Menace sur le triple A : quelles conséquences pour Nicolas Sarkozy
La crise était au cœur de la campagne. La possible dégradation de la note de la France annoncé lundi 5 décembre lui a ravi la vedette. Avec elle surgit le spectre d'une image écornée du futur candidat, Nicolas Sarkozy. Revue de détail des enjeux.
Certains le martèlent depuis des mois. D'autres préfèrent s'en tenir aux communiqués officiels. L'annonce de l'agence américaine Standard & Poor's, lundi, de placer "sous surveillance négative" les notes d'endettement à long terme de quinze pays de la zone euro dont la France, créditée à ce jour d'un "AAA" - meilleure note possible - aura pour un temps réconcilié les experts.
Sur le plan politique, en revanche, elle met une forte pression sur le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, et elle préfigure une fin campagne sous fortes contraintes pour tous les candidats. Une situation d'autant plus sensible que la note française pourrait être dégradée de deux crans, contre un seulement pour les cinq autres pays AAA de la zone euro, a fait savoir S&P.
Un bilan entaché
A moins de cinq mois de la présidentielle, les socialistes qui veulent faire du bilan "catastrophique" du chef de l'Etat, l'un des thèmes de leur campagne, ont trouvé un "sujet en or".
La palme du bon mot revient sans doute à Arnaud Montebourg. Le député de Saône-et-Loire a accusé Nicolas Sarkozy d'avoir placé la France "au fond de la corbeille". La perte du AAA dont est menacé Paris est "l'oeuvre du sarkozysme", notamment parce que le gouvernement a "laissé prospérer la dette", a-t-il déclaré.
Cette "situation marque un échec de la politique qui est conduite depuis 5 ans" par le chef de l'Etat, a renchéri mardi, François Hollande. Demandant que le gouvernement revienne sur "les allègements fiscaux qui ont été consentis aux plus favorisés", le candidat socialiste à la présidentielle a notamment mis en cause "les plans successifs [de rigueur], l'absence de soutien de l'activité".
Une image fragilisée
La compétition présidentielle n'explique pas à elle seule les attaques du PS. Nicolas Sarkozy a construit son image sur celle d'un Président volontaire, agissant, protecteur. Les fondements même de cette stratégie s'en retrouvent aujourd'hui fragilisés.
"Nicolas Sarkozy a fait du AAA un élément majeur de la qualité de sa gestion de crise. Il a voulu installer l'idée que c'est grâce à ses qualités personnelles et à sa politique que la France a pu préserver sa note", explique Elie Cohen, économiste au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
"Si la France perd son AAA aux côtés de tous les autres AAA de la zone euro, le sujet disparaîtra totalement. Par contre, si Paris perd, seul, sa note d'ici à l'élection, l'opposition pourra légitimement prouver que la politique de Nicolas Sarkozy n'a pas marché", a-t-il ajouté.
La majorité fait front
Dans les rangs de l'UMP, pas question pour l'heure, d'envisager le scénario du pire. La minimisation de l'annonce de S&P est même de rigueur. A l'Elysée pourtant, l'ultimatum est pris très au sérieux. "Si la France perd son triple AAA, je suis cuit," aurait même dit le chef de l'Etat.
En attendant, ses lieutenants s'empressent de déminer le terrain politique, faute de maîtriser le scénario. Parmi les arguments déployés : la France n'est pas le seul pays dans le viseur de S&P.
Le chef du gouvernement en personne est même monté en première ligne lundi sur ce thème. La menace lancée par S&P est un "avertissement collectif", a jugé François Fillon à Assemblée nationale, appelant à "une gouvernance politique et économique plus solide". Et le chef du gouvernement a enfoncé le clou mardi au JT de 20heures de France 2.
Les socialistes font bloc
"Depuis que l'Allemagne est menacée comme nous, ça change tout, ce n'est plus du tout la même histoire", a également commenté un proche du président de la République.
La ministre du Budget, Valérie Pécresse, a usé d'une autre arme en lançant un appel au Sénat à majorité de gauche pour qu'il "accepte de voter la "règle d'or", "demandée, exigée par l'ensemble des pays de la zone euro" ; une règle sur laquelle les socialistes s'étaient divisés lors de la primaires.
Depuis, ils se sont mis d'accord, et ils refusent clairement et nettement l'inscription d'une telle règle dans la Constitution.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.