Les raisons qui expliquent la défaite de Nicolas Sarkozy à un second quinquennat
Il y a cru jusqu'au bout. Ou feint d'y croire ? Elu confortablement en 2007, Nicolas Sarkozy a été rejeté cinq ans plus tard par une majorité de Français, qui à "l'hyperprésident" ont préféré le candidat "normal", François Hollande.
Il comptait sur la majorité silencieuse pour déjouer les pronostics.
Las pour le camp présidentiel, les dizaines de sondages prévoyant sa défaite avaient vu juste. Tout comme les observateurs, les commentateurs et les spécialistes, ces "girouettes qui changent encore plus vite que le vent".
Mais au-delà de l'erreur de diagnostic ou de l'échec de l'incantation, plusieurs facteurs expliquent la défaite de Nicolas Sarkozy. Les premiers tiennent à sa campagne, les seconds à son bilan, les deux se mêlant dans un cocktail perdant.
Chronique d'une défaite annoncée.
Mauvais timing
15 février 2012, 20 heures de TF1, Nicolas Sarkozy annonce sa candidature à un second mandat, à un peu plus de deux mois du premier tour de l'élection présidentielle.
Deux mois. Deux mois peut-être suffisants s'il avait été favori. Mais donné battu dans toutes les enquêtes d'opinion, Nicolas Sarkozy est entré trop tardivement dans la course élyséenne, persuadé qu'une fois lancée, sa stature, sa compétence, son énergie, son volontarisme feraient la différence.
Il n'en a rien été. Et s'il est parvenu, au terme d'une campagne éreintante de près de douze semaines et quelque quarante-six meetings à combler une partie de son retard, le temps lui a manqué pour parvenir à convaincre une majorité d'électeurs de lui faire de nouveau confiance.
Erreurs de stratégie ou la sanction des trois "i"
Incohérente, inconstante, illisible. Ainsi se résume la campagne du candidat défait.
Incohérente. Privilégiant tantôt les thèmes de l'immigration et de la sécurité, tantôt ceux de l'équilibre des finances publiques et d'une France forte dans une Europe forte, le chef de l'Etat a effrayé une partie de l'électorat centriste tout en décourageant les électeurs frontistes partisans d'une sortie de l'euro.
Pouvait-il en être autrement ? Non, argumentaient dès avant le verdict des urnes, les partisans de cette stratégie, Nicolas Sarkozy en tête, convaincus que sans cette campagne droitière, le président sortant n'aurait pas passé le cap du premier tour.
Oui soutiendront les autres, qui pointaient l'incompatibilité des valeurs portées par ces deux électorats et défendaient l'idée d'une campagne plus au centre, plus "présidentielle" et fédératrice.
Les faits ont donné raison à ces derniers. Contrairement à 2012, l'attelage de la "plume" laïque, Henri Guaino, et du très droitier et très catholique, Patrick Buisson, a cette-fois ci sombré. Le conflit idéologique s'est mué en adjuvant fatal.
Inconstante. Alors qu'il avait fait de la négociation du traité budgétaire européen un argument de campagne, Nicolas Sarkozy s'est tiré une balle dans le pied en menaçant de suspendre sa participation aux accords de Schengen en cas d'échec des discussions sur leur révision.
Comment vanter à la fois les vertus de la négociation et du compromis et brandir de l'autre la menace et le chantage ?
Comment sur le logement, thème prioritaire pour les français, s'opposer à l'encadrement des loyers fin janvier puis en défendre le principe deux mois et demi après ?
Quel crédit accorder à celui qui se disait contre le vote des étrangers en 1997, puis pour en 2001 et de nouveau contre en 2012 ? Et que penser d'un président qui s'est posé en candidat de "tous les républicains" tout en lançant des diatribes contre le halal, la burqa ou les horaires de piscines ?
Autant de changements de pieds déconcertants pour une majorité d'électeurs.
Illisible. Nicolas Sarkozy n'a pas su ou pu profiter des attributs d'un président sortant. Il aurait dû incarner la stabilité, la continuité, le rassemblement. Il a joué du registre de l'identité et mené une campagne de division.
Symbole de cette stratégie, le mot "frontière" utilisé plus d'une vingtaine de fois dans sa lettre au peuple français, et qui s'inscrit dans "toute une syntaxe de la menace, du danger extérieur, de l'invasion", expliquait dans Libération le 4 mai, Christian Salmon, chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
"C'est tout le paradoxe de cet éloge ambigu de la frontière qui vient clôturer un mandat qui a brouillé les repères entre la droite et la gauche, défiguré les formes et les rites de la fonction présidentielle, décrédibilisé la parole publique".
"L'inflation d'histoires a ruiné la crédibilité du narrateur", soulignait encore le chercheur.
Bilan
La crise. Si un mot a dominé cette campagne, ce fut bien celui là. La crise, inspiratrice de tous les programmes. Cause du bilan quel que soit le domaine : déficits publics, pouvoir d'achat, chômage, etc.
Seul le temps permettra d'évaluer, avec plus de nuances, si Nicolas Sarkozy a mieux conduit et protégé la France que ses homologues européens, Allemagne mise à part.
Mais quelle que soit la conclusion, si tant est qu'elle s'impose, elle ne changera rien à l'histoire. La majorité des électeurs juge aujourd'hui négativement le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
En dépit de ses explications, le chef de l'Etat n'est pas parvenu à convaincre suffisamment de votants, que sans lui, la situation aurait été pire.
A contrario, le président sortant a étrangement peu mis en avant son bilan à l'international, pourtant plus consensuel, laissant dès lors le champ libre à tous les griefs à l'égard de sa personne, sa façon d'être et son style de présidence.
Bonapartisme, hyper concentration des pouvoirs, transgression, impulsivité, imprévisibilité, président des riches, président clivant, président bling-bling, agitation sans conviction, volontarisme sans vision, etc. Beaucoup de critiques ont été faites.
Difficile dès lors d'échapper à la sanction des urnes.
Au lendemain de sa désignation à la primaire socialiste, François Hollande avait déclaré dans une interview au monde :" Il n'échappera pas à son bilan".
Le candidat d'alors, élu depuis Président, avait vu juste.
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