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Six choses à savoir sur Ugo Gil Jimenez, alias Papacito, youtubeur et "influenceur" d'extrême droite

Article rédigé par franceinfo
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Capture d'écran de la vidéo dans laquelle Papacito tire sur un mannequin censé représenter un militant de La France insoumise, postée sur YouTube le 6 juin 2021. (YOUTUBE)

Le vidéaste de 35 ans a posté une vidéo, dimanche, dans laquelle il met en scène le meurtre fictif d'un électeur de La France insoumise, représenté par un mannequin, sous couvert de dérision. Jean-Luc Mélenchon va porter plainte contre lui. 

Il n'avait pas encore eu maille à partir avec la justice, mais Ugo Gil Jimenez, alias Papacito, pourrait bientôt faire l'objet d'une enquête du parquet de Paris. Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a annoncé lundi 7 juin qu'il allait porter plainte contre le youtubeur après la diffusion d'une vidéo, dimanche, dans laquelle il met en scène le meurtre fictif d'un militant LFI. Ce vidéaste et dessinateur de 35 ans, nationaliste et "influenceur" de l'extrême droite, n'en est pas à son coup d'essai. Voici six choses à savoir sur lui.

Un petit-fils d'immigrés espagnols, originaire de Toulouse   

Sur sa fiche Babelio, il est indiqué qu'Ugo Gil Jimenez est né à Toulouse le 14 janvier 1986. La Dépêche du Midi précise qu'il a notamment grandi à Plaisance-du-Touch, commune limitrophe de la Ville rose, où il a suivi la majeure partie de sa scolarité. Dans une interview au magazine ultraconservateur Valeurs actuelles, en juillet 2018, le trentenaire qualifie la région du Sud-Ouest et le rugby de "rencontre de la poésie et de la violence". Plus récemment, il confie dans un entretien filmé pour le média russe Sputnik venir de la "classe moyenne", issue de "grands-parents immigrés espagnols".

Dans son livre Les Grands Remplacés (éditions Arkhe), consacré aux nostalgiques de "la virilité perdue de l’homme post-moderne" et à "ceux qui haïssent les hommes-soja, leur mode de vie de 'tantouzes' et qui redoutent une immigration de masse", le journaliste de Marianne Paul Conge revient sur le retournement politique de Papacito. La figure d'extrême droite aurait en effet "collé des affiches pour le PCF à Toulouse, puis pour le Front de gauche à Arcueil" (Val-de-Marne), avant de changer de bord.

Un étudiant en sociologie déçu par "la faculté, creuset de la gauche"

Dans son interview à Valeurs actuellesUgo Gil Jimenez rapporte avoir "fait des études de sociologie, avec l’espoir de trouver un débouché, comme on nous l’avait fait croire à l’école". Et d'ajouter : "La faculté, qui est le creuset de la gauche, m’a beaucoup agacé. Cela a suscité chez moi un rejet tellement puissant de la société que je me suis dit : 'Soit j'écris, soit je tue des gens.' Ma morale chrétienne m'a poussé vers la première option (Rires)."

Celui qui va devenir Papacito enchaîne d'abord plusieurs petits boulots. "Agent de sécurité, gardien, ouvrier de chantier, videur de bar..." liste Paul Conge dans son livre. Il s'essaie au métier d'acteur en 2016 dans un film d'action autoproduit de Sylvain Bouilleau, La Justice des gros flingues, en hommage aux années 1980. "Ugo, mon comédien, qui, dans la vraie vie est agent de sécurité et boxeur, n’en mène pas large. Il se rassure en imitant Bob de Niro et on se lance", raconte alors le réalisateur à Rue 89.

Scénariste de BD et auteur pour la sulfureuse maison d'édition Ring

Dès 2012, Ugo Gil Jimenez crée le blog FDP de la mode (Fils de pute de la mode). Six ans plus tard, en février 2018, son contenu fait l'objet d'un premier tome de bande dessinée en coréalisation avec le dessinateur controversé Marsault et publié par les éditions Ring. Il sera suivi d'un tome 2, L'Ultime croisade, en 2019. "Papacito + Marsault, c'est l'alliance de deux des plus gros méchants du net, qui mettent en commun leur absence de finesse et leur taux anormalement élevé de testostérone pour produire la bande dessinée la plus intolérante de la décennie", présente ironiquement sur son site cette petite maison d'édition parisienne, réputée notamment pour éditer des figures classées à l'extrême droite.

Ring a publié trois livres de Papacito entre 2018 et 2020, Carnets de guerre, Crépuscule des Titans et Expédition punitive. Le deuxième retrace "l'histoire véritable du Moyen Age", période adulée par cet adepte du virilisme et de la royauté, "avec des évènements historiques d'une violence à faire passer les vidéos de l'Etat islamique pour un épisode de Camping Paradis". Il y dépeint "cette France totale qui sent l'ail et le fromage de chèvre, qui saigne du nez et qui transpire abondamment", loin du "métrosexuel moderne" adepte du "soja gluten-free".

Comme le rappelle Libération, Ugo Gil Jimenez, Marsault et Laurent Obertone, "l'auteur préféré des anti-immigration", ont finalement quitté Ring, qui a annoncé sa mise en vente début mai. 

