec Viktor Orban qui est très clairement plutôt pro-Russe. Les Français font peu de cas de ce qu'il se passe au niveau européen. C'est un drame et une erreur. Le fait que Jordan Bardella prenne la direction du groupe est assez étonnant puisqu'on se dit qu'il avait un double agenda : soit Premier ministre en France, soit président du groupe à Bruxelles.

Ce groupe est en concurrence avec celui de Giorgia Meloni en Italie. Marine Le Pen avait tenté de faire un grand groupe, elle n'a pas réussi. Est-ce que Viktor Orban réussit là où Marine Le Pen a échoué ?  

Pour le moment il ne réussit pas à les rassembler. Il y a toujours deux grandes lignes qui sont principalement des lignes au niveau des programmes des uns et des autres. Il y a vraiment des conservateurs comme Giorgia Meloni, néo-fascistes en Italie, et des gens qui sont plutôt sur une ligne très anti-immigration et très anti-islam comme Viktor Orban. Il y a toujours une scission forte entre ces deux grands groupes. D'une certaine façon, le RN et Jordan Bardella font un pas vers une sorte de clarification. Ils rentrent dans un certain groupe qui est très nettement plutôt anti-UE, plutôt pro-Poutine et d'une certaine façon, ça va aussi peut-être peser sur l'avenir du RN en France si jamais les médias français en parlent.

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