Pourquoi dix députés veulent abolir leurs "privilèges"
Des élus de droite et de gauche publient une tribune dans "Le Nouvel Observateur" de jeudi pour accélérer la moralisation de la vie publique.
Alors que les textes sur la transparence de la vie publique sont examinés par l'Assemblée nationale, dix députés publient une tribune dans le Nouvel Observateur à paraître jeudi 20 juin, pour accélérer la moralisation de la vie politique. Des élus de gauche et de droite lancent ainsi un appel intitulé "Elus, abolissons nos privilèges".
Parmi les signataires : cinq socialistes (Karine Berger, Jérôme Guedj, Olivier Faure, Barbara Romagnan, Razzy Hammadi), trois UMP (Laurent Wauquiez, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin), et deux écologistes (François de Rugy et Barbara Pompili).
Francetv info revient sur les points polémiques qu'ils ont choisi d'aborder.
L'enjeu de la représentativité
Le contexte. "Manque de diversité", progrès "inachevés" de la féminisation des fonctions à responsabilité, élus "relativement" trop âgés et catégories socio-professionnelles "surreprésentées" : un rapport réalisé par les députés Philippe Doucet (PS) et Philippe Gosselin (UMP) et rendu mercredi constate que les élus locaux ne reflètent pas la population. Pour revoir le statut de l'élu local et ainsi renouveler la classe politique, ils proposent 29 mesures, déposées en commission des Lois pour réformer le statut de l'élu.
Par ailleurs, l'Assemblée se penchera à partir du 3 juillet sur le projet de loi interdisant le cumul des mandats. S'il était adopté (alors que les débats pourraient être houleux, notamment au Sénat, rappelle RTL), le texte devrait entrer en vigueur en 2017. Au Palais-Bourbon, pas moins de 339 députés cumulent leur activité parlementaire avec un mandat exécutif local.
Les préconisations. Certaines des propositions des 10 députés, rassemblées dans l'appel publié par Le Nouvel Obs, reviennent sur cette question. Barbara Romagnan, députée PS du Doubs, propose ainsi d'adopter "le mandat parlementaire unique." "(...) Ce serait un outil majeur de renouvellement de la classe politique", fait valoir l'élue socialiste.
Pour ouvrir l'accès aux mandats de députés, l'écologiste Barbara Pompili, élue de la Somme, propose quant à elle de réformer l'assurance-chômage des députés. Partant du constat que les "fonctionnaires, qui peuvent se mettre en disponibilité, et les professions libérales, qui peuvent continuer d'exercer, sont surreprésentés à l'Assemblée nationale", elle propose de "[créer] un statut du député, qui donne des droits, forme à des métiers et valide les acquis d'expérience".
Des préconisations proches de celles du rapport parlementaire remis à l'Assemblée : on y trouve des mesures telles que l'extension du droit au congé électif, l'introduction d'une "allocation de retour à l'emploi", ou encore l'extension de l'allocation de fin de mandat.
L'enjeu de la transparence
Le contexte. Invités en avril à réagir au futur projet de loi sur sur la moralisation de la vie politique, 63% des Français ont répondu que la publication du patrimoine des élus constituait "une mesure nécessaire pour garantir la transparence dans une démocratie moderne" (36% estimait qu'il s'agit d'une "dérive malsaine qui ressemble à du voyeurisme").
Mardi, les députés ont voté l'article concernant les déclarations de patrimoine des parlementaires. Celles-ci seront consultables en préfecture. Mais pour certains députés, il faut aller plus loin.
Les préconisations. L'amendement du député socialiste Olivier Faure, favorable à la publication de l'évolution du patrimoine des parlementaires pendant l'exercice de leur mandat, a été repoussé. Mais l'élu ne désarme pas. Il réitère sa proposition dans la tribune du Nouvel Obs. Toujours pour informer le citoyen, la députée PS des Hautes-Alpes, Karine Berger veut quant à elle faire la lumière sur "la réserve parlementaire" : une somme fixe de 110 000 euros par député, dont "on ne sait toujours pas comment et surtout pourquoi elle est utilisée". Elle propose d'instaurer "une publication obligatoire de son utilisation, qui doit être vérifiée par une instance ad hoc".
Autre somme montrée du doigt : l'IRFM, ou indemnité de frais de mandat. Cette somme qui, contrairement à une indemnité parlementaire, n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu, doit être intégrée à l'indemnité parlementaire et donc fiscalisée, selon Jérôme Guedj (PS). Quant au député UMP Gérald Darmanin, il rappelle que cet IRFM sert parfois à l'achat d'une permanence pour le parlementaire : "On n'a pas à se constituer un patrimoine avec l'argent public !", dénonce le député, qui demande la cession du local en fin du mandat dans le cas ou l'achat a été financé par ce biais.
Le député socialiste Razzy Hamadi revient quant à lui sur la transparence des "groupes d'amitié", au sein de l'Assemblée : il propose de "rendre obligatoire la déclaration de toute initiative d'un membre d'un groupe d'amitié. Enfin, il convient de faire la lumière sur la répartition des dotations entre les différents groupes".
L'enjeu de l'éthique et de l'exemplarité
Le contexte. "L'exemplarité des responsables publics sera totale", avait promis François Hollande le 3 avril dernier, en annonçant en urgence une série de mesures, au lendemain des aveux de Jérôme Cahuzac sur sa fraude fiscale. Au même moment, 77% des Français considéraient que leurs élus étaient "malhonnêtes", selon OpinionWay. Crise de confiance ?
Les préconisations. "Dans la période actuelle, si les politiques ne s'appliquent pas à eux-mêmes ce qu'ils demandent aux Français, ils n'ont aucune chance d'avoir la moindre crédibilité", écrit Laurent Wauquiez (UMP). Ainsi, il réclame la fin du système des retraites spécifique aux parlementaires, insufflant à sa requête une dimension partisane : "Je suis opposé au régime spécial des parlementaires comme je suis contre les régimes spéciaux d'EDF ou de la SNCF", assure-t-il, à l'aube des discussions sur les retraites.
Toujours dans un souci d'exemplarité, "il faut obliger tous les hauts fonctionnaires à remettre leur démission lorsqu'ils deviennent parlementaires", demande l'UMP Bruno Le Maire, lequel pointe "une incompatibilité" entre le rôle du haut fonctionnaire "garant de l'indépendance de l'Etat" et les "obligations partisanes" du rôle d'élu.
Enfin, François de Rugy, président du groupe écologiste à l'Assemblée, souhaite un contrôle accru des groupes d'influence. "Le statut des lobbys présents à l'Assemblée nationale n'est pas clair (...) Il faut limiter leurs possibilités de déplacement en son sein et rendre publique la liste des lobbyistes autorisés à y pénétrer, préconise-t-il, inquiet du "risque évident de conflit d'intérêts pour les députés".
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