 Un vidéaste allié à des figures de l'extrême droite 

Avant qu'il ne quitte Ring, Papacito a participé à plusieurs longs entretiens "chocs" diffusés sur la chaîne vidéo de la maison d'édition sur YouTube. Utilisant parfois une rhétorique raciste, il y "liste" par exemple les "Noirs", selon qu'ils vivent à Paris ou "dans la brousse", signale LCI. Il a aussi lancé en mai 2018 sa propre chaîne Youtube, qui compte plus de 100 000 abonnés et 2 millions de vues. Comme le souligne BFMTV, il s'est allié sur la plateforme à une autre figure de l’extrême droite baptisée Le Raptor, Ismaïl Ouslimani de son vrai nom, qui cumule 700 000 abonnés et près de 40 millions de vues. 

Les deux youtubeurs ont créé en 2018 le hashtag #MonteUneEquipe, afin de regrouper des nationalistes partout en France et lutter contre "le déclin de l'Occident", explique le site Street Press dans une enquête publié en 2020 sur ce mouvement rebaptisé par la suite Vengeance patriote. Dépassées, les deux "stars de la fachosphère" "quittent l’aventure" assez rapidement.

Papacito, dont le compte Twitter est suspendu en janvier, continue ses vidéos sur YouTube. Dans la dernière en date, il s'affiche aux côtés d'un autre youtubeur d’extrême droite, spécialisé dans le maniement des armes, Code Reinho. Vêtus chacun d'un treillis militaire, ils ironisent sur le manque de préparation d'un militant de La France insoumise, représenté par un mannequin en plastique et équipé d'un sac à dos rempli de boulghour, d'abricots secs, de lait de soja et de revues sur le yoga, face à une "attaque terroriste". Pour illustrer leur propos, les deux hommes lui tirent dans la tête. "Se prononcer en faveur de la GPA, PMA" lui sera désormais impossible, plaisante Papacito, avant de préciser : "Alors bien sûr, le but de cette vidéo n'est pas de vous engager à produire de la violence, elle est purement expérimentale."

Un discours qui prône la violence et le recours aux armes 

Dans cette vidéo, supprimée de YouTube mais repostée sur d'autres comptes, Papacito prodigue au passage des conseils pour se procurer des armes et des munitions en toute légalité. En mode expert, son collègue Reinho, ancien militaire, détaille modèles de fusils de chasse, de cartouches et autres armes à poudre noire. Un vrai guide à destination de deux qui "voudraient se défendre contre des sangliers", ironisent les deux hommes, dans une allusion à peine voilée aux ennemis d'une guerre de civilisation à venir, selon eux, dans le pays. 

Les armes, c'est "l'assurance d'être entendu quand vous avez quelque chose à dire", "de vous faire respecter dans les moments où on remettra en doute vos convictions", observe Papacito. Comme le relève LCI, il prône les méthodes du major Gérald, un coach de la Légion étrangère devenu youtubeur pendant le confinement. "Niveau pédagogie, c'est ce qu'il nous faudrait à l'Education nationale. Il [le major Gérald] met des énormes coups de lattes en insultant les mecs. Ce qui, jusqu'à preuve du contraire, est le truc qui fonctionne le mieux au monde", estime Papacito.

Un adepte d'Eric Zemmour qui cible les jeunes 

Banni de Twitter, Papacito s'est recréé un autre compte sur le réseau social et sur Instagram, Papacito 1er, où il est suivi par près de 65 000 abonnés. Il y poste notamment une photo d'un badge représentant l'Afro-Américain George Floyd, tué par un policier blanc, avec ce commentaire : "Je crois que j'ai trouvé un item à 30 000 points pour 'le mur'", sous-entendu une cible pour un jeu de fléchettes. Sur ses différents comptes, il fait par ailleurs la promotion de la marque Terre de France, qui fabrique des produits made in France, comme des bougeoirs médiévaux et des drapeaux français.

Selon le chercheur Romain Fargier, doctorant et chercheur au Cepel (Centre d'études politiques et sociales de Montpellier), interrogé sur France Inter mardi, Papacito vise les jeunes, et son audience est effectivement composée de personnes de moins de 34 ans : "Lui et ses pairs ont un terme, 'dématrixer', détourner les gens de leur idéologie traditionnelle, ouvrir les yeux aux gauchistes et les faire basculer dans leur camp. Il y a eu un certain mépris de la part des politiques à l'égard de ces youtubeurs. Mais, si Papacito ne s'est pas prononcé pour Marine Le Pen, il a affirmé qu'il n'hésiterait pas à voter Eric Zemmour s'il se présentait aux présidentielles."

Ce dernier lui a d'ailleurs apporté son soutien sur CNews, qualifiant sa vidéo de "'gaguesque'. On a connu cet état d'esprit, ce deuxième et troisième degré, mais à l’époque c’était la gauche qui le portait, c'était le fameux esprit Canal !" lance le polémiste. Papacito, également fervent soutien du professeur Didier Raoult, expliquait justement à Valeurs actuelles vouloir "faire un contre Canal+ culturel" : "Qui soit aussi fun, mais porteur d'idées patriotes et plus réactionnaires."

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