Les Républicains : pour Laurent Wauquiez, un parcours plus sinueux que prévu vers la présidentielle de 2027
L'élection du nouveau patron des Républicains (LR) devait lui permettre de tester sa popularité auprès des militants en vue de la prochaine présidentielle. Mais avec le faible score réalisé par son allié Eric Ciotti (53,7% au second tour contre 46,3% pour Bruno Retailleau) lors de ce scrutin interne, début décembre, Laurent Wauquiez est tombé de haut. "Il avait misé sur la candidature Ciotti parce qu'il pensait qu'il serait élu haut la main et qu'il lui ouvrirait magistralement la voie royale vers la présidentielle. Le pari est plus que raté", tacle auprès de franceinfo l'un de ses opposants en interne.
Eric Ciotti avait d'ailleurs fait de la candidature anticipée du patron de la région Auvergne-Rhône-Alpes l'un des principaux axes de sa campagne, promettant aux adhérents LR de désigner Laurent Wauquiez dès 2023 et d'en finir avec "la machine à perdre" des primaires. "S'ils veulent à nouveau des primaires, s'ils veulent attendre novembre 2026 pour choisir le candidat présidentiel hypothétique, ce n'est pas pour moi qu'il faut voter", avait martelé Eric Ciotti sur BFMTV fin octobre. Le principal intéressé s'était également pris au jeu en sortant du bois publiquement dans un entretien accordé fin novembre au magazine Challenges : "Ma conviction, c'est qu'en 2027, ce sera soit moi, soit Marine Le Pen."
Ne rien faire avant les européennes ?
Quelques semaines plus tard, la donne a changé. Laurent Wauquiez se retrouve face à un dilemme : accélérer en déclarant sa candidature comme imaginé initialement, ou bien et attendre une fenêtre de tir plus favorable ? Selon ses proches, l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy envisage plutôt la seconde option. Ses soutiens sont en tout cas nombreux à lui conseiller de prendre son temps. "Avec la victoire d'Eric Ciotti, on voit bien que la ligne régalienne et sécuritaire de Laurent Wauquiez est majoritaire au sein des LR, mais pour moi elle ne l'est pas assez pour qu'il se déclare dès maintenant", confie un élu lyonnais qui le soutient. "Il ne faut pas qu'il attende la dernière limite comme on l'avait fait avec François Fillon ou Valérie Pécresse. Mais pas de précipitation, il a le temps."
Certains ténors LR vont plus loin, estimant qu'il n'est pas stratégique de sortir du bois avant les européennes, au printemps 2024. En cas de nouvel échec électoral pour Les Républicains lors de ce scrutin, la responsabilité pourrait lui être imputée. En 2019, il avait été contraint de démissionner de ses fonctions de président du parti après la déroute de la liste LR menée par François-Xavier Bellamy (8,48%).
"S'il se déclare maintenant, le résultat des européennes sera le sien. Comme il risque de n'être pas très bon, si j'étais son conseiller politique, je lui dirais d'attendre."
Un cadre des Républicainsà franceinfo
Depuis plusieurs mois, Laurent Wauquiez consulte, échange et rencontre chaque semaine des acteurs politiques, économiques ou encore associatifs dans sa région. Il organise des déjeuners thématiques à Paris avec des parlementaires qui l'appuient. "Il a engagé un travail de fond et se déplace en immersion dans certains milieux éducatifs ou encore dans des entreprises un peu partout en France", confirme l'eurodéputé et ex-ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, l'un de ses soutiens.
Un début de campagne en catimini
Selon son entourage, l'objectif du probable candidat à la présidentielle est de réaliser "un tour du pays pour aller à la rencontre des Français". Depuis quelques mois, l'ancien député de Haute-Loire multiplie les déplacements. Il a par exemple passé une journée avec des employés de l'usine Michelin à Roanne (Loire), mais aussi avec une équipe de la brigade anticriminalité (BAC) dans la banlieue lyonnaise et s'est rendu dans un hôpital public de Valence (Drôme), énumère son entourage. "A chaque fois, il y va sans presse, sans collaborateur, sans rien. Le but est de voir le travail des Français au quotidien pour mieux les comprendre et ensuite proposer un vrai projet structuré", confie un conseiller régional.
Dans ce début de campagne loin des projecteurs, il a déjà commencé à rassembler ses troupes sur le terrain. Ses équipes, composées d'élus locaux, se regroupent un peu partout en France, en particulier en Auvergne-Rhône-Alpes, son fief électoral, où il concentre logiquement le plus de soutiens.
"Nous sommes en ordre de marche pour l'accompagner jusqu'à la victoire. On commence à se structurer par territoires pour trouver un maximum de sympathisants prêts à nous aider."
Un député, soutien de Laurent Wauquiezà franceinfo
Cet étu LR confirme que son champion a prévu de rester discret. Aucune prise de parole pour acter officiellement ses velléités présidentielles n'est pour l'heure prévue à son agenda. Moins de trois mois après la polémique sur les dîners fastueux organisés aux frais de la région, son cabinet a annoncé l'annulation des cérémonies de vœux prévues le 12 janvier à Clermont-Ferrand et le 19 janvier à Lyon, officiellement au nom de la sobriété énergétique, explique Le Progrès (article payant).
Déjà des tensions en interne
Au-delà de sa ligne politique à droite toute qui est loin de faire l'unanimité au sein du parti, l'ancien protégé de Jacques Barrot va d'abord devoir convaincre les soutiens de Bruno Retailleau et d'Aurélien Pradié, candidats malheureux à la présidence des Républicains. "Cette obsession présidentielle va nous tuer. Eric Ciotti veut désigner Laurent Wauquiez dès l'an prochain. Moi je veux d'abord refonder la droite et laisser les militants décider", avait écrit le patron des sénateurs LR sur Twitter quelques jours avant sa courte défaite.
Les proches des deux adversaires d'Eric Ciotti lors du congrès du parti réclament aujourd'hui la tenue d'un débat en interne et veulent attendre pour trancher en faveur d'un candidat. "Désigner dès maintenant notre futur candidat est un sujet totalement prématuré. Nous devons en discuter en bureau politique", peste le sénateur Marc-Philippe Daubresse, soutien de Bruno Retailleau.
"Eric Ciotti n'a pas été élu à 70%. Compte tenu des forces en présence et de ce résultat, le choix de notre candidat ne peut pas être tranché comme ça et décidé autoritairement."
Marc-Philippe Daubresse, sénateur LR et soutien de Bruno Retailleauà franceinfo
Les premières tensions pourraient jaillir le 10 janvier, à l'occasion du tout premier bureau politique animé par Eric Ciotti. Le nouveau président des Républicains reste persuadé que le meilleur candidat pour la droite s'appelle Laurent Wauquiez, et qu'il ne faut pas attendre pour soumettre sa candidature par référendum aux adhérents. Néanmoins, la question ne sera sans doute pas réglée dans l'immédiat. "On sera surtout sur la présentation du nouvel organigramme du parti et l'actualité autour du texte sur la réforme des retraites [présenté le même jour par le gouvernement]", s'avance un conseiller du député des Alpes-Maritimes. De quoi calmer le jeu ? A quatre ans et demi de la présidentielle, Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, David Lisnard, le maire de Cannes, mais aussi Bruno Retailleau et Aurélien Pradié n'ont en tout cas pas dit leur dernier mot.
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