Manuel Valls a-t-il toujours la cote chez les socialistes ?
A La Rochelle, les déclarations du ministre de l'Intérieur sur la réforme pénale et l'immigration sont diversement appréciées par les militants. Reportage.
L'an dernier, l'université d'été de La Rochelle (Charente-Maritime) s'était achevée sur une standing ovation pour Manuel Valls, dont le discours de fermeté avait fait mouche auprès des militants socialistes. Cette année, le ministre de l'Intérieur est à nouveau l'objet de toutes les discussions du grand raout socialiste, dont le coup d'envoi a été donné vendredi 23 août.
Car cet été, pendant que ses collègues étaient en vacances, le chouchou des sondages a fait feu de tout bois, multipliant les déplacements. Mais surtout, il a clivé son propre camp : d'abord en émettant de vives critiques sur la réforme pénale – qu'il juge trop laxiste – préparée par la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Puis en évoquant une possible remise en cause du regroupement familial pour faire face aux flux d'immigration.
Jeudi, l'activisme du ministre s'est aussi traduit dans les colonnes de Libération à travers la publication d'une tribune signée par sa garde rapprochée et intitulée "La gauche affranchie". Un nom qui sonne comme celui d'une nouvelle chapelle au Parti socialiste.
Manuel Valls "chasse sur les terres du FN"
A La Rochelle, la posture de Manuel Valls est diversement appréciée. Ses prises de position, jugées droitières, consternent l'aile gauche du parti, pour qui le ministre "chasse sur les terres du Front national". Avec le risque de légitimer le discours du parti d'extrême droite. Au sein de l'aile majoritaire du PS, en revanche, les détracteurs du plus populaire des ministres préfèrent rester anonymes. Certains ne se privent toutefois pas pour critiquer son omniprésence médiatique et une tactique personnelle qui fait de l'ombre au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.
Chez les militants interrogés par francetv info, Manuel Valls ne fait pas non plus l'unanimité. "Une partie de la gauche a la tentation de se montrer 'réaliste', mais cela part d'un mauvais diagnostic. Pour parler de sécurité et d'immigration, il faut garder des lunettes de gauche. Et Taubira a de meilleures lunettes !" tranche Sophie, militante PS à La Rochelle. "Sa proposition sur le regroupement familial est non seulement très éloignée de notre socle idéologique, mais c'est aussi un non-sens pratique, car cela ne représente qu'une toute petite partie de l'immigration", souligne un autre.
"Il a le courage de poser le débat"
D'autres sont plus prudents à l'endroit de celui qui, un jour peut-être, deviendra l'un des chefs de l'exécutif. "Dans le fond, c'est un peu normal que chaque ministre imprime sa façon de voir. On ne peut pas reprocher aux jeunes du gouvernement de vouloir avoir un avenir !" estime Jean-Louis. "Ce sont des sujets qui méritent qu'on en débatte, embraye Serge, un autre militant. C'est peut-être un peu brut de décoffrage, mais il ne faut pas occulter le débat. La gauche a longtemps occulté les questions de sécurité. Elle aussi peut s'en emparer. La droite n'en a pas le monopole."
Sur la même ligne, Vincent pense qu'il faut "rompre avec l'image de la gauche angélique, se placer au même niveau de vision que les Français et s'attaquer aux problèmes. Parfois ce sont des fantasmes, mais parfois ce sont de vrais problèmes". Pour lui, Valls "a au moins le courage de poser le débat". Quant à la forme, "il faut parfois oser bousculer son propre camp".
Si tel était le but du ministre de l'Intérieur, le pari est réussi. Et ce n'est pas fini, puisque Manuel Valls sera, samedi, la tête d'affiche d'un débat intitulé "Faire gagner la démocratie contre l'extrême droite". Parmi ses contradicteurs figurera notamment Emmanuel Maurel, le leader de l'aile gauche du parti. Le débat promet d'être animé. Et l'auditoire divisé.
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