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Manuel Valls est-il un clone de Nicolas Sarkozy ?

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, lors d'une conférence de presse à Cannes (Alpes-Maritimes), le 6 août 2013. (JEAN CHRISTOPHE MAGNENET / AFP)

Immigration, justice... Le ministre de l'Intérieur bouscule son propre camp par sa méthode. Comme un certain Nicolas Sarkozy en son temps.

La trajectoire de Manuel Valls ravive certains souvenirs sur la scène politique française. Le ministre de l'Intérieur n'aime pas la comparaison, pourtant, difficile d'ignorer les similitudes entre son parcours et celui de Nicolas Sarkozy. Place Beauvau, il s'est rapidement imposé comme le ministre incontournable du gouvernement Ayrault, comme Sarkozy l'avait fait en son temps au sein du gouvernement Raffarin.

Lors du séminaire de rentrée du gouvernement lundi 19 août, Manuel Valls a irrité quelques-uns de ses collègues par ses propos sur l'immigration et sur l'islam, selon le quotidien Libération. Souvent qualifié de "Sarko de gauche", l'ancien maire d'Evry (Essonne) tente d'adapter quelques ingrédients qui ont fait le succès de l'ancien président de la République.

Une politique migratoire de fermeté

Sur l'immigration, Manuel Valls souhaite afficher sa fermeté. Lors du séminaire gouvernemental, il a remis en cause le regroupement familial, provoquant la consternation de certains de ses collègues. Le ministre a également envoyé, en mars dernier, une circulaire aux préfets concernant l'immigration illégale. Parmi les mesures figurent la lutte contre les filières clandestines, le fichage systématique des étrangers interpellés ou l'éloignement des "déboutés" du droit d'asile, relève Le Monde, qui évoque des "positions très strictes".

Tout en s'inscrivant dans une certaine continuité avec le mandat de Nicolas Sarkozy, Manuel Valls a donné des signes d'assouplissement avec la suppression de la "circulaire Guéant" sur les étudiants étrangers, ou la fin du "délit de solidarité". Pourtant, pour Rue89, qui dresse un bilan comparatif avec la politique migratoire de Claude Guéant (le dernier ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy), "Manuel Valls marche droit dans les traces de Claude Guéant sur le nombre d’expulsions, de régularisations et de naturalisations".

Les choix du ministre de l'Intérieur agacent la gauche. Interrogé dans le JDDJean-Luc Mélenchon sonne la charge : c'est "un dur et violent qui chasse sur les terres de Mme Le Pen". Lors de la campagne présidentielle, c'était Nicolas Sarkozy qui était accusé par François Hollande de draguer les électeurs du Front national.

Une priorité donnée à la sécurité

"C'est sûr que parfois, on a l'impression que Manuel Valls, il veut refaire du Sarkozy." La phrase de François de Rugy montre que Manuel Valls peut agacer au sein même de sa majorité. Le co-président du groupe écologiste à l'Assemblée rappelle que la majorité se montrait critique sur la méthode Sarkozy en matière de sécurité, avant d'ajouter : "Aujourd'hui, c'est un peu étonnant si l'on donne l'impression de vouloir faire du copier-coller."


Le député vert commentait la polémique née de la lettre de Manuel Valls envoyée à Jean-Marc Ayrault, que Le Monde s'est procurée, et dans laquelle le ministre de l'Intérieur exprimait de profonds désaccords avec la réforme pénale de la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Le ministre de l'Intérieur réclame notamment de nouvelles prisons, alors que la réforme de Christiane Taubira cherche à éviter le tout carcéral.

"Il faut en conclure qu'il veut poursuivre la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy", estime Françoise Martres, présidente du Syndicat de la magistrature (classé à gauche), interrogée par RTL. La magistrate dénonce "une politique sécuritaire qui consiste à dire 'y'a que la prison comme solution, construisons de nouvelles prisons'" de la part de Manuel Valls. Dans son programme de campagne en 2012, Nicolas Sarkozy proposait la construction de 30 000 places de prison d'ici 2017, comme le note un blog dédié à la campagne présidentielle hébergé par Les Echos.

Une hyperactivité médiatique

Manuel Valls, comme Nicolas Sarkozy avant lui, se déplace beaucoup. Le ministre se rend souvent sur place dès qu'un fait divers se produit sur le territoire, comme le montre Le Huffington Post. Ancien pensionnaire de la place Beauvau, Daniel Vaillant refuse d'associer l'activisme de Manuel Valls à celui de Nicolas Sarkozy, dans une interview au journal Sud Ouest. Se rendre sur place en tant que ministre de l'Intérieur est normal pour Daniel Vaillant, qui ajoute que lui-même s'est autant déplacé que Nicolas Sarkozy : "Seulement moi, je ne partais pas avec des caméras." 

A gauche, Manuel Valls marque un taureau lors d'une visite en Camargue, le 13 juillet 2013. A droite, Nicolas Sarkozy visite un ranch aux Saintes-Maries-de-la-Mer, le 20 avril 2007, à deux jours du premier tour de l'élection présidentielle. (SIPA)

Manuel Valls aime les médias, autant que l'ancien président de la République. Les deux n'hésitent pas à se mettre en scène, comme le montrent ces photos en Camargue. Manuel Valls ne manque pas non plus de souligner habilement une hyperactivité devant les caméras, comme lors de la rentrée du gouvernement le 19 août. L'Express raconte que le ministre, interrogé sur son état d'esprit en ce jour de rentrée, a répondu : "J'ai l'impression qu'il n'y a pas eu de sortie." Effectivement, Manuel Valls a continué à se rendre sur le terrain en compagnie des médias pendant les vacances du gouvernement, ainsi que le confirme son agenda.

Dans le jeu des portraits comparés, Paris Match relève, en confrontant des prestations télévisées, que Manuel Valls utilise "avec moins de passion l'arme de l'émotion" quand il s'agit d'évoquer un fait divers.

Un plan de carrière

Le vice-président du FN, Florian Philippot, a vu dans le conflit Valls-Taubira le "déroulement d'un plan de carrière de Manuel Valls". Sur BFMTV, le responsable frontiste estime que le ministre de l'Intérieur cherche à marginaliser François Hollande pour être candidat en 2017 : "Il applique la stratégie de Nicolas Sarkozy quand il était ministre."

Même analyse pour Le Nouvel Observateur, qui démontre comment Manuel Valls cherche à se démarquer de l'Elysée, comme Nicolas Sarkozy à l'époque. Dans son interview à Sud Ouest, Daniel Vaillant conseille cependant à Manuel Valls "de ne pas penser à autre chose" qu'au ministère de l'Intérieur.

Enfin, difficile pour Manuel Valls de ne pas se laisser griser par ses bons sondages. Un des derniers en date, réalisé par l'Ifop pour le JDD le 28 juillet dernier, révèle que 47% des Français pensent que Manuel Valls ferait un jour un "bon Premier ministre". Ils sont également une majorité à le trouver dynamique (72%), courageux (68%) et doté d'autorité (64%). Une cote de popularité, rappelle TF1 News, à laquelle l'ancien ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy avait également goûté en son temps.

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