Cet article date de plus de deux ans.

Info franceinfo Saint-Étienne : le maire Gaël Perdriau soupçonné de favoritisme

Le maire de Saint-Étienne est soupçonné de ne pas avoir respecté la procédure d'appel d'offres pour choisir une entreprise chargée d'organiser des spectacles. 

Article rédigé par Yannick Falt
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau, le 18 septembre 2022.  (OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)

C'est une nouvelle révélation sur ce que ses opposants décrivent comme un "système Perdriau". Le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, déjà mis en cause dans l'affaire de la vidéo intime à l'origine du chantage sur son ancien Premier adjoint Gilles Artigues, est soupçonné d'avoir favorisé une entreprise, sans respecter la procédure d'appel d'offre, dans le cadre de la politique culturelle de la ville.  >> Chantage à la vidéo intime : le maire de Saint-Etienne Gaël Perdriau se met en retrait de la présidence de la métropole Selon les informations de franceinfo, cette société s'appelle "C'Kel Prod". Elle est dirigée par un couple proche de Gaël Perdriau, preuve en est le soutien affiché de sa directrice Marie Zambardi lors des dernières municipales. C'est une entreprise spécialisée dans l'organisation de spectacles. 

La maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, en compagnie de Marie Zambardi, pendant la campagne municipale de 2020.  (DR)
La municipalité a notamment fait appel à elle dans le cadre de l'opération "Pass Loisirs Seniors", qui propose des tarifs préférentiels pour les plus de 62 ans, avec deux contrats litigieux. L'organisation de deux spectacles de la saison 2020-2021 au Zénith de Saint-Étienne, un concert de Serge Lama et une représentation du "Plus grand cabaret du monde". 

Une mise en concurrence était nécessaire

Première anomalie : le marché a été saucissonné. Il y a eu deux délibérations différentes en conseil municipal pour la même entreprise, ce qui n'est pas habituel. Ensuite, le spectacle "Le plus grand cabaret du monde" aurait nécessité une mise en concurrence pour son organisation. En effet, il a pu accueillir jusqu'à 900 personnes, avec un budget de 41 964 euros hors taxes. Or, au-delà de 40 000 euros, la mise en concurrence est obligatoire. 

La délibération, que franceinfo a pu consulter, cite un article du code de la commande publique pour justifier une mise en concurrence, pourtant obligatoire. Cet article peut être invoqué en cas de création exclusive et unique. Il aurait donc fallu que la société C’Kel Prod ait elle-même créé le spectacle. En l'occurence, ce n'est pas le cas, ce spectacle est la création de l'animateur Patrick Sébastien.   Ces faits sont similaires à ceux reprochés au maire de Grenoble, Eric Piolle, qui sera jugé ce lundi 26 septembre et mardi 27 septembre à Valence, pour des soupçons de favoritisme dans l'attribution de l'organisation de la fête des Tuiles à une association en 2015 et 2016, sans mise en concurrence.  Par ailleurs la société C'Kel Prod est également pointée du doigt dans un courrier consulté par franceinfo, une lettre du groupe d'opposition de gauche Saint-Etienne Demain adressée à Gaël Perdriau. Les élus dénoncent dans ce courrier les tarifs préférentiels accordés à la société pour la location d'une autre salle de spectacle, la salle Le Panassa. Elle a été louée 1 600 euros TTC alors que la tarif qui aurait dû être appliqué était de 2 000 euros TTC. Une "irrégularité" reconnue par la municipalité dans sa réponse écrite que nous avons également consultée. L'adjoint à la culture nie tout "privilège", évoquant une "erreur de lecture (...) en cours de régularisation".

Courrier adressé par Marc Chassaubène, adjoint au maire de Saint-Etienne, en réponse au groupe Saint-Etienne Demain. (DOCUMENT FRANCEINFO)
Ces révélations s'ajoutent à celles sur un "système Perdriau" à la mairie de Saint-Etienne dénoncé par des élus d'opposition. Après l'affaire du chantage à la vidéo intime, Ali Rasfi, élu d'opposition, accusait l'équipe du maire de l'avoir filmé pendant les élections municipales et d'avoir voulu faire pression sur lui. 


Après la publication de cet article le 26 septembre 2022, M. Gaël Perdriau a souhaité via ses avocats exercer son droit de réponse.

Les allégations de favoritisme formulées à mon encontre sont erronées et portent injustement atteinte à mon honneur et ma réputation. La Ville de Saint-Etienne a toujours appliqué rigoureusement l’ensemble des règles régissant la commande publique. L’achat de places de spectacle dans le cadre du Pass Loisirs Seniors n’y déroge pas et fait l’objet d’une procédure stricte et transparente.
Le programme culturel Pass Loisirs Seniors vise à favoriser l’accès à la culture des personnes âgées de plus de 62 ans. A cette fin, une consultation de la programmation du Zenith de Saint-Etienne est organisée chaque année au mois de mars pour sélectionner les spectacles qui pourraient intéresser les bénéficiaires du programme. Une fois la sélection effectuée, les services de la Ville contactent les producteurs des dits spectacles afin de convenir avec eux d’un certain nombre de places à réserver aux bénéficiaires du Pass Loisirs Seniors.
Si les producteurs acceptent, ce qui n’est pas toujours le cas, un marché négocié sans mise en concurrence est alors conclu avec la Ville.
Cette absence de mise en concurrence est justifiée par la dérogation prévue à l’article R 2122- 3 3º du Code de la commande publique qui prévoit notamment une absence de publicité et de mise en concurrence préalables en raison de l’existence de "droits d’exclusivité, notamment de droits de propriété intellectuelle".
La société de production C’Kel Prod dispose en effet de droits exclusifs sur la mise en vente des places du spectacle "Le plus grand cabaret du monde", comme en atteste le contrat de prestations d’accueil de spectacle conclue entre la société Stratégies Organisation, producteur, et la société C’Kel Prod, promoteur local ici :
"[...] 3.4 Le PROMOTEUR LOCAL aura à.sa charge la mise en vente exclusive du spectacle en utilisant les canaux de distribution habituels pour le grand public ainsi que les comités d’entreprises ou autres organismes. [...]"
Pour cette raison, l’achat de places par la Ville pour ce spectacle ne nécessite donc pas de publicité ou de mise en concurrence préalables.
Dans le cadre de cette exception du Code de la commande publique, le seuil de 40 000 euros à partir duquel une mise en concurrence est normalement obligatoire ne s’applique donc pas. Par conséquent, l’allégation selon laquelle le marché aurait été "saucissonné", afin de passer sous le seuil légal, est infondée.
Par ailleurs, la Ville de Saint-Etienne aurait procédé à "deux délibérations différentes en Conseil municipal pour la meme entreprise" ce qui serait inhabituel.
Ces deux délibérations ne sont en aucun cas inhabituelles et tout à fait justifiées.
Pour la conclusion de ces marchés, il est nécessaire de procéder à une délibération par spectacle, et non par producteur. Pour la saison 2020-2021, la Ville de Saint-Etienne a donc dû procéder à deux délibérations car deux marchés ont été conclus avec la société de production C’Kel Prod, pour deux spectacles différents : l’un pour le spectacle de Serge Lama et l’autre pour "Le plus grand cabaret du monde".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.