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Affaire Morano : "Retirer le mot race de notre législation permettra une éducation populaire"

Après les propos de Nadine Morano sur la "race blanche", le député PCF André Chassaigne milite pour la suppression du mot "race" du droit français.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le député Front de gauche André Chassaigne s'adresse à la presse, le 18 février 2015, à l'Assemblée nationale, à Paris. (BERTRAND GUAY / AFP)

Et si les récentes déclarations de Nadine Morano sur la "race blanche" étaient l'occasion d'un coup de balai dans le droit français ? Les parlementaires de la gauche de la gauche ont demandé au gouvernement, mercredi 30 septembre, d'inscrire à l'ordre du jour du Sénat une proposition de loi supprimant le mot "race" de la législation.

Le texte, déjà adopté à l'Assemblée nationale en mai 2013, avait été déposé notamment par le président du groupe Gauche démocrate et républicaine, André Chassaigne. Francetv info revient sur cette démarche avec l'élu communiste du Puy-de-Dôme.

Francetv info : Pourquoi avoir déposé, en 2012, ce texte visant à supprimer le terme de "race" de notre corpus juridique ?

André Chassaigne : Ce n'était pas une première, le sujet avait déjà été mis à l'ordre du jour en 2003, mais le texte avait été rejeté par la majorité [UMP] de l'époque. Il s'agissait pour nous de rappeler que l'utilisation du mot "races", au pluriel, est une ineptie complète. Il n'y a pas plusieurs races humaines (blanche, noire...), mais une seule race humaine.

En 1996, 600 scientifiques avaient répondu à Jean-Marie Le Pen sur le sujet de "l'inégalité des races""Les gènes n'ont pas de race", disait alors le généticien André Langaney. Son collègue Albert Jacquard a depuis écrit qu'il était "impossible de classer les différentes populations humaines en races".  Dès lors, on ne peut pas conserver dans nos textes un mot qui n'a aucune justification.

Que recherchez-vous précisément par cette démarche ?

Nous voulons éviter l'instrumentalisation du mot "race". Celle-ci a eu cours au XIXe siècle, au moment du colonialisme, pour justifier la supériorité d'une race sur une autre. L'actualité nous montre que l'instrumentalisation continue : si on dit que la population française est de "race blanche" dans son histoire et dans ses gènes, par opposition à d'autres "races", c'est inacceptable.

Nous avons besoin de faire de la pédagogie, de nous adresser aux consciences. Le fait de retirer le mot "race" de notre législation permettra, grâce à un débat, de donner des explications sur le sujet. Cela ne mettra pas fin au racisme mais permettra une éducation populaire. Trop de gens croient encore qu'il existe plusieurs races et qu'elles sont différentes. 

Quel a été le parcours de votre proposition de loi à l'Assemblée ?

Le texte a été voté à l'unanimité [le texte a été voté à main levée, avec quelques votes contre de l'UMP, selon Reuters], avec un avis favorable du gouvernement représenté par la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Il était accompagné d'un rapport du député Alfred Marie-Jeanne, qui avait listé 59 articles contenant le mot "race" dans neuf codes et treize lois, dont la dernière remontait à 2008.

La proposition de loi est ensuite partie au Sénat, avec un quasi engagement du gouvernement de l'inscrire à l'ordre du jour. Les sénateurs communistes attendent toujours que le gouvernement le fasse.

Etes-vous confiant quant à une adoption prochaine de la proposition de loi au Sénat ?

Je suis assez optimiste. On espère qu'une décision sera prise lors de la prochaine conférence des présidents de groupe au Sénat, le 7 octobre. Le ministre des Finances, Michel Sapin, s'y est dit favorable, ce matin. Cela serait un geste fort pour remettre les choses en place et souligner l'usage fallacieux du mot "race".

Vous militez aussi pour une suppression du terme "race" de la Constitution elle-même, comme s'y était engagé François Hollande en 2012. Y croyez-vous ?

Oui, car ce n'est pas un texte clivant. Je vois mal un groupe parlementaire dire qu'il existe plusieurs races humaines. Recueillir une majorité des trois cinquièmes au Parlement ne devrait pas être un problème. Le seul obstacle pourrait être juridique, sur la forme, mais je n'y crois pas.

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