: Vrai ou faux Présidentielle : on a vérifié dix affirmations de Yannick Jadot dans "Elysée 2022"
Au cours de l'émission politique de France 2, jeudi soir, le candidat écologiste à la présidentielle a fait quelques déclarations qui ont mérité des vérifications.
Nucléaire, agriculture, industrie, mais aussi cannabis... Pendant plus de deux heures, le candidat d'Europe Ecologie-Les Verts à l'élection présidentielle, Yannick Jadot, a défendu ses propositions et ses positions face aux journalistes de France Télévisions dans l'émission "Elysée 2022", jeudi 18 février. Franceinfo a vérifié dix déclarations du prétendant à l'investiture suprême.
>> Les sept séquences à retenir du passage de Yannick Jadot dans "Elysée 2022"
1La pollution de l'air fait "entre 48 000 et 100 000 morts par an" en France : vrai
"On a, selon les institutions de santé, entre 48 000 et 100 000 morts par an dans notre pays liés à la pollution de l'air."
Yannick Jadotdans "Elysée 2022"
Plusieurs études sur les conséquences de la pollution de l'air en France aboutissent à des chiffres compris dans la fourchette citée par Yannick Jadot. Ainsi, en avril 2021, Santé publique France a calculé que 40 000 décès par an étaient attribuables à l'exposition aux particules fines, malgré l'amélioration de la qualité de l'air. En 2016, la même institution, se basant sur la période 2007-2008, avait estimé à 48 000 le nombre de décès prématurés pour les mêmes raisons.
Les nouvelles estimations de Santé publique France sont bien en deçà d'autres recherches internationales. Par exemple, une étude publiée en février dans Environnemental Research, relayée par Le Monde, estimait que la pollution aux particules fines provoquée par la combustion des énergies fossiles était responsable d'un décès sur cinq dans le monde, soit plus de 8 millions de morts en 2018, dont près de 100 000 en France. Ces écarts sont liés à des différences méthodologiques et à des données plus précises sur la France, explique Santé publique France.
2Le montant moyen de l'aide attribuée par MaPrimeRénov' est de 3 000 euros : vrai
"Vous savez quel est le soutien moyen de MaPrimeRénov' ? 3 000 euros."
Yannick Jadotdans "Elysée 2022"
En 2021, en France, 764 732 dossiers ont été déposés pour recevoir une aide en vue de travaux de rénovation énergétique, et 644 073 primes ont été accordées, avec 2,06 milliards d'aides distribués, selon l'Agence nationale de l'habitat, qui gère le dispositif. Soit, en moyenne, 3 198 euros accordés par dossier.
3La France a "l'une des plus grandes productivités au monde" : à nuancer
"Nous sommes aujourd'hui dans une société où, y compris vous le savez en France, on a l'une des plus grandes productivités au travail au monde."
Yannick Jadotdans "Elysée 2022"
Les travailleurs travaillent peu, mais ils sont efficaces ! C'est un argument souvent utilisé à gauche pour justifier la réduction du temps de travail. Or, si la France est effectivement un bon élève de la productivité, elle n'est pas sur le podium. En 2019 (pour prendre la dernière année non influencée par les conséquences de l'épidémie de Covid-19), la France s'est hissée à la 11e place des pays de l'OCDE affichant la plus forte part de richesse produite au niveau national (le Produit intérieur brut) par heure travaillée, derrière l'Irlande, le Luxembourg, la Norvège ou les Etats-Unis par exemple, mais juste devant l'Allemagne. La France maintient sa 11e place si l'on prend en compte l'ensemble des pays (même si les données ne sont pas disponibles pour l'ensemble des Etats).
Mais ce classement est en partie faussé, note Libération. Les bons élèves le sont en partie grâce "à la domiciliation de multinationales (...) pour des raisons fiscales" dans leur pays. Et "l'estimation du nombre d'heures réellement travaillées dans chaque pays est incertaine, faussant d'autant le palmarès", ajoute le quotidien. Ce bon résultat est aussi à relativiser car à jeu quasi-égal avec l'Allemagne, la France a un taux d'emploi inférieur de dix points à son voisin. Or, "si, avec un taux de chômage à 8%, on est aussi productif que l'Allemagne avec un taux de chômage de 3%, c'est parce que nous laissons au bord de la route des gens qui sont moins productifs que la moyenne", note Gilbert Cette, économiste à la Banque de France.
