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Migrants : Calais va rester "un cul-de-sac migratoire" (France Terre d'Asile)

La France et le Royaume-Uni signent jeudi à Calais un accord de coopération sur le dossier des migrants. Si les mesures annoncées satisfont le Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure, pour l'association France Terre d'Asile, il ne réglera pas la crise migratoire, et manque de mesures humanitaires.
Article rédigé par franceinfo
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  (Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve et son homologue britannique Theresa May ont signé jeudi à Calais un accord de coopération pour gérer la crise des migrants  © REUTERS | Philippe Huguen)

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve et son homologue Britannique Theresa May ont signé ce jeudi à Calais un accord de coopération sur le dossier des migrants. Son objectif : lutter contre l'immigration illégale. Il prévoit entre autres, un centre de commandement et de contrôle commun - installé à Coquelles (Pas-de-Calais) côté français, et à Folkestone (côté anglais) - mais aussi le déploiement de policiers britanniques à Calais pour lutter contre les passeurs.

"Calais, cul-de-sac migratoire des politiques européennes"

Sur France Info, Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, relativise la portée de ces annonces : elles "renforcent l’aspect sécuritaire et le Calais cul-de-sac, migratoire, des politiques européennes va continuer ." C'est un projet "logique " dit-il, mais "cela ne va pas régler la crise migratoire à Calais ." Pour Pierre Henry, un autre volet, tout aussi important, n'est pas abordé : 

"C'est un renforcement du volet sécuritaire, or à Calais, s’il y a une priorité à mettre en œuvre, c’est tout simplement de sécuriser une voie de migration légale au titre de l’asile."

"Calais reste le cul-de-sac migratoire des politiques européennes" - Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, avec Alexis Morel
Pour Pierre Henry, ces annonces interviennent alors que la situation à Calais s'aggrave : "Il y a à la fois une crise structurelle depuis près de 20 ans avec environ 500 à 1.000 personnes qui y résident de manière temporaire et puis il y a une crise extraordinaire depuis le renforcement des arrivées sur les côtes méditerranéennes. " Pour lui, "Il y a des mesures humanitaires concernant la protection des personnes vulnérables qui sont absolument nécessaires. "

"Cet accord n'est pas à la hauteur des enjeux européens de la crise migratoire"

Lui aussi très mesuré sur la portée de cet accord, Nicolas Bancel, historien des migrations, professeur à l'Université de Lausanne, considère sur France Info qu' "il est peut-être à la hauteur de l’enjeu local qui concerne Calais, mais il n’est pas du tout à la hauteur des enjeux que pose cette crise migratoire au niveau européen. Le problème se noue dans des pays qui sont actuellement dans un véritable chaos, principalement au Moyen et au Proche-Orient ."

Plus satisfait, Christophe Rouget, commandant de police et membre du SCSI (Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure, lui, salue sur France Info "une bonne démarche " : "C’est ce que nous demandions, parce que depuis 2003 les Anglais ont réussi à délocaliser leur frontière sur le sol français et ils ne travaillaient pas à la même hauteur que les Français.

"C'est la démarche que nous demandions" - Christophe Rouget, commandant de police, avec Alexis Morel

"La Grande-Bretagne a la palme du cynisme"

Le directeur général de France Terre d'Asile se montre très sévère envers la Grande-Bretagne : "Dans cette affaire, elle a la palme du cynisme parce qu’elle a externalisé sur le sol français, avec beaucoup d’habilité, toute sa politique d’asile et de migration. En 2014, la Grande-Bretagne a reçu 31.750 demandeurs d’asile pendant que la France en recevait le double et l’Allemagne sept fois plus. "

Côté britannique, le son de cloche n'est évidemment pas le même : Theresa May insiste beaucoup sur la question sécuritaire. Entre les lignes, le message envoyé aux Britanniques est le suivant : "Regardez, on envoie nos forces de l’ordre, on prend les choses en main." Au plus fort de la crise, la presse tabloïd, et quelques politiciens britanniques, avait beaucoup critiqué la police française, accusée de regarder ailleurs quand les migrants essayaient de passer, de ne pas être efficace. En ouvrant un commandement partagé avec les Britanniques sur place, la réponse est évidente ; sur le ton : "Ne vous inquiétez pas, avec nous, ça va être sérieux. "

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