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Sur les réseaux sociaux, la "grande famille" des sarkozystes tire à vue

Sur Twitter et Facebook, les partisans de l'ancien chef de l'Etat ne lésinent pas sur les coups bas pour défendre leur champion.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Capture d'écran de la page Facebook "Enseignante sarkozyste". (DR)

"Pépé Juppé n'aime pas que Nicolas Sarkozy dise la vérité !", "#Hollande, c'est sûr, il ne fait plus le régime Dukan !", "Gayet libre et engagée derrière le Président ? Ils ont des jeux bizarres à l'Elysée !". Chaque jour, "Marsu #NS2017", "Enseignante sarkozyste" et "F.G. #NS2017" publient des attaques contre François Hollande ou les rivaux de Nicolas Sarkozy à la primaire à droite sur Facebook et Twitter.

Loin des pages officielles du candidat, des dizaines de supporters inconditionnels de l'ancien chef de l'Etat postent et partagent sur les réseaux sociaux des bons mots ou des montages peu flatteurs de l'actuel locataire de l'Elysée. Et ils ne prêchent pas dans le désert : leurs comptes sont suivis par des milliers, voire des dizaines de milliers d'internautes.

Alors que Nicolas Sarkozy est jeudi 15 septembre l'invité du premier numéro de "L'Emission politique" sur France 2, franceinfo est allé à la rencontre de ceux qui se voient comme ses soldats du numérique.

Des militants qui tiennent à l'anonymat

"Vous pouvez écrire que j'ai 30 ans, et que je milite chez les Jeunes Républicains dans le Pas-de-Calais." A l'image de "Marsu", tous les sarkozystes adeptes des tacles numériques interrogés par franceinfo désirent conserver un certain anonymat. Le trentenaire craint que certains de ses compagnons de fédération comprennent mal le ton des tweets qu'il distille quotidiennement à près de 3 800 followers.

Laurence invoque de son côté son devoir de réserve. Conseillère principale d'éducation dans un collège de l'Essonne, cette fonctionnaire de 51 ans souhaite très fréquemment aux 24 000 abonnés de sa page Facebook "Ouf, j'ai pas voté Hollande" de "vivre leurs rêves avant qu'on ne leur les taxe", entre deux articles dénonçant l'action de "pépère" à l'Elysée.

Alors qu'à droite, la primaire bat son plein, la plupart de ces militants des réseaux sociaux reconnaissent par ailleurs être peu ou pas présents lors des opérations traditionnelles de campagne électorale. Comme le collage d'affiches ou la distribution de tracts. "Cela doit être lié à mon caractère pédagogue, mais publier sur Facebook allait de soi pour moi", explique Elisabeth, retraitée de l'Education nationale qui gère à la fois la page "Enseignante sarkozyste" (7 700 fans) et le compte Twitter "Sarkoziste #NS2017 " (9 400 abonnés).

Sur Facebook, je m'efforce d'être concise, de trouver le bon slogan, la petite phrase qui marquera les esprits, en essayant de faire preuve d'humour.

Elisabeth, auteure de la page "Enseignante sarkozyste"

à franceinfo

Connecté en permanence à son travail, Florian, informaticien basé dans le Val-de-Marne, en profite pour abreuver les près de 8 000 abonnés de son compte Twitter "F.G. #NS2017" en infos favorables à son candidat et moqueries à l'encontre de la gauche.

Ils coordonnent leurs offensives en privé

Sur Twitter, leur force de frappe interpelle. Si douteuse soit-elle, la moindre caricature publiée par ces militants, qui affichent leurs convictions par le mot-dièse "#NS2017", est souvent relayée plusieurs dizaines de fois. Voire plusieurs centaines.

Interrogée à ce sujet, "Lily Rebelle #NS2017" admet être en contact avec une multitude de militants dans "une douzaine" de conversations de groupe privées sur Twitter. "Mais je ne veux pas m'étendre à ce sujet et vous expliquer comment nous fonctionnons", explique au téléphone cette figure de la twittosphère sarkozyste. Elle ne souhaite communiquer aucune information à son sujet "pour raisons professionnelles".

D'autres militants sont plus loquaces. "Je fais partie d'une conversation privée créée il y a presque un an et qui regroupe une trentaine de sympathisants", raconte Florian, l'informaticien du Val-de-Marne. "On discute à bâtons rompus, et lorsque l'un d'entre nous aperçoit une info qui peut nous intéresser, il la signale et les autres rebondissent dessus sur Twitter. J'avais ,par exemple, repéré sur le fil info de franceinfo qu'Emmanuel Macron était au salon de la coiffure il y a quelques jours. Je l'ai transmis, ça m'a inspiré un tweet humoristique, quelques autres l'ont partagé, et c'était parti."

