Quelles sont les perspectives pour François bayrou et le MoDem ?
Vendredi 4 mai, la classe politique a commenté la décision de François Bayrou de voter à titre personnel pour François Hollande. Quelle est la stratégie du président du MoDem à court et long terme ? Analyse.
Historique. Tel serait le vote de François Bayrou en faveur de François Hollande. Le mot est peut-être un peu fort. C'est un événement de la campagne de 2012, mais pour quelques lignes dans les manuels, il faudra attendre encore un peu.
Débat sémantique
Car pour l'heure, il ne s'agit que d'un vote personnel, exprimé publiquement. Préfigurerait-il un renversement des alliances qui épouserait la trajectoire politique du candidat du MoDem et donc celle de l'histoire du centre en France ?
Jean Christophe Lagarde, député du Nouveau centre, conteste cette vision dans une interview à l'Express. "François Bayrou ne fait plus partie de notre histoire", déclare celui qui fut porte-parole de la campagne en 2007
"Je ne deviendrai pas un homme de gauche. Je suis un homme du centre et j'entends le rester", assure et rassure M. Bayrou dans sa déclaration.
Cette bataille politique sur la revendication de l'étiquette centriste se double d'un débat intellectuel sur la nature du centrisme et son histoire. Le centre est il indépendant ou se définit-il en fonction de ses alliances successives? Est-ce un corpus de valeurs (centre tout court) ou un positionnement politique opportuniste (centre gauche ou centre droit) ?
Aux historiens de trancher. Le journaliste politique dans une vision plus terre-à-terre se contentera d'essayer de comprendre la stratégie de M. Bayrou.
Impasse sur les législatives ?
Le Modem a actuellement trois députés sortants, plus l'ancien villepiniste Daniel Garrigue . Pour constituer un groupe parlementaire, et bénéficier du temps de parole ainsi que de facilités administratives, il faut avoir 15 élus.
Cela reste un objectif pour le parti de M. Bayrou, qui espère un rapprochement avec des invidualités "républicaines".
Les lieutenants du président du MoDem continuaient,hier soir, d'évoquer l'hypothèse de candidatures sous un label centriste commun. Or le Nouveau centre et le Parti radical avaient fait d'un soutien, même personnel, au candidat socialiste un motif d'impossibilité à la constitution d'une alliance centriste.
Le MoDem peut-il alors se tourner vers le parti socialiste ? Il est peu probable que le PS réserve des circonscriptions à des candidats de François Bayrou. Certains candidats avaient déjà mal accepté à l'automne dernier de laisser leur place à des candidats écologistes.
"Certains nous ont prévenus. Le PS ne nous fera pas de cadeaux. On verra", rétorquait Yann Wehrling hier. "Il ne s'agit pas de gouverner avec Bayrou" lui répond cet après-midi Manuel Valls, le député-maire d'Evry.
Au mieux, le MoDem peut espérer un désistement du PS dans le cas d'une triangulaire avec un candidat FN fort ou d'autres scénarios très locaux. Très aléatoire. M. Bayrou voit donc aussi au-delà du mois de juin.
Le recours
L'ancien candidat du MoDem l' a répété souvent en fin de campagne. Il est persuadé que la crise est à venir et que M. Hollande ne pourra pas appliquer son programme économique. Il espère donc être un recours dans six mois ou plus tard dans l' esprit d'unite nationale qu'il a appelé de ses voeux hier soir.
C'est alors que pourront se nouer des alliances électorales. Les élections intermédiaires, avant 2017, sont locales : municipales et régionales (si M. Hollande est élu et revient sur la réforme territoriale ndlr).
Leur mode de scrutin proportionnel et le panachage de listes au second tour permettent les alliances. Et ce n'est peut-être pas un hasard, si les élus MoDem de Marseille ou de Lille, donc des élus municipaux, ont appelé à voter pour M. Hollande.
Si les résultats des législatives financent les partis, les élections locales leur permettent de se constituer un maillage territorial. Les postes de conseillers municipaux ou régionaux récompensent l'engagement des militants au quotidien.
Même si François Hollande ne saisit pas la main tendue de M. Bayrou, ce dernier peut espérer qu'elle facilite l'acceptation d'un rapport de force électoral et qu'à défaut d'une majorité de gouvernement, trop visible, puissent s'amplifier des majorités locales qui existent déjà.
En tout cas, le président du MoDem offre une alternative pour les socialistes et Europe Ecologie à l'alliance avec le Front de gauche.
L'avenir du MoDem
M. Bayrou s'est peut-être sacrifié pour son parti. Autant en 2007, il était évident qu'il serait en candidat en 2012, autant aujourd'hui, personne ne peut dire s'il aura envie d'être candidat pour une quatrième fois à l'élection présidentielle.
Robert Rochefort, un des porte-parole de la campagne, le confiait aux journalistes dès avant le premier tour. "Peu importe le résultat du 22 avril, le MoDem devra évoluer", déclarait-il, sous-entendant que son parti ne devait pas se contenter d'être une écurie présidentielle.
Hier, M. Bayrou a écrit sa déclaration seul dans son bureau, mais après avoir écouté toute la journée les représentants de son parti.
Auparavant, on résumait le MoDem au seul duo Bayrou/deSarnez. Au cours de la campagne, cette image plus ou moins excessive, a volé en éclat. Des figures, qui étaient déjà présentes, se sont affirmées auprès de l'opinion publique.
Il ne faut pas oublier que les élections législatives de 2017, quelque soit le candidat élu, auront lieu avec une dose de proportionnelle. Un parti ne sera pas forcément tenu de présenter absolument un candidat à la présidentielle pour exister, ni de nouer des alliances pour avoir des élus à l'Assemblée.
Hier, François Bayrou s'est effacé devant le MoDem. C'est peut-être là le moment "historique" de la décision d'hier.
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