La délocalisation d'une hotline du Stif remue le sommet de l'Etat
Arnaud Montebourg voudrait que le Syndicat des transports d'Ile-de-France reconsidère la décision. Mais pour François Hollande, les règles ont été respectées.
La délocalisation d'un prestataire du Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) au Maroc à partir de 2013 fait grand bruit. L'autorité des transports veut transférer un de ses centres d'appels "à un confrère plus avantageux sur le prix".
En réaction à cette information publiée dans Le Parisien jeudi 26 juillet, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a rappelé à l'ordre, vendredi, Jean-Paul Huchon, le président socialiste de la région Ile-de-France et du Stif. Il a indiqué qu'il fallait "reconsidérer la décision en remettant l'appel d'offres sur le métier".
Mais François Hollande a désavoué son ministre quelques heures plus tard en indiquant que les "règles [avaient] été respectées" par le Stif. Le président de la République ne se dit "pas favorable" à "une surenchère protectionniste" tout en appelant "les acteurs publics à la responsabilité" pour favoriser le marché du travail français. Interrogé sur cette affaire lors de sa visite chez Valeo, vendredi dans les Yvelines, le président a d'ailleurs exhorté les responsables publics à "faire prévaloir", autant que possible au regard des règles existantes, "le travail en France".
• Combien d'emplois sont-ils menacés ?
Selon Le Parisien, le Syndicat des transports d'Ile-de-France, qui dépend directement de la région, va délocaliser un de ses services d'assistance téléphonique au Maroc dès 2013. "Une nouvelle donne qui devrait se traduire par la suppression de 80 emplois en France, et, à terme, par la fermeture de deux centres à Fontenay-le-Comte (Vendée) et Saint-Avold (Moselle)", indique le quotidien.
Dans un communiqué, le Stif tient à tempérer : "Avec 7 milliards d'euros de budget pour le développement des transports en Ile-de-France, le Stif participe largement à la création et au maintien de l'emploi sur le territoire national".
• Cette situation aurait-elle pu être évitée ?
Dans un courrier destiné à Arnaud Montebourg et daté du 11 juillet, Jean-Paul Huchon a souligné que le syndicat des transports n'avait pas "eu d'autre choix". Selon lui, il serait d'ailleurs "nécessaire" de mieux prendre en compte dans les textes qui régissent la commande publique les risques encourus "du fait d'une concurrence en provenance d'Etats où les règles de droit social et de droit du travail sont peu exigeantes". En moyenne, une heure de centre d'appels en France coûte 28 euros, contre 14 au Maroc.
Cependant, une source gouvernementale a fait valoir que Jean-Paul Huchon aurait pu dès le départ faire en sorte d'étayer son appel d'offres afin que l'emploi soit préservé en France, et non pas retenir le seul critère du "moins-disant". Le président de la région a d'ailleurs annoncé vendredi qu'il "étudiera[it] toutes les voies légales possibles" pour trouver une solution.
• Les jeux sont-ils déjà faits ?
La société Webhelp, qui possède les deux centres menacés de fermeture, a décidé vendredi d'attaquer ce marché en référé. Son président, Frédéric Jousset, a fait état de plusieurs vices de procédure, notamment dans le dossier de consultation, et d'"éléments opposés pour expliquer notre notation, et donc notre éviction, qui ne recoupent pas clairement les critères" appliqués.
Frédéric Jousset ajoute que Jean-Paul Huchon peut abandonner "la procédure en cours pour motifs d'intérêt général", "conformément" à l'article 59 du Code des marchés publics.
• Quelles sont les réactions ?
Du côté de l'UMP, la députée des Yvelines Valérie Pécresse a estimé vendredi que la gauche était prise "en flagrant délit de contradiction". Lors de la délibération sur la délocalisation au Stif, la gauche était "unanime", affirme-t-elle, précisant que l'UMP "a voté contre ce marché qui menace directement 80 emplois en France." Pour Geoffroy Didier, conseiller régional d'Ile-de-France et secrétaire national de l'UMP, la décision de Jean-Paul Huchon est "choquante et même indécente au regard des nécessités de l'emploi en France". "François Hollande multiplie les intentions, ses amis ne font, eux, qu'accumuler les contradictions", a-t-il ajouté.
Le Front national a quant à lui accusé le PS de "plonger dans l'obscénité". Le secrétaire général du FN, Steeve Briois, s'est dit "abasourdi par un tel manque de respect et de pudeur de la part des socialistes".
Dans la majorité, certains s'interrogent sur l'opportunité de modifier la législation. "Cette décision est celle d'une commission d'appel d'offres qui a choisi, conformément à la réglementation, l'offre la plus avantageuse économiquement, rappelle Luc Carvounas, sénateur-maire PS d'Alfortville (Val-de-Marne). La véritable question est celle de la réforme ou non du Code des marchés publics." Selon lui, les Etats généraux des territoires, organisés par le Sénat les 4 et 5 octobre prochains, devront "aborder cette problématique et la lourdeur et l'incohérence à laquelle, nous, les élus locaux, sommes confrontés au quotidien dans le cadre du choix de nos prestataires".
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