"Nous nous organisons pour avoir le plus d'impact possible", abonde "Marsu", le jeune militant du Pas-de-Calais. "Nous nous retweetons mutuellement pour que l'audience touchée par nos messages soit maximale." Ces interactions sur les réseaux entraînent parfois des rencontres physiques entre ces fervents partisans de Nicolas Sarkozy. "J'avais posté un message expliquant que je devais quitter temporairement ma commune lors des dernières inondations", se souvient "Lily Rebelle". "Un de mes abonnés m'a contacté en me disant qu'il était également concerné, et c'est ainsi que j'ai découvert que mon voisin était sarkozyste ! Je ne l'aurais pas soupçonné autrement."

"Nous n'arrivons pas à accepter la diffamation" envers Sarkozy

Tous assument sans ciller la virulence d'une bonne partie de leurs messages. Mais ils jurent qu'elle n'est que la conséquence des attaques "indignes" qui visent leur champion. "Nicolas Sarkozy est lui-même très respectueux et pense toujours à l'unité du parti, assure Elisabeth. Mais nous, la grande famille des militants de base, n'arrivons pas à accepter les propos souvent à la limite de la diffamation qui lui tombent dessus. Alors nous répondons." 

Pour justifier sa démarche, "Enseignante sarkozyste" se remémore les propos de l'ancien chef de l'Etat lorsqu'il briguait la tête du parti, fin 2014.

A l'époque, il a souhaité avoir une 'armée de militants'. Avec nous, il l'a !

Elisabeth, auteure de la page "Enseignante sarkozyste"

à franceinfo

"Lily Rebelle" jure par ailleurs que la violence des attaques ne vient pas que de son camp et assure également recevoir des coups : "Vous devriez lire des tweets de juppéistes, ça n'est pas triste ! Ils se sont un peu calmés ces derniers temps, mais certains sont très agressifs."

Ce sont les premiers mois de François Hollande à l'Elysée qui ont convaincu cette militante de longue date de monter au front sur les réseaux sociaux. "Lorsque j'ai vu qu'il détricotait méticuleusement tout ce qu'avait fait Nicolas Sarkozy parce que Nicolas Sarkozy l'avait fait, je me suis dit qu'il fallait entrer en reconquête et s'opposer à Hollande", se souvient-elle. 

Laurence, qui n'hésite pas à répondre aux commentaires sur sa page Facebook "Ouf, j'ai pas voté Hollande", voit dans sa démarche l'opportunité de rallier à sa cause les électeurs hésitants. "Je vise surtout à convaincre ceux qui peuvent être tentés par le FN. J'essaie de leur donner un autre éclairage et de rétablir ce que je considère être la vérité concernant Nicolas Sarkozy", raconte-t-elle à franceinfo. 

Et tant pis si, en publiant un montage de François Hollande grimé en Casimir, elle joue sur le même terrain que ceux qui moquaient la petite taille de Nicolas Sarkozy lorsqu'il était aux affaires. "Je ne m'en prends pas à son physique mais à son incapacité à maîtriser son image, car il nous représente. Et cela n'a rien à voir avec son apparence : souvenez-vous de Raymond Barre, il était toujours digne malgré son embonpoint. Oui, c'est caustique, mais ça n'est pas indigne."

"C'est le 'Kop of Boulogne' des sarkozystes !"

Du côté des responsables du parti Les Républicains, on comprend la virulence de certains propos sans toutefois la cautionner. "La situation du pays est tellement dramatique que bien sûr, des propos assez violents peuvent survenir. Mais cette colère ne se retrouve que chez les militants, mais dans toute la société", estime Antoine Sillani, responsable des Jeunes Républicains du Nord et président de l'association Génération Sarkozy. "Je suis en revanche très vigilant sur les attaques envers les autres candidats à la primaire, et je n'ai pas de scrupule à demander à certains de retirer des tweets. Il faut que les militants réalisent que dans cette élection, nous n'avons que des adversaires, et pas d'ennemis."

Proche de Nicolas Sarkozy, le sénateur LR Pierre Charon fait partie de plusieurs groupes privés utilisés sur Twitter par certains partisans de l'ancien président. "C'est quasiment le 'Kop of Boulogne' des sarkozystes !", plaisante-t-il, faisant référence à la tribune du Parc des Princes qui rassemblait les supporters les plus virulents du PSG. Il loue toutefois la réactivité sans faille de ces militants. 

Il m'arrive parfois de mettre la main sur des sondages favorables à Nicolas Sarkozy en avant-première. Dans ces cas-là, je les préviens en privé, et les reprises sont immédiates une fois l'info sortie.

Pierre Charon, sénateur LR de Paris

à franceinfo

Mais s'ils s'enorgueillissent souvent d'être suivis sur Twitter par le compte officiel de Nicolas Sarkozy, certains fervents supporters semblent tout de même attendre un signe d'adoubement supplémentaire de leur candidat. Elisabeth, l'"Enseignante sarkozyste", raconte ainsi avoir récemment rencontré l'ancien président.

"Je lui ai remis un texte dans lequel j'évoquais mon engagement en ligne. Je souhaitais attirer son attention sur les actions que nous menons, et avoir son avis là-dessus, raconte-t-elle. Il a glissé ma lettre dans sa poche et j'attends sa réponse. J'espère qu'il se manifestera."

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