Ce qu'il faut savoir du rapport sur Notre-Dame-des-Landes remis au gouvernement
Les médiateurs chargés de sortir de l'impasse le dossier de la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes remettent leur rapport à Edouard Philippe mercredi. Ils considèrent les deux options "raisonnablement envisageables".
Faut-il réaménager l'actuel aéroport de Nantes-Atlantique, au sud de l'agglomération nantaise, ou le déménager sur les terres agricoles et les bois autour de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), à une vingtaine de kilomètres plus au Nord ? Trois médiateurs ont remis, mercredi 13 décembre, un rapport au Premier ministre sur cette question qui a empoisonné le mandat de François Hollande et sur laquelle Emmanuel Macron doit rendre une "décision claire [...] avant fin janvier".
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Né au milieu des années 1960, le projet a été déclaré d'utilité publique en 2008. Indispensable au développement économique du Grand Ouest pour les "pro", il est considéré comme néfaste pour l'environnement et gaspilleur d'argent public par les "anti". Les deux camps en ont appelé au "courage" du président de la République pour mettre fin à ce feuilleton.
Voici ce qu'il faut savoir sur ce rapport, qui considère "raisonnablement envisageables" les deux options sur la table.
La conclusion de six mois de médiation
Le rapport d'une soixantaine de pages est le fruit d'une médiation lancée le 1er juin par Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat s'était engagé, pendant la campagne présidentielle, à prendre une décision sur ce sujet épineux six mois après son élection. "On prend toujours les meilleures décisions en acceptant le débat démocratique, mais instruit et informé de manière indépendante", avait déclaré Emmanuel Macron, qui estime que "le débat autour de Notre-Dame-des-Landes s'est polarisé autour d'une information insuffisante".
Les médiateurs Gérard Feldzer, ancien pilote de ligne et proche du ministre de la transition écologique Nicolas Hulot, Michel Badré, ingénieur membre du Conseil économique, social et environnemental, et la préfète Anne Boquet ont réalisé plus de 200 auditions, pendant six mois.
La création de cette mission de concertation a, d’entrée de jeu, irrité les porteurs du projet de construction du nouvel aéroport, comme la région des Pays de la Loire, le conseil départemental de Loire-Atlantique et la ville de Nantes, ou le Syndicat mixte aéroportuaire. Ils ont vivement critiqué la nomination de Michel Badré et Gérard Feldzer, qui étaient, selon eux, des opposants "notoires" au projet de transfert.
Les médiateurs ont cependant mis en place des approches nouvelles à la concertation dans le traitement de ce dossier, en ayant réuni à plusieurs reprises des experts des deux camps pour confronter leurs positions dans une même discussion, rappelle Le Monde.
Pas de réponse tranchée, mais une estimation des coûts financiers et écologiques
Les médiateurs ont fait savoir dès fin septembre à Nantes que leur rapport ne comporterait pas de prise de position pour ou contre la réalisation de l'aéroport, mais qu'il listerait les avantages et les inconvénients des différentes options avec des recommandations pour chacune. Les analyses "confirment l'absence de solution parfaite, chaque option apparaissant marquée par au moins un handicap significatif sur un critère particulier", l'environnement et l'étalement urbain pour le projet de Notre-Dame-des-Landes, les nuisances sonores "significatives" pour l'aménagement de Nantes-Atlantique, ont détaillé les médiateurs dans leur rapport.
Le rapport propose surtout une évaluation du coût financier des deux options, une variable-clé du débat. La mission de médiation estime à un montant compris "entre 415 et 545 millions d'euros" le coût du réaménagement de l'actuel aéroport pour qu'il puisse accueillir 9 millions de passagers d'ici 2040. C'est beaucoup moins que le chiffrage réalisé par la Direction générale de l'aviation civile en 2013 (825 millions d'euros), mais bien plus que celui avancé par ceux qui sont opposés au déménagement (175 millions d'euros) et qui misent plutôt sur le réamènagement.
Quant au projet de Notre-Dame-des-Landes, cofinancé par le concessionnaire privé Vinci, et par l'Etat et six collectivités territoriales, il coûterait 561 millions d'euros pour 4 millions de passagers ou 992 millions d'euros pour 9 millions de passagers, hors desserte. Cependant, reste toujours l'inconnue de l'indemnisation versée à Vinci en cas d'abandon de Notre-Dame-des-Landes. Elle est évaluée à 150 à 200 millions d'euros par les opposants au projet, mais n'a jamais été chiffrée par l'Etat et le concessionnaire.
Les médiateurs se sont aussi appuyés sur l'évaluation de l'impact climatique de la construction du nouvel aéroport. Celui-ci émettrait 12% de CO2 de plus que l'agrandissement de l'aéroport de Nantes-Atlantique, selon les documents consultés par franceinfo.
Une décision définitive de l'éxecutif promise "au plus tard en janvier"
Le président de la République rendra une décision d'ici fin janvier, a promis le Premier ministre Edouard Philippe après la remise du rapport. "Cette décision sera claire, sera assumée par le gouvernement et elle doit nous permettre de répondre aux besoins identifiés" et de "de garantir un retour à la normale notamment sur les questions d'ordre public". Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a assuré lors du compte-rendu du conseil des ministres qu'il y aurait une "solidarité gouvernementale absolue sur cette question" une fois la décision prise.
Durant la campagne présidentielle, le candidat Macron s'était montré plutôt favorable au nouvel aéroport, soutenu par quelque 55% des habitants de Loire-Atlantique lors du référendum local de juin 2016. Il avait annoncé qu'il prendrait sa décision avec "en tête que la concertation locale a donné un avis favorable. Donc il faudrait des éléments forts pour que nous y revenions".
Si l'aéroport se construit, des milliers de gendarmes devront être envoyés sur le terrain pour évacuer les 200 à 300 zadistes déterminés qui se préparent depuis des mois à un affrontement violent avec les forces de l'ordre, ainsi que possiblement des milliers de militants venus en renfort. Dans leur rapport, les médiateurs préconisent le "retour à l'état de droit" et l'évacuation de la ZAD, "quelle que soit l'option retenue" et "dès la décision gouvernementale".
Au carrefour de l'aménagement du territoire, du transport et de l'environnement, la décision du Président déchaînera forcément les passions. Reste à voir si le rapport des médiateurs permettra d'aiguiller l'éxecutif dans cette décision.
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