4La France compte "30 000 médecins migrants" et "40 000 infirmières migrantes" : vrai
"On a 30 000 médecins migrants à l'hôpital et si on ne les avait pas, franchement, on serait encore plus dans le bazar (...). Qu'est-ce que vous faites des 40 000 infirmières migrantes qui nous permettent de soigner les Français ?"
Yannick Jadotdans "Elysée 2022"
Selon les dernières données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France compte 31 227 médecins migrants nés à l'étranger, soit 15,7% du total. La France compte également 40 329 infirmiers migrants nés à l'étranger, soit 6,6% du total.
5100 000 fermes ont disparu en France ces dix dernières années : vrai
"On a 100 000 fermes qui ont disparu les dix dernières années. Trente fermes disparaissent par jour, essentiellement des élevages."
Yannick Jadotdans "Elysée 2022"
En dix ans, 100 000 exploitations agricoles ont bien disparu en France, selon le recensement agricole décennal, publié en décembre 2021. Cela représente en moyenne un peu plus de 28 fermes qui disparaissent chaque jour. Les productions qui ont été les plus touchées par ces transformations sont les élevages ovins, de bovins, de porcs, de volailles, la production de lait et la viticulture.
6La France compte encore six millions de chômeurs : plutôt vrai
"On a encore six millions de chômeurs."
Yannick Jadotdans "Elysée 2022"
C'est exact. En France (y compris les départements-régions d'outre-mer, hors Mayotte), le nombre de demandeurs d'emploi s'élève à 5,6 millions au quatrième trimestre 2021 pour les catégories A, B et C, relève le ministère du Travail. C'est un tout petit peu moins qu'au deuxième trimestre 2017, à l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée (5,8 millions). Ce nombre tient compte de toutes les personnes sans activité ou qui ne travaillent pas à temps plein et qui sont tenues de chercher activement un emploi, en excluant les catégories D et E, qui sont en emploi ou qui ne sont pas immédiatement disponibles, et qui ne sont pas tenues de rechercher activement un emploi.
7Les énergies renouvelables créent "trois fois plus d'emplois que le nucléaire" : difficile à dire
"Les énergies renouvelables, ça crée trois fois plus d'emplois que le nucléaire."
Yannick Jadotdans "Elysée 2022"
En 2018 en France, les énergies renouvelables faisaient travailler un peu plus de 68 000 équivalents temps plein, selon les données du ministère de la Transition écologique. Soit beaucoup moins que les 220 000 emplois recensés pour la filière nucléaire en 2014, selon le Comité stratégique de la filière nucléaire. Un déséquilibre qui s'explique car leurs productions ne sont pas comparables : la part du nucléaire dans le mix énergétique français est de 64%, rappelle RTE, le gestionnaire du Réseau de transport d'électricité.
Mais à production égale, les énergies renouvelables représentent effectivement trois fois plus d'emplois que le nucléaire dans certains pays, selon des études, sans que l'on sache si ces données sont transposables à la France. Selon un rapport de l'OCDE (document PDF), qui reprend une étude parue en 2010 aux Etats-Unis (en anglais), il faut 14 emplois dans le nucléaire pour produire 100 gigawattheures (GWh) supplémentaires d'électricité par an, contre 87 dans le solaire photovoltaïque – soit un ratio de un à six. En revanche, avec l'éolien, la différence est nettement moins importante (14 contre 17). Mais cette étude est datée et, depuis, les coûts du renouvelable, et avec eux la main-d'œuvre nécessaire, ont baissé.
Dans un rapport (document PDF) rendu au gouvernement en 2019, Laurence Parisot avertissait : "Il est important de distinguer les phases de construction des phases d'exploitation et de maintenance pour calculer l'apport en main-d'œuvre des différentes énergies". Selon une étude britannique (en anglais), les trois quarts des emplois créés par le déploiement des technologies renouvelables sont néanmoins durables à long terme. Mais les chercheurs avertissent que ces projections ne sont pas applicables à tous les autres pays.
