Valls et les "islamo-gauchistes" Autain et Ramadan : la polémique en quatre actes
En déplacement en Israël, le Premier ministre a accusé l'élue de Sevran et l'intellectuel musulman suisse d'incarner une dérive communautariste de la gauche.
"Quand on aspire à être Français, c'est qu'on aspire à partager des valeurs", a déclaré Manuel Valls, dimanche 22 mai, lors d'une interview à la radio juive Radio J. Le Premier ministre a réagi à la demande de nationalité française de l'islamologue suisse Tariq Ramadan, qu'il accuse d'incarner un "islamo-gauchisme". Il a accusé par la même occasion l'élue de Sevran (Seine-Saint-Denis) Clémentine Autain de faire partie de ce même "courant".
Acte 1 : Tariq Ramadan demande la nationalité française
Le 4 février, l'islamologue suisse annonce sur son compte Facebook qu'il compte obtenir la nationalité française. "Je pense qu'il est bon de donner un exemple concret et positif d'adhésion aux valeurs de la République. Suisse toujours, et Français bientôt, je n'en poursuivrai que mieux mon engagement pour le vivre-ensemble", détaille-t-il.
En plein débat sur la déchéance de nationalité, l'universitaire d'origine égyptienne, marié à une Française convertie à l'islam, aspire à devenir binational franco-suisse, détaille L'Obs. Deux mois auparavant, dans un entretien à Slate, l'intellectuel controversé pour son discours sur l'islam et sa proximité avec les Frères musulmans avait pourtant assuré qu'il ne voulait pas prendre la nationalité française. "Je n’ai jamais voulu prendre la nationalité française pour qu’il soit clair que je ne voulais jouer aucun rôle de représentant des musulmans."
Acte 2 : Jean-Marie Le Guen dénonce son "islamo-gauchisme" dans un ouvrage
En avril, dans son livre La gauche qui vient, Jean-Marie Le Guen accuse Tariq Ramadan de céder au "différentialisme culturel" plutôt qu'à "l'union républicaine". Le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement épingle aussi la gauche de la gauche et accuse Clémentine Autain, conseillère municipale de la ville de Sevran (Seine-Saint-Denis) et Tariq Ramadan d'incarner "l'islamo-gauchisme".
Ce séparatisme est porté par une part de la gauche de la gauche, qu'on pourrait être tenté de qualifier - de manière polémique - d''islamo-gauchisme'
"En ne voyant les personnes d'origine arabo-musulmane que comme des victimes et des opprimées, cette gauche, bien incarnée par Clémentine Autain, est prête à céder totalement au différentialisme culturel", écrit-il.
Immédiatement, Clémentine Autain, porte-parole de l'association Ensemble, réagit sur son compte Facebook et dans une tribune du Monde. Elle dénonce une charge "aussi violente que délirante, indigne" et conseille au ministre de "balayer devant sa porte" . Elle se défend d'avoir jamais voulu remplacer "les règles républicaines par des normes religieuses".
Acte 3 : Valls renchérit dans une interview à Radio J
Lors d'une interview à Radio J diffusée dimanche 22 mai, avant son départ pour Israël et les territoires palestiniens, le Premier ministre Manuel Valls annonce qu'il n'y a "aucune raison pour que Tariq Ramadan obtienne la nationalité française" car il délivre un message "contradictoire" avec les valeurs de la France. Reprenant l'expression de Jean-Marie Le Guen, le Premier ministre qualifie l'intellectuel "d'islamo-gauchiste" et accuse Clémentine Autain d'avoir cosigné une tribune avec lui.
Il y a toujours ces capitulations, ces ambiguïtés avec les Indigènes de la République, les discussions avec Madame Clémentine Autain et Tariq Ramadan, ambiguïtés entretenues qui forment le terreau de la violence et de la radicalisation.
Dans un tweet publié dimanche matin, Clémentine Autain dénonce une "attaque personnelle et mensongère" de la part du Premier ministre. Elle annonce qu'elle portera plainte contre Manuel Valls, s'il ne lui présente pas ses "excuses" pour les "propos mensongers" tenus à son encontre.
Encore attaque personnelle et mensongėre contre moi... Valls perd son sang froid. Sans excuses, je porterai plainte https://t.co/Ra6aOT507O
— Clémentine Autain (@Clem_Autain) 22 mai 2016
"Je n'ai jamais rencontré personnellement Tariq Ramadan, ni partagé de tribune avec lui. Ces accusations ineptes visent à dire que moi-même, et à travers moi ma famille politique, nous serions le terreau du terrorisme", a-t-elle dénoncé. "Il est le Premier ministre et doit donc garantir le débat démocratique" au lieu de l'"évacuer, par les mensonges et les insultes".
De son côté, Tariq Ramadan a ironisé et interpellé directement le Premier ministre sur Twitter, en lui demandant la Légion d'honneur, qu'il vend "en Rafales" (sic), en référence aux avions de chasse vendus par la France à l'Arabie saoudite, et à la remise controversée de la Légion d'honneur au prince héritier d'Arabie saoudite en mars.
Dites Monsieur Manuel Valls, si je ne demande que la légion d'honneur, vous me la donneriez? Cet "honneur" que vous vendez en Rafales. Deal?
— Tariq Ramadan (@TariqRamadan) 22 mai 2016
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