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Au ministère de l'Éducation nationale, l'heure est aux cartons : "On pleure parce qu'on s'attache"

Bientôt le grand chambardement dans les ministères. Les conseillers font leurs cartons. Les ministres enchaînent les dernières réunions. Le calme avant la tempête de l'arrivée du nouveau locataire. Reportage au ministère de l'Éducation nationale.

Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La façade du minisère de l'Éducation nationale, rue de Grenelle, à Paris. (GOOGLE MAPS)

Comme c'est l'usage, mercredi 10 mai, le Premier ministre Bernard Cazeneuve a présenté la démission de son gouvernement. Le prochain gouvernement devrait être nommé en début de semaine prochaine. En attendant, dans les différents ministères, les équipes partantes font leurs cartons.

Au ministère de l'Éducation nationale, rue de Grenelle dans le 7e arrondissement de Paris, il règne une ambiance particulière. Ici, tout le monde assure que le travail se poursuit, continuité de l'État oblige. Il y a le baccalauréat et la rentrée à préparer. Mais, au fond, la machine tourne au ralenti en ce moment. Au service mobilier, Yann redoute ce calme avant la tempête des déménagements : "Il va y avoir les passations, l'installation du nouveau cabinet, des armoires, des bureaux. Il y a du boulot !" 

Jospin, Lang, Bayrou... elle a vu partir une trentaine de ministres

Un peu plus loin, on rencontre le pilier du ministère. Marie-Jeanne Vary est la secrétaire du cabinet. Elle a passé 47 ans dans les murs de la rue de Grenelle. "Je suis le dinosaure, ça c'est sûr, confie dans un sourire celle qui doit bientôt prendre sa retraite. C'est la maison ici pour moi". Présente dans son bureau de l'aube jusqu'au soir, elle a vu passer une trentaine de ministres dont la dernière, Najat Vallaud-Belkacem. Elle connaît bien ces périodes de transition, de flottement, "c'est particulier parce qu'il y a des conseillers qui partent et qui ont un job et puis il y en a d'autres qui partent et qui n'ont pas de job, cela nous fait toujours de la peine, gauche ou droite". Et puis, il y aura la passation de pouvoir et les larmes. 

Après, il y a le départ de la ministre. Alors, là tout le monde est dans la cour. Et on pleure en règle général parce qu'on s'attache.

Marie-Jeanne Vary, secrétaire du cabinet au ministère de l'Éducation nationale

à franceinfo

Hors micro, certains conseillers du cabinet assurent qu'ils vont regretter la vie intense du ministère. Ce qui n'étonne pas du tout "le dinosaure" de la rue de Grenelle : "C'est un ministère attachant, indique Marie-Jeanne Vary. Un ministère difficile parce que, dès qu'on touche à quelque chose, c'est le drame. C'est 'le Mammouth !", mais c'est "le personnel surtout" qui est attachant. "Tous s'accordent à dire que la plus belle maison, c'est la nôtre", assure la secrétaire du cabinet.

Marie-Jeanne Vary est la secrétaire du cabinet, au ministère de l'Éducation nationale, à Paris, en mai 2017. (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

Marie-Jeanne Vary, elle aussi, fait ses cartons. Elle y glissera son inséparable Bescherelle, son vieux taille-crayon et les photos des bébés des membres du cabinet qu'elle conserve avec soin. Mais avant de partir à la retraite, il va falloir démarrer avec le prochain ministre. "C'est du non-stop", se souvient-elle. 

Ça m'est déjà arrivé d'être là à 6h30 le matin et de partir à 23h. Au moment de l'installation du cabinet, tout nous tombe dessus. Ils veulent tous en même temps quelque chose.

Marie-Jeanne Vary, secrétaire du cabinet au ministère de l'Éducation nationale

à franceinfo

Quid du prochain ministre ? Bruissement de rumeurs sous les dorures du ministère. "Comme d'habitude, on entend plein de bruit. C'est une grande maison ici", rappelle Marie-Jeanne Vary qui assure qu'elle ne connaît pas le nom du futur locataire de la rue de Grenelle. Il y en a un qui aimerait être fixé rapidement, c'est Julien, l'intendant. Il est responsable des réceptions et repas du futur ministre. "Quand on saura qui c'est, on essayera évidemment de se renseigner, de savoir ses goûts en matière de vin, de nourriture. Il y a des réunions de travail qui se font assez rapidement, il faut être assez réactif", explique-t-il.

Le portrait de NVB bientôt accroché au mur

Le calme, on le disait, avant la tempête. Moment de torpeur tranquille, les parquets grincent nonchalamment. Par une porte entrouverte, on aperçoit les cartons du bureau de Najat Vallaud-Belkacem. La ministre, elle, n'est pas là. Elle enchaîne les rendez-vous. On la croise finalement dans la cour de l'Élysée, ce mercredi matin, pour son dernier conseil des ministres. Au micro de franceinfo, elle confie qu'elle ressentira beaucoup d'émotion en quittant la rue de Grenelle. Ce ministère, "c'est le système éducatif, ce qu'on y fait, l'abnégation des enseignants, les yeux brillants des élèves. Tout cela, c'est ce qu'il y a de mieux, de plus intéressant, de plus passionnant au monde", assure la ministre.

Quitter ce ministère, c'est forcément le cœur gros parce que ce n'est pas n'importe quel ministère, confie-t-elle à franceinfo. C'est vraiment le cœur du réacteur de la nation française.

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale

à franceinfo

Dans quelques jours, après son départ, sa photo sera accrochée aux côtés des dizaines de portraits de ses prédécesseurs depuis près de 200 ans au-dessus du grand escalier du ministère. Najat Vallaud-Belkacem ne la verra pas. "Compte tenu de l'émotion justement qu'on ressent à quitter un tel ministère, je ne pense pas revenir très prochainement à nouveau dans les murs du ministère, dit-elle. Je n'ai pas envie que, à chaque fois, ça provoque la même émotion donc je vais prendre un peu de distance. Je ne le verrai pas ce portrait. Ce que je sais c'est que ce sera le premier portrait féminin dans cette longue galerie. J'espère qu'il en aura d'autres !" Dans quelques jours, la grande famille de la rue de Grenelle s'agrandira.

Un carton dans un bureau du ministère de l'Éducation nationale, à Paris, en mai 2017. (SOLENNE LE HEN / RADIO FRANCE)

Dans les coulisses du ministère de l'Éducation nationale, à l'heure des cartons : le reportage de Solènne Le Hen

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