A La Rochelle, les Jeunes socialistes entrent "en résistance" contre Valls
Historiquement plus à gauche que son grand frère, le mouvement des jeunes socialistes digère mal l'éviction d'Arnaud Montebourg et Benoît Hamon.
Dans le train qui les emmène à La Rochelle (Charente-Maritime) pour l'université d'été du PS, une militante des Jeunes socialistes (MJS) tente vendredi 29 août de calmer ses camarades. "Vous n'avez pas pris vos brassards 'Front de libération de l'intérieur' ? Même Pierre Laurent - le patron du Parti communiste -, il est moins trash que vous avec le nouveau gouvernement", ironise la jeune femme.
Son compagnon de voyage, Brian Mooroogen, 20 ans, préfère en rigoler. La veille, dans un communiqué, l'animateur de la fédération des Hauts-de-Seine du MJS a annoncé que le MJS 92 entrait "en résistance" face au nouveau gouvernement. "Stupéfaction", "coup de poignard", "décision antidémocratique".... Les mots sont durs, mais assumés. Même si peu d'entre eux le disent en ces termes, ce communiqué illustre le malaise d'une grande partie des militants MJS rencontrés à La Rochelle.
Sur la forme, "il y a un problème démocratique"
C'est la violence du remaniement qui a d'abord choqué les Jeunes socialistes, historiquement proches de l'un des ministres congédiés, Benoît Hamon. "C'est la première fois dans un gouvernement de gauche qu'on musèle le débat comme ça", s'agace Manon Comte, 23 ans, responsable de la fédération du Val d'Oise.
"On ne peut pas soutenir un gouvernement qui refuse le débat", martèle Brian Mooroogen, "pour qui la Ve République arrive à bout de souffle". Hostiles à la constitution, les jeunes du MJS voient dans cette crise une nouvelle illustration de ses déboires. "Il y a un problème démocratique, avec trop de place pour l'exécutif et pas assez pour le Parlement", regrette Leila Frat, de la fédération du Nord.
Sur le fond, "ce n'est pas la couleur annoncée en 2012"
Les militants MJS ont le sentiment que François Hollande ne mène pas la politique pour laquelle il a été élu. "Ce n'est pas la couleur annoncée en 2012. Quand Marine Le Pen parle d'UMPS, elle est crédibilisée par la politique économique de François Hollande", déplore Brian Mooroogen.
Le faible score de Manuel Valls (6%) et le discours du Bourget, où le candidat Hollande avait fait du "monde de la finance" son adversaire, reviennent régulièrement dans la bouche de ces jeunes militants. "Le Bourget, c'est le discours qui a donné le ton, rappelle Manon Comte. Ensuite, il y avait des marqueurs forts, comme la taxe à 75%. On voudrait retrouver ces marqueurs une fois au pouvoir".
Plus mesurée que sa base, Laura Slimani, présidente du mouvement, se dit tout de même convaincue "que l'équilibre sur lequel se base le gouvernement n'est pas celui de la gauche". Elle déplore le "signal contradictoire", lancé en pleine université d'été, avec l'abandon de l'encadrement des loyers en dehors de Paris. "On en arrive à reculer sur une de nos victoires", regrette-t-elle.
Emmanuel Macron, "la ligne rouge"
L'un des nouveaux ministres, Emmanuel Macron, fait l'unanimité contre lui dans les rangs des jeunes socialistes. Son parcours de banquier d'affaires ne passe pas chez ces militants qui organisent à cette université d'été un atelier "l'adversaire, c'est toujours le monde de la finance". "Macron, c'est un affront, balance Manon Comte. Il a nommé l'un des plus grands financiers de la terre à l'économie".
Son interview, accordée au Point avant sa nomination, où il suggère d'assouplir les 35 heures n'a pas arrangé les choses. "Si Arnaud Montebourg a franchi la ligne jaune à Frangy, Emmanuel Macron a franchi la ligne rouge", peste Thomas Boudier-Pothier, 23 ans, de la fédération du Nord.
L'impression d'être "retombés dans l'opposition"
Conscients du malaise de leurs jeunes troupes, les hiérarques du PS tentent de calmer le jeu à La Rochelle. Alors qu'il n'était pas prévu au programme, le ministre de l'Agriculture et porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a fait une apparition dans la salle où le MJS organise des ateliers, pour discuter notamment avec Laura Slimani.
"Je comprends qu'il y ait des questionnements, a-t-il expliqué à francetv info, avant de renvoyer le MJS à la dure réalité de la situation. "On est en responsabilité devant les Français, on a une obligation de réussir, a-t-il martelé, estimant que "la ligne n'a pas changé depuis 2012". Emmanuel Macron ?"Il faut arrêter les procès d'intention. Sous prétexte qu'il a réussi ses études et bossé dans une banque, il ne pourrait pas être de gauche ?", feint-il de s'interroger. L'appel à la résistance ? "Il faut rester solidaire", lance-t-il.
Le Premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, s'est lui prêté au jeu des questions-réponses avec la salle. Un drôle de jeux où les questions - sur l'encadrement des loyers - ont été beaucoup plus applaudies que les réponses - "c'est une idée généreuse mais difficile techniquement à mettre en oeuvre". "Il a botté en touche", regrette un militant, dépité.
En off, un membre du MJS croisé quelques heures plus tard à la réunion du courant de Benoît Hamon prend encore moins de gants avec le gouvernement et le parti :"nos militants ont l'impression d'être retombés dans l'opposition".
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