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Et si Manuel Valls n'était pas si libéral que ça ?

Le nouveau locataire de Matignon, dépeint comme un "ultralibéral" au PS, devra rester dans les clous fixés par François Hollande.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Premier ministre, Manuel Valls, le 1er avril 2014, après la passation de pouvoirs avec Jean-Marc Ayrault, à Matignon, à Paris. (VILLARD / WITT / SIPA)

Fermeté et pragmatisme : en près de deux ans au ministère de l'Intérieur, Manuel Valls a imposé une ligne politique parfois en rupture avec les positions traditionnelles de la gauche. Bombardé à Matignon, le nouveau Premier ministre doit désormais tracer l'orientation économique du pays.

Au PS, Manuel Valls apparaît comme le fer de lance d'un social-libéralisme décomplexé, qui occupe le flanc droit du parti. Mais durant ces deux années, le locataire de la place Beauvau s'est très peu exprimé sur ces questions. Ses nouvelles fonctions le contraindront vraisemblablement à une approche plus consensuelle.

Une seule ligne, dictée par François Hollande

La feuille de route de Manuel Valls à Matignon ? "La mise en œuvre des orientations fixées par le président de la République", répond invariablement l'entourage de l'ex-ministre de l'Intérieur. Autrement dit, le Premier ministre n'a pas été nommé pour expérimenter une politique économique, mais pour mener à bien les chantiers rappelés par François Hollande lors de son allocution de lundi soir.

La tâche s'annonce ardue. Non seulement Manuel Valls va devoir poursuivre la mise en place du pacte de responsabilité (des allègements de cotisations pour les entreprises), mais aussi échafauder un "pacte de solidarité" (des allègements de cotisations pour les salariés et des baisses d'impôt) pour répondre à la débâcle des municipales. Avec, comme seul moyen d'y parvenir, des économies drastiques d'au moins 50 milliards d'euros, sous peine de voir les comptes publics déraper encore.

Reste à savoir si Manuel Valls, qui n'a jamais caché ses ambitions, jouera la carte de la loyauté jusqu'au bout. Ou bien si, petit à petit, il se mettra à jouer sa propre partition, à la manière d'un Nicolas Sarkozy lors du second mandat de Jacques Chirac.

Un penchant libéral en sourdine (pour l'instant)

Pour coller au plus près de la ligne édictée par François Hollande, Manuel Valls va devoir, au moins dans un premier temps, rassurer la gauche quant à ses intentions. Car sa doctrine économique, développée notamment lors de la primaire socialiste de 2011, a de quoi en hérisser plus d'un à Solférino.

En 2011, avant de recueillir 5,63% des voix des sympathisants PS dans la course à la désignation pour l'Elysée, Manuel Valls prônait "une véritable règle d'or" budgétaire, à un moment où les socialistes étaient fermement opposés à cette proposition de Nicolas Sarkozy. Le futur ministre se disait par ailleurs favorable à la TVA sociale, pendant que ses camarades vilipendaient ce projet voté par la droite. Quant aux 35 heures, vestige de la mandature de Lionel Jospin (1997-2002), il estimait devoir les "déverrouiller".

Ces propositions sont-elles toujours d'actualité ? "La primaire est loin derrière nous. François Hollande l'a remportée et Manuel Valls adhère totalement à la ligne du président de la République", assure son ami Francis Chouat, qui lui a succédé à la mairie d'Evry.

Dans le souci de ménager sa majorité, Manuel Valls n'a aucun intérêt à remettre ces propositions sur le tapis, d'autant que certaines d'entre elles ont déjà été en partie appliquées par le gouvernement Ayrault. La règle d'or a été votée lors de l'adoption du traité budgétaire européen et la TVA sociale est revenue par la fenêtre avec le crédit d'impôt pour les entreprises (financé par un relèvement de la TVA). Les 35 heures n'ont pas été remises en cause, mais les partenaires sociaux ont conclu un accord pour assouplir le marché du travail.

En revanche, Manuel Valls "imprimera certainement sa 'Valls touch' dans la manière de mettre en œuvre le pacte de responsabilité", prédit Francis Chouat. Pour le député Christophe Caresche, issu du courant réformiste du PS, la plus-value de Manuel Valls sera sa capacité à "montrer le chemin" et à "porter politiquement" l'orientation choisie par l'exécutif.

Une inflexion sur la gauche ?

Et si Manuel Valls n'était pas l'ultralibéral que ses opposants dépeignent ? Ses proches rappellent qu'en 2005, il s'était prononcé pour le "non" lors du référendum interne sur la Constitution européenne. Avant de se plier, par loyauté, déjà, au "oui" défendu par François Hollande, alors premier secrétaire du PS.

Lors d'une de ses récentes (et rares) prises de position sur la question du protectionnisme économique, Manuel Valls ne s'est pas inscrit en faux contre les thèses de son collègue Arnaud Montebourg. Un protectionnisme économique ? "Je donnerais un autre mot : nous avons besoin d'un patriotisme économique et industriel national. Le 'made in France' défendu par Arnaud Montebourg est un élément très important, qui était au cœur de la campagne de François Hollande et qui est au cœur du pacte de responsabilité pour la compétitivité", affirmait-il en février dans "Des paroles et des actes", sur France 2.

Mardi matin sur France Inter, Arnaud Montebourg n'a d'ailleurs pas manqué de marquer un soutien appuyé au nouveau Premier ministre. "Il y a un point que nous partageons, c'est d'être 'eurocritiques' et certainement pas 'eurobéats'", a-t-il en outre souligné.

"Avec Benoît Hamon ou Arnaud Montebourg, ils sont partis de positions assez différentes, mais ils font à peu près le même constat, observe Christophe Caresche. A savoir que pour sortir de la crise, la France doit régler son problème de compétitivité et reconquérir son système productif."

En mai, la bataille des élections européennes donnera une occasion à Manuel Valls de clarifier sa vision de la manière dont la France et l'Europe peuvent retrouver le chemin de la prospérité économique. "Il jouera un rôle dans la campagne", promet Francis Chouat. En véritable chef de la majorité.

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