Pas de grand soir fiscal avec Francois Hollande
Le conseiller "personnel" de François Hollande, Dominique Villemot, a confirmé jeudi que les grands projets de réformes fiscales - fusion CSG-impôt sur le revenu, quotient familial, prélèvement à la source - allaient être édulcorés voire reporteés.
Dominique Villemot, avocat, ancien condisciple de François Hollande à l'ENA, souvent présenté comme la plume du candidat socialiste, a reconnu jeudi lors d'une réunion organisée par VigieEco, organe qui réunit des économistes de gauche pour apporter des éclairages économiques sur la campagne du candidat socialiste, que les projets de fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG et le prélèvement à la source étaient repoussés.
"Nous fusionnerons l'impôt sur le revenu et la CSG dans un impôt citoyen plus progressif et prélevé à la source", affirmait pourtant le projet socialiste. Cette ambition réformatrice perdait déjà de son urgence dans le projet présidentiel de François Hollande qui parlait tout de même de "grande réforme permettant la fusion à terme de l'impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d'un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail".
Aujourd'hui les ambitions fiscales du candidat socialiste vont se concentrer sur une hausse de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu qui passerait de 41 à 45%, un plafonnement plus important des niches fiscales (10 000 euros) et une taxation équivalente des revenus des capitaux et du travail, avec la suppression des prélèvements libératoires sur les revenus des capitaux. Une mesure qui devrait rapporter "quand même 4,5 milliards d'euros" par an, précise Dominique Villemot.
"Le projet est bouclé"
Hormis ceux qui seront touchés par les hausses d'impôts, une majorité de Français ne devraient donc pas voir de changements sur leur feuille d'impôts après l'arrivée de la gauche au pouvoir, ce qui n'aurait sans doute pas été le cas avec l'application de la réforme aujourd'hui reportée.
En effet, pour ce qui concerne « la grande réforme » sur la fusion CSG-Impôt sur le revenu, elle semble belle et bien remise à plus tard. "Le projet est bouclé", a reconnu Dominique Villemot, lors de cette réunion de VigieEco. Ce proche de François Hollande a mis en avant les difficultés techniques et les risques politiques d'une telle réforme pour justifier ce changement dans la politique fiscale. "Avec une réforme comme-ça, on peut assister à d'importants transferts que l'on ne mesure pas totalement et faire payer des gens qui ne le devraient pas", a-t-il expliqué.
Jérôme Cahuzac, le « monsieur budget » de la campagne de François Hollande avait déjà fait comprendre que la réforme battait de l'aile en affirmant que "si les conditions le permettent, si nous avons réussi à redresser le pays comme nous le pensons (...), alors comme l'indique le programme la fusion à terme interviendra"... Aujourd'hui on comprend que la réforme est reportée.
"Le débat ne fait que commencer"
Un changement qui désole l'économiste Thomas Piketty auteur de "" présent lui aussi à cette réunion et grand promoteur de cette idée de fusion CSG-Impot sur le revenu qui permettrait de cumuler, selon lui, l'avantage de la CSG (impôt à assiette très large, c'est à dire touchant tous les revenus) et celui de l'impôt sur le revenu (impôt progressif, à la différence de la CSG qui est aujourd'hui à taux unique).
"Je regrette que ce soit repoussé", affirme l'économiste qui estime cependant que le "débat ne fait que commencer". Pour lui, "le principe de réalité va s'imposer. La question de la Prime pour l'emploi va se poser, tout comme la question du financement de la protection sociale", a-t-il affirmé à Présidentielle 2012.
Thomas Piketty, qui déplore "un manque de capacité à trancher" estime qu'en raison de la crise, "on ne peut plus faire que des ajustements. Il y a un besoin de rupture".
"On s'est fait piéger"
L'exemple des couacs sur la réforme du quotient familial a peut être pesé sur les projets de réforme du candidat Hollande en matière fiscale. "Sarkozy a bien joué la dessus", a en effet reconnu M. Villemot qui affirme "on s'est fait piéger". Résultat la réforme du quotient familial est devenue une baisse du plafond, créé en 1981, de 2300 euros à 2000 euros.
Dominique Villemot a cependant estimé que c'est la première fois depuis 1986 que l'impôt sur le revenu va augmenter. Un symbole puisque depuis le début des révolutions libérales dans les années 80 jamais l'impôt sur le revenu (le seul impôt progressif) n'avait jamais cessé de baisser, même sous le gouvernement Jospin. Une « erreur » selon lui.
Avec le passage de l'impôt sur le revenu à 45 % (il était de 53 % en 2002), « les hauts revenus vont payer beaucoup. On va avoir un impôt qui sera vraiment progressif » se convainc Dominique Villemot, qui a du mal à cacher qu'il semble avoir perdu les arbitrages dans l'équipe présidentielle sur la question de la fusion fiscale.
"Le changement c'est maintenant », un slogan pas toujours facile à mettre en oeuvre.
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