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Pourquoi Edward Snowden demande l'asile à l'Equateur

Ce petit pays d'Amérique latine pourrait permettre à l'homme qui a révélé la surveillance d'internet par le renseignement américain d'échapper à la justice.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une voiture diplomatique de l'Equateur attend Edward Snowden, à l'aéroport Cheremetievo, près de Moscou (Russie), le 23 juin 2013. (ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP / SIPA)

Hong Kong, Moscou, puis l'Equateur ? C'est là qu'Edward Snowden, inculpé pour espionnage aux Etats-Unis, espère trouver refuge. Le gouvernement équatorien étudie, lundi 24 juin, la demande d'asile de l'ex-informaticien de la CIA, à l'origine des révélations sur les opérations américaines de surveillance de l'internet. Mais qu'a donc à offrir l'Equateur à Edward Snowden ?

Parce que Julian Assange a montré l'exemple

Presque un an jour pour jour avant l'ex-employé de la CIA, Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a déjà bénéficié de la protection du président équatorien Rafael Correa. L'activiste, dont l'organisation a publié des milliers de télégrammes diplomatiques, a été accueilli, le 20 juin 2012, à l'ambassade équatorienne à Londres (Royaume-Uni). Quito a officiellement accepté de lui accorder l'asile en août, mais Julian Assange vit toujours dans le bâtiment. Il ne peut en sortir, au risque d'être extradé vers la Suède, où il est accusé de viols, puis vers les Etats-Unis, où ses avocats redoutent une condamnation à mort.

En acceptant de protéger Julian Assange, Rafael Correa lui souhaitait la bienvenue dans le "club des persécutés". Il pourrait être tenté d'en accueillir un second, Edward Snowden, inculpé pour espionnage, vol et utilisation illégale de biens gouvernementaux. D'autant plus que WikiLeaks a facilité l'exfiltration de l'informaticien depuis Hong Kong et mis à sa disposition des conseillers juridiques.

Parce que le pays défend la liberté d'expression (mais pas pour tous...)

C'est au nom de la "liberté d'expression" que le ministre équatorien des Affaires étrangères, Ricardo Patiño Aroca, a dit étudier la demande d'asile d'Edward Snowden. Le "combat pour la liberté d'expression" de Julian Assange avait déjà servi à justifier l'accueil du fondateur de WikiLeaks, selon un document officiel traduit par Rue89.

Ironie de la situation, l'Equateur n'est pas connu pour son grand respect de la liberté d'expression. Reporters sans frontières le place au 119e rang de son classement mondial de la liberté de la presse. Et le président Rafael Correa s'est déjà fait remarquer en qualifiant les journalistes d'"assassins à plume" ("assassins with ink"). En outre, le pays a voté le 14 juin une loi permettant d'appliquer des sanctions arbitraires et de censurer certains médias, rapporte le Comité de protection des journalistes (en anglais).

Parce que Quito combat l'impérialisme américain

Une coopération entre Quito et Washington est d'autant moins probable que leurs relations se rafraîchissent chaque année un peu plus depuis l'élection de Rafael Correa en 2006. Le président équatorien veut prouver à son peuple son anti-impérialisme. Il a d'abord annulé des accords commerciaux avec la première puissance mondiale, préférant s'acoquiner avec plusieurs ennemis jurés de Washington : l'Iran, Cuba et le Venezuela, avec lesquels l'Equateur siège à l'Alliance bolivarienne pour les Amériques. Sans compter le soutien économique de la Chine, qui exploite une partie des ressources du sol équatorien dans la forêt amazonienne.

Il a notamment fermé la dernière base militaire américaine sur le territoire équatorien en 2009. Quand les Etats-Unis ont voulu en renouveler le bail, Rafael Correa a assuré qu'il n'y avait "aucun problème, à condition que les Etats-Unis autorisent l'Equateur à ouvrir une base militaire en Floride", raconte Le Monde. Le refus, prévisible, de Washington, a mis fin à toute coopération militaire. Les relations entre les deux pays sont désormais glaciales.

Parce que l'accord d'extradition avec les Etats-Unis est criblé de trous

Quito dispose d'un accord d'extradition avec Washington (en PDF et en anglais). Il date de 1872 et a été amendé en 1939. Le traité précise les conditions réciproques d'extradition : en cas de meurtre, viol, cambriolage, mutinerie sur un bateau… Mais le troisième article débute ainsi : "Les modalités de ce traité ne sont pas applicables aux crimes et délits à caractère politique." Une ligne qui n'aura pas manqué d'attirer l'attention des conseillers juridiques de WikiLeaks, qui accompagnent Edward Snowden dans sa fuite.

Accusé d'être un "traître" par le sénateur républicain John Boehner, l'ex-agent de la CIA insiste lui-même sur le caractère politique de l'affaire. "Le gouvernement américain (…) a immédiatement et de manière prévisible interdit toute possibilité d'un procès juste dans mon pays en me déclarant publiquement coupable de trahison", a-t-il déclaré dans un entretien au Guardian, traduit par francetv info. Il y a donc peu de chance pour que l'Equateur accepte d'extrader l'informaticien, s'il arrive à destination.

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