Mort de Jean-Marie Le Pen : des relations particulières et surtout conflictuelles avec le monde de la culture
Jean-Marie Le Pen avait beau affirmer au début des années 1990 qu'il n'avait "pas l'intention d'appliquer quelque censure que ce soit", ça ne l'a pas empêché de faire interdire un roman pour diffamation, à la fin de la même décennie. Le livre de Mathieu Lindon, intitulé Le procès de Jean-Marie Le Pen est alors retiré de la vente. L'affaire ira jusque devant la Cour européenne des droits de l'homme qui déboute l'auteur. "Si on pousse à son terme la logique de ce jugement, ça veut dire que l'écrivain n'a pas à s'occuper du réel. Si l'écrivain ne peut pas s'occuper du réel, il ne peut pas écrire", déplore l'écrivain.
Mathieu Lindon imaginait dans le livre une responsabilité personnelle de Jean-Marie Le Pen dans le meurtre raciste d'un adolescent par des colleurs d'affiches du parti. Une intrigue librement inspirée d'un véritable homicide en 1995 - l'affaire Ibrahim Ali - mais dans lequel le Menhir n'était pas impliqué. Une censure donc et une indignation de nombreux écrivains. "Il y a quelque chose qui doit attirer notre attention, expliquait Philippe Sollers. Quand la société va mal, la littérature est en première ligne. C'est un signal."
Égratigné par les humoristes
Mais pour une condamnation obtenue, combien d'autres tentées ? En 2002, pendant l'entre-deux tours, ils essaient d'empêcher un film de sortir en salles. Il s'agit de Féroces, qui décrit la stratégie électorale d'un parti d'extrême droite rebaptisé. La justice rejette la demande du Front national. La fin d'un long parcours d'obstacles. "C'est sûrement le film le plus difficile qu'on a jamais eu à faire et qui est incroyable, explique producteur Miguel Courtois. Ça nous a pris des années. C'est un film que personne n'a voulu financer. On a vu vraiment tout le monde, tous les circuits, tous les coproducteurs, tous ont refusé ce film."
De fait, c'est l'un des seuls projets sur le FN à avoir pu aboutir. Le cinéma s'emparera davantage du sujet sous l'ère Marine Le Pen. Pour son père Jean-Marie, ce sont plutôt les humoristes qui l'ont égratigné : "Je suis sûr qu'il y a plus d'humanité dans l'œil d'un chien quand il remue la queue, que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil", lançait Pierre Desproges. "Je suis le contraire d'une tartine. En effet, pour faire une tartine, il faut mettre du beurre sur du pain. Et puis moi, je préfère mettre des pains sur les beurs", déclarait sa marionnette dans "le Bébète Show". "J'aime beaucoup le Maghreb. Peut-être l'ignorez-vous, mais j'étais électricien bénévole en Algérie", imite Nicolas Canteloup.
"La jeunesse emmerde le Front national"
Le patron du FN moqué, voire insulté, également en chanson comme dans Porcherie, l'hymne de Bérurier noir et son refrain "la jeunesse emmerde le Front national". Toujours scandé aujourd'hui dans les cortèges de gauche. Davantage que Zazie qui s'exprimait plus poliment dans la chanson Tout le monde il est beau : "Quitte à faire de la peine à Jean-Marie." Les groupes Zebda avec La Bête et Sinsemilia avec La Flamme ont dénoncé le leader d'extrême droite.
Les chansons pro-Le Pen sont rarissimes et viennent de chanteurs nettement moins connus. Il y a bien le titre #JMLP de Kroc Blanc. L'un des seuls artistes célèbres à avoir dit son affection pour l'homme aura été Alain Delon. "Vous le considérez comme votre ami Jean-Marie Le Pen ?", demande dans son émission Marc-Olivier Fogiel. "Mais il l'est depuis 30 ans, répond l'acteur. Ce n'est pas quelqu'un que je vois tous les jours, mais ce n'est pas quelqu'un que je rejette. Je n'ai jamais renié mes amis, quoi qu'il fasse." Mais tout en prétendant ne jamais avoir voté pour lui. Il ne dira sa sympathie pour le FN qu'en 2013, une fois son ami déchu, donc.
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