: Infographies Soutien des LR, double jeu du RN, abstention des socialistes… Comment les députés des oppositions votent sur les textes phares du gouvernement
Au Palais-Bourbon, les oppositions font et défont la loi. Les législatives de 2022 ont rebattu les cartes. Avec seulement 251 députés élus, le camp présidentiel (Renaissance et ses alliés Horizons et MoDem) ne dispose que d' une majorité relative. Loin des 289 sièges nécessaires pour gouverner seul, il fait face à des opposants qui totalisent, eux, 326 voix.
Pour faire voter ses projets de loi à l'Assemblée nationale, le gouvernement doit ainsi compter sur le soutien d'une partie des oppositions, ou se contenter de leur abstention. Un coup de billard à deux bandes que les groupes politiques ont appris à manier au cours de ce début de législature inédit.
Franceinfo a isolé les résultats des 14 scrutins dits "solennels", qui ont porté sur des projets de loi dans leur ensemble depuis le début de la législature (la liste se trouve à la fin de l'article). Cette catégorie de scrutins est réservée aux textes les plus importants du gouvernement. Organisés pour que tous les députés puissent participer, ces votes constituent un échantillon fiable pour comparer les positions des différents groupes, mais aussi entre plusieurs députés au sein d'une même entité.
Les députés LR, alliés de circonstance
Les Républicains arrivent en tête des groupes d'opposition qui soutiennent le plus les textes du gouvernement. Les députés de droite ont souvent négocié leur vote, comme en juillet 2022 lorsqu'un compromis sur les prix à la pompe avait été trouvé avec le ministre de l'Economie. Les LR se sont aussi majoritairement ralliés à la réforme de l'assurance-chômage du gouvernement, à l'automne dernier. Plus récemment, ils ont quasi unanimement voté, début juin, la loi de programmation militaire, ou encore le plan de relance du nucléaire en France, adopté le 16 mai en dernière lecture.
Mais les députés LR ne font pas preuve du même degré de soutien aux textes du gouvernement. Ainsi, le président du groupe Olivier Marleix a voté favorablement à 71% des scrutins. Le président du parti, Eric Ciotti, a pour sa part séché plus de la moitié de ces votes : il n'a donc approuvé la politique du gouvernement qu'à quatre reprises sur 14 (soit un peu moins de 30%) et ne s'y est opposé explicitement que dans 7% des cas. Dans la même situation, Aurélien Pradié, opposant farouche à la réforme des retraites, a voté "pour" un texte du gouvernement une seule fois lors d'un scrutin solennel, et a surtout choisi de ne pas prendre part au scrutin dans la plupart des cas (86%).
Les votes des députés du groupe Les Républicains sur les projets de loi du gouvernement
Source : Assemblée nationale
Un groupe Liot très conciliant malgré les apparences
A l'abri des micros et des caméras, les votes des députés révèlent également des alliances plus discrètes. Il en va ainsi des électrons libres du petit groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (Liot).
Ce regroupement hétéroclite de transfuges de droite, de gauche et d'élus ultramarins est devenu le fer de lance de l'opposition au gouvernement sur la réforme des retraites. Pourtant, dans l'ensemble, les députés de Liot sont ceux qui se sont le moins opposés à la politique du gouvernement. Certains ont des votes très favorables à la politique du gouvernement, comme l'ex-socialiste Jean-Louis Bricout (71% de votes pour). D'autres préfèrent s'abstenir, comme l'élu corse Michel Castellani (57% d'abstention).
Les votes des députés du groupe Liot sur les projets de loi du gouvernement
Source : Assemblée nationale
Le RN, une opposition à deux visages
Loin d'être cantonné dans une opposition stricte, le Rassemblement national a lui aussi soutenu le gouvernement à plusieurs reprises. Le groupe présidé par Marine Le Pen a voté le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur. Les députés RN se sont également ralliés à l'exécutif pour les mesures exceptionnelles en faveur du pouvoir d'achat, le plan de relance du nucléaire, ou encore la loi de programmation militaire.
En revanche, les députés RN ont participé, avec la gauche, à la mise en échec du projet de loi de programmation des finances publiques qui visait à ramener le déficit public sous la barre des 3% du produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2027. Ils se sont également opposés à la réforme du chômage.
Ce double jeu se vérifie dans les votes de la plupart des membres du groupe RN. Le député Jean-Philippe Tanguy totalise 57% de votes pour et 29% de votes contre. Marine Le Pen a quant à elle émis un vote favorable au cours de 43% des scrutins et elle a voté contre dans 21% des cas.
Les votes des députés du groupe Rassemblement national sur les projets de loi du gouvernement
Source : Assemblée nationale
A gauche, les oppositions à géométrie variable de la Nupes
A l'autre bout de l'échiquier, la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) est divisée. D'un côté, les "insoumis" et les écologistes votent systématiquement contre la politique du gouvernement. De l'autre, les socialistes se sont montrés plus enclins à s'abstenir, par exemple sur le texte sur l'organisation des Jeux olympiques, qui comporte un important volet sécuritaire.
Ainsi, alors que certains députés socialistes comme Christine Pires Beaune et Gérard Leseul ont été de fervents abstentionnistes (à 57%), d'autres, comme David Guiraud (LFI), ont voté contre le gouvernement à l'intégralité des scrutins. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a pour sa part voté autant en faveur des projets de loi "solennels" que contre (7% à chaque fois), choisissant la plupart du temps de pas prendre part au vote (71%).
Ces divergences se sont cristallisées au printemps, à l'occasion du vote du projet de loi sur la relance du nucléaire. Les "insoumis" et les écologistes ont voté contre, les socialistes se sont abstenus et les communistes ont voté pour.
Les votes des députés des groupes de la Nupes sur les projets de loi du gouvernement
Source : Assemblée nationale
Méthodologie
Seuls les votes des députés d'opposition, en exercice à l'occasion de l'ensemble des scrutins, ont été analysés. Ont donc été écartés les suffrages de sept parlementaires ou ex-parlementaires : Martine Froger (Liot), René Pilato (LFI), Bénédicte Taurine (LFI), Anne-Sophie Frigout (RN), Meyer Habib (LR), Bertrand Petit (SOC) et Karim Ben Cheikh (écologistes).
Liste des 14 scrutins solennels ayant porté sur un projet de loi dans son ensemble, à l'Assemblée nationale, depuis le début de la législature :
- - Projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (1re lecture), le 21 juillet 2022 ( résultats)
- - Projet de loi de finances rectificative pour 2022 (1re lecture), le 26 juillet 2022 ( résultats)
- - Projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (dernière lecture), le 3 août 2022 ( résultats)
- - Projet de loi de finances rectificative pour 2022 (dernière lecture), le 4 août 2022 ( résultats)
- - Projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché de travail en vue du plein-emploi (1re lecture), le 11 octobre 2022 ( résultats)
- - Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (1re lecture), le 25 octobre 2022 ( résultats)
- - Projet de loi de finances rectificative pour 2022 (1re lecture), le 8 novembre 2022 ( résultats)
- - Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (1re lecture), le 22 novembre 2022 ( résultats)
- - Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (dernière lecture), le 7 décembre 2022 ( résultats)
- - Projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (1re lecture), le 10 janvier 2023 ( résultats)
- - Projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires (1re lecture), le 21 mars 2023 ( résultats)
- - Projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 (1re lecture), le 28 mars 2023 ( résultats)
- - Projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires (dernière lecture), le 16 mai 2023 ( résultats)
- - Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (première lecture), le 7 juin 2023 ( résultats)
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