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Sergio Coronado, le porte-parole franco-chilien de la candidate franco-norvégienne, Eva Joly

Sa silhouette apparaît de plus en plus souvent dans le sillage de la candidate écologiste à la présidentielle, Eva Joly. Logique, Sergio Coronado n'est autre que son directeur de communication, un militant de la première heure au parcours atypique.
Article rédigé par Catherine Rougerie
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Sergio Coronado participe à la présentation de l'équipe de campagne d'Eva Joly, le 1er décembre 2011. (AFP - Jacques Demarthon)

Sa silhouette apparaît de plus en plus souvent dans le sillage de la candidate écologiste à la présidentielle, Eva Joly. Logique, Sergio Coronado n'est autre que son directeur de communication, un militant de la première heure au parcours atypique.

Né en 1970 à Osorno, dans le sud du Chili, aux portes de la Patagonie, Sergio Coronado a grandi en Argentine jusqu'à l'âge de 12 ans avant de s'installer en France avec ses parents.

Loin, bien loin des terres norvégiennes d'où est originaire Eva Joly. Mais qu'importe la distance. Bien des points rapprochent la candidate d'Europe écologie-Les Verts (EELV) à la présidentielle de 2012, de son directeur de communication : le besoin d'engagement, le sens de l'éthique, la fibre écologiste et l'internationalisme.

La culture de l'exil

De ses "années d'enfance", Sergio Coronado garde un souvenir contrasté.

Empreint d'allégresse d'abord, quand il évoque San Carlos de Bariloche (Argentine) où sa famille s'était réfugiée après le coup d'état militaire du général Pinochet en 1973, une "ville d'immigration au cœur même d'une nature exceptionnelle" et de tendresse quand il songe à ses parents "extrêmement aimants, très protecteurs, attentifs, drôles" et son jeune frère, Ricardo, "personne la plus importante".

Mais beaucoup plus tragique aussi, comme cette fois où, parti avec son père au lycée, il se rappelle "avoir traversé une ville occupée, des combats, des bruits de tirs" et plus tard, après que celui-ci l'ait confié à une dame, le voir revenir un peu sombre : "Il avait dû identifier des cadavres d'élèves après des combats au lycée; ça marque", raconte ce fils de réfugiés politiques, 40 ans plus tard.

Issus de la grande mouvance des chrétiens pour le socialisme, ses parents n'ont jamais abdiqué face à la dictature : alphabétisation dans les quartiers, éducation populaire, organisation de soupes populaires. Inacceptables pour le régime en place. Son père, professeur d'espagnol, est démis de ses fonctions. La famille doit s'expatrier à deux reprises.

"On s'est rapidement habitué à la culture de l'exil, cette idée que demain ça peut toujours être mieux", explique celui qui milite aujourd'hui pour "changer de modèle".

L'engagement en héritage

"Tétanisé à l'idée de ne pas apprendre" et voyant son jeune frère Ricardo progresser, le petit Sergio apprend la français en 5 à 6 mois à Aix-en-Provence. "Je me suis accroché à ce que je faisais de mieux : lire, écrire".

Puis retour à Bondy (banlieue parisienne) près de ses parents, hébergés un temps en foyer, études secondaires et classes préparatoires littéraires au lycée Montaigne, à Paris, grâce à une amie qui habitait le 14e arrondissement.

En parallèle, il s'engage dans le syndicat lycéen FIDL puis son pendant étudiant l'UNEF-ID, fréquente SOS Racisme, flirte avec le Parti socialiste et fait la connaissance de François Delapierre (aujourd'hui directeur de la campagne de Jean-Luc Mélenchon), Malek Boutih (membre du bureau national du PS) et Jean-Luc Bennahmias (eurodéputé du MoDem).

"Moi je suis un vrai démocrate. J'aime bien débattre et apprendre des autres. Je pense qu'il n'y a rien de pire que les endroits où on ne peut pas débattre", explique ce mordu de politique avant d'ajouter "pour moi penser, c'est un peu penser contre soi-même. On a tellement d'idées préconçues, de réflexes".