Côté français, il n'existe pas vraiment d'études fiables sur cette question. Un avis de la Société française de l'énergie nucléaire (Sfen), le lobby du secteur, en décembre 2021, donne lui aussi l'avantage au renouvelable en cas de mix énergétique partagé à parts égales en 2050, mais dans des proportions bien moindres (120 000 emplois directs pour le nucléaire, et 138 000 pour le renouvelable). Tout en prévenant que cette note se base sur "des extrapolations qui restent à confronter au réel". L'Agence de la transition écologique (Ademe) estime, de son côté, que la transition vers le renouvelable – qu'elle est chargée de promouvoir – est positive pour l'emploi, sans répondre directement à la question du nombre d'emplois créés par 1 GWh de nucléaire et un 1 GWh de renouvelable. Impossible, donc, de trancher avec certitude en l'état.
8La France est passée "à quelques secondes ou à deux doigts de l'accident nucléaire majeur dans notre pays" : difficile à dire
"Vous savez que plusieurs fois, on a été à quelques secondes ou à deux doigts de l'accident nucléaire majeur dans notre pays."
Yannick Jadotdans "Elysée 2022"
S'il n'y a jamais eu d'accident majeur en France, il y a bien eu plusieurs événements sérieux. Deux d'entre eux ont été classés comme "des accidents de niveau 4 n'entraînant pas de risque important à l'extérieur du site" sur l'échelle Ines – International nuclear event scale –, qui va de 0 à 7.
Ces deux accidents, qui sont jusqu'à aujourd'hui les plus graves jamais recensés en France, sont survenus le 17 octobre 1969 et le 13 mars 1980, rappelle l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ils ont touché la même centrale, celle de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher), située entre Blois et Orléans. L'inondation de la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) en décembre 1999 a également fait craindre un accident majeur en France, les pompes de secours ayant été noyées. Mais l'intervention des agents de la centrale a permis de limiter les dégâts de cet incident, finalement classé de niveau 2 sur l'échelle de l'Ines.
9La France a perdu 100 000 emplois dans l'automobile en dix ans : plutôt vrai
"La crise de 2020-2021 devrait porter les suppressions de postes depuis 2008 à environ 100 000", avançait en avril 2021 une étude de l'Observatoire de la métallurgie (document PDF), qui regroupe l'Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) et les syndicats de salariés.
Et ce n'est pas une première. L'industrie automobile française employait environ 225 000 personnes en 2011, contre 320 000 salariés dix ans auparavant, selon les données du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA). Et l'avenir pourrait être tout aussi sombre : Luc Chatel, le président de la Plateforme automobile, une fédération d'entreprises du secteur, a dit craindre, en octobre, la perte de 100 000 nouveaux emplois d'ici 2030 en raison de la conversion à l'électrique de la filière, rapporte France 3 Hauts-de-France.
10La France est le pays "où l'on consomme le plus" de cannabis et le pays "le plus répressif" en la matière : plutôt vrai
"La France est le pays le plus répressif. C'est le pays où on consomme le plus."
Yannick Jadotdans "Elysée 2022"
Yannick Jadot souhaite légaliser l'usage du cannabis et pour justifier cette mesure, le candidat écologiste affirme que "la France est le pays le plus répressif" en la matière ainsi que "le pays où l'on consomme le plus". C'est vrai, au moins au niveau européen. En l'absence de données uniformes et fiables au niveau mondial, il est possible d'affirmer que les Français sont bien les plus gros consommateurs du Vieux Continent. Selon le dernier rapport européen sur les drogues de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (document PDF), 44,8% des Français de 15 à 64 ans ont déjà consommé du cannabis dans leur vie, un record. La France occupe également la première place des pays dans lesquels les jeunes de 15 à 34 ans ont consommé du cannabis dans les 12 derniers mois.
Enfin, l'arsenal juridique est aussi particulièrement répressif en France. Nous faisons partie du petit groupe de sept pays européens dans lesquels l'usage de cannabis constitue une infraction pénale. La loi française prévoit jusqu'à un an de prison et 3 750 euros d'amende pour l'usage du cannabis. Depuis le 1er septembre 2021, les consommateurs de cannabis risquent également une amende forfaitaire délictuelle de 200 euros.
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