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Primaire populaire : un politologue prédit une "situation plus complexe qu'elle ne l'était au départ" après les résultats

Selon Rémi Lefebvre, politologue, professeur de sciences politiques à l'université de Lille 2 et chercheur au Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales, la démarche de la Primaire populaire est inédite et vient se heurter aux intérêts des appareils et des candidats engagés dans la campagne présidentielle.

Article rédigé par franceinfo
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Des militants vantent la primaire populaire sur la place de la République, à Paris, le 15 janvier 2022. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

"Il est fort probable que, dimanche soir, la situation soit plus complexe qu'elle ne l'était au départ" à gauche, analyse jeudi 27 janvier sur franceinfo Rémi Lefebvre, politologue, professeur de sciences politiques à l'université de Lille 2 et chercheur au Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales (Ceraps), à propos de la Primaire populaire.

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Le vote d'initiative populaire pour désigner un candidat commun à gauche, en vue de la présidentielle 2022, a ouvert jeudi matin sur la plateforme et doit livrer ses résultats dimanche. Selon le politologue, la primaire populaire "vient affaiblir collectivement la gauche" dans sa nécessité de se rassembler pour l'emporter, toutefois il reconnait que "c'est une démarche totalement inédite". "On n'a jamais vu des citoyens se lever contre les partis politiques", a poursuivi Rémi Lefebvre. 

franceinfo : Est-ce que cette primaire n'est pas devenue un piège pour la gauche ?

Rémi Lefebvre : C'est une épreuve de force qui a été engagée. On a d'un côté une initiative citoyenne, largement financée par des dons, portée par des gens très organisés, très efficaces et qui mobilisent les nouvelles technologies. De l'autre, on a un système partisan, extrêmement divisé et qui, comme les perspectives à gauche sont désespérantes, apparait illégitime. Cela vient renforcer la légitimité de la démarche de la Primaire populaire. Le problème, c'est que cette primaire arrive très, très tard et ne suscite pas le consensus. Dans un climat déjà marqué par une énorme confusion, cette primaire vient affaiblir collectivement la gauche puisque l'objectif, c'était le rassemblement et il est fort probable que dimanche soir, la situation soit plus complexe qu'elle ne l'était au départ.

Est-ce que la démarche des organisateurs de la primaire populaire est vraiment désintéressée ?

Ils ont des objectifs très clairs, ils essaient de tordre le bras aux partis. Est-ce qu'ils courent pour un candidat ? Les organisateurs viennent du monde de l'écologie. Ils ont apparemment une certaine proximité avec Christiane Taubira, beaucoup de militants de la Primaire populaire sont proches de Christiane Taubira, s'identifient à elle. Cela étant, je n'ai pas d'informations particulières sur des possibles intérêts économiques mais il y a un climat complotiste autour de cette Primaire populaire qu'il faudrait mettre à distance. On est dans une situation où la campagne a commencé. Ça s'échauffe sur les réseaux sociaux sur ces questions-là. Mais, c'est une démarche totalement inédite. On n'a jamais vu des citoyens se lever contre les partis politiques. Donc la Primaire populaire se heurte aux intérêts des appareils et des candidats qui sont engagés dans leur campagne.

Y a-t-il une peur de voir les partis traditionnels bousculés ?

On est dans une situation où les partis sont trop faibles pour ne pas être atteints par cette démarche et en même temps trop forts et trop enracinés pour y céder. On est dans une situation de tension très forte entre des partis avec de moins en moins de militants, qui sont professionnalisés, qui défendent des intérêts électoraux de court terme qui ne sont pas forcément les intérêts des électeurs. Et de l'autre côté, des citoyens qui essaient de s'organiser mais qui ne sont pas non plus très puissants. C'est une démarche un peu balbutiante et la question de la légitimité des gens qui vont voter à la primaire populaire se pose aussi. Qui sont-ils ? Quels droits ont-ils à définir un candidat ? Tout cela se pose d'un point de vue de la légitimité démocratique.

Que risque-t-il de se passer dimanche soir au moment des résultats ?

Il va y avoir un conflit de chiffres, un conflit de légitimité quantitative, mais il est clair que plus de 400 000 inscrits à la Primaire populaire, c'est beaucoup. C'est beaucoup plus que tous les adhérents des partis politiques de gauche et même de tous les partis de gauche réunis en France. Il y a eu une vraie dynamique citoyenne, il y a une vraie appétence, donc les partis politiques ne pourront pas considérer tout cela comme rien. Cela va être compliqué mais tout va dépendre des résultats, on aura peut-être des surprises. Les gens qui se sont inscrits sur la plateforme, ces derniers jours, ne sont-ils pas des électeurs des partis traditionnels qui, voyant que la Primaire populaire monte, veulent s'y inscrire ? La France insoumise désapprouve la démarche mais il est fort probable que beaucoup d'insoumis se sont inscrits sur la plateforme et vont voter pour Jean-Luc Mélenchon. Ce sera donc très intéressant de voir ce que vont donner les résultats.

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