Ecologiste dans l'âme et cœur à gauche

1986 reste gravé dans sa mémoire, date de la catastrophe de Tchernobyl (accident dans une centrale ukrainienne) "un vrai cataclysme", raconte celui qui ne trouvait "d'explications que dans le discours des écologistes".

Il n'adhère pas pour autant au parti des Verts. "Certains écolos avaient refusé de lever l'immunité parlementaire de Le Pen, moi ça, je ne pouvais pas".

Deuxième choc, la guerre du Kosovo au début des années 1990 : "un moment de grande solitude et de grande déception vis-à-vis de la gauche française. Mitterrand a mis longtemps avant d'aller à Sarajevo", se souvient ce partisan d'une intervention.

Depuis, Sergio Coronado a tranché en faveur de l'écologie politique, une "nouveauté qui me permet de comprendre le monde, une volonté, une exigence, une ambition de transformation".

Mais il reste attaché à "une gauche au sens historique : un souffle, des résistances, des indignations" et milite pour un rassemblement de la gauche "un rassemblement qui ne veut pas dire soumission".

L'évidence du multiculturalisme

Devenu français par naturalisation en 1994, et aussi à l'aise des deux côtés de l'Atlantique - "Quand j'arrive à Bogota, j'ai l'impression d'être chez moi, mais culturellement, je me sens très français", Sergio Coronado a vécu deux ans en Colombie après avoir décroché une bourse de recherche de l'ICETEX (institut colombien) en 2009.

A son retour, il y a quelques mois, il raconte pourtant avoir été effrayé. "Je n'aurais jamais pensé qu'en France, on aurait un débat sur l'identité française. Pour moi, c'est un truc monstrueux".

Etonné aussi face au "repli laïcard de la gauche française, passée à côté de l'intégration, de la promotion, de la diversité, laissant en plan une partie des quartiers, de l'électorat populaire et ne comprenant toujours pas l'écologie".

Agacé enfin, par "le côté franchouillard, très hexagonal de la politique française".

D'où son rôle auprès d'Eva Joly. "Elle m'a choisi autant que je l'ai choisi", dit-il, "une femme d'expérience, internationaliste, cosmopolite, polyglotte", l'antithèse de ce qui lui fait peur dans la période : "un vent mauvais qui souffle dans toute l'Europe et la France, qui stigmatise l'étranger et s'attaque aux binationaux".

"Une campagne, c'est une aventure"

Pour la présidentielle de 2012, son objectif est de "faire franchir un cap à l'écologie politique".

"Un très bon score" est possible assure-t-il "si on arrive à mettre en mots ce qu'elle [Eva Joly] incarne, son histoire sa dimension. "Une campagne, c'est une aventure, ce n'est pas un miracle", souligne-t-il encore, lui qui avait conseillé le candidat Noël Mamère en 2001.

Ils se voient donc régulièrement et discutent des thèmes de la campagne : République exemplaire, exigence de transparence et d'égalité, sortie du nucléaire, révolution énergétique, prospérité plutôt qu'austérité face à la crise.

Lucide, il reconnaît que l'accord PS-EELV de novembre "n'a fait rêver personne", mais affirme qu'il leur "permet de gagner en poids politique, en indépendance, en rapport de force" s'ils parviennent à constituer un groupe parlementaire.

Le palais Bourbon, il y songe fortement justement, à l'instar de Jean-Vincent Placé, élu sénateur de l'Essonne en septembre dernier.

Candidat des Français de l'étranger dans la 2e circonscription (Amérique du sud et les Caraïbes), Sergio Coronado aimerait "changer un peu de vie" et "franchir un cap" en devenant parlementaire, "une forme d'aboutissement".

Et sinon, où se verrait-il dans un an ? "En Patagonie, en train de marcher".

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