Pourquoi François Hollande a réussi son premier grand meeting de campagne
Le candidat socialiste s'est exprimé devant quelque 20 000 personnes au Bourget (Seine-Saint-Denis), dimanche après-midi. FTVi vous explique en cinq points pourquoi sa prestation a été un succès.
C'était un discours très attendu, François Hollande ne l'a pas loupé. En meeting au Bourget (Seine-Saint-Denis) dimanche 22 janvier, le candidat socialiste a véritablement donné le coup d'envoi de sa campagne, emportant l'adhésion de tous ceux venus l'écouter. FTVi vous explique en cinq points pourquoi sa prestation a été un succès.
1. Une mise en scène soignée pour une ambiance survoltée
Il est 15 heures, Yannick Noah vient de quitter la scène. En quelques chansons, la personnalité préférée des Français vient d'enflammer la salle du Bourget, lorsque François Hollande apparaît sur les écrans géants. Sous les vivas des milliers de personnes présentes - entre 15 000 et 25 000 selon les sources -, le candidat socialiste à la présidentielle se fraie un chemin. Serre des mains. Salue la foule. Une arrivée de rockstar. "Quand je l'ai vu monter sur la scène, j'avais les larmes aux yeux, et le coeur qui battait à 200 à l'heure", raconte, encore émue à la fin du meeting, Sylviane, 71 ans, venue du Mans pour écouter son favori.
Au premier rang, les ténors du PS (d'Aubry à Jospin en passant par Royal, Fabius, Delanoë ou encore Mauroy et Cresson) côtoient de nombreuses personnalités du showbiz, comme le chanteur Benjamin Biolay, le comédien Gérard Darmon, le couturier Christian Lacroix, le producteur Dominique Besnehard, le metteur en scène Jean-Michel Ribes, l'écrivain Olivier Poivre-d'Arvor ou l'ancien patron de l'OM Pape Diouf. Leurs apparitions dans les écrans géants sont, toutes plus les unes que les autres, très applaudies.
Cette mise en scène soignée ne doit rien au hasard. Pour ce premier grand meeting de campagne, comme pour la dizaine d'autres qu'il tiendra d'ici au premier tour, François Hollande l'avait confiée à un pro de l'événementiel, André Loncle. Un producteur passé par les deux temples de la com', Euro RSCG et Havas, qui a notamment travaillé au côté de Jean-Michel Jarre pendant près de vingt ans.
2. Des attaques de fond contre Nicolas Sarkozy
Certains se sont parfois moqués de sa taille. D'autres ont raillé sa "bande du Fouquet's". D'autres encore ont pu s'en prendre à son style "bling bling", grosse montre et lunettes de soleil Ray-Ban... A moins de cent jours de la présidentielle, François Hollande préfère prendre de la hauteur, en faisant preuve d'un antisarkozysme de fond plutôt que d'un antisarkozysme primaire.
Sans jamais citer le nom du chef de l'Etat, le candidat socialiste s'applique en effet à présenter une feuille de route à l'opposé de celle du président sortant. En proposant par exemple de "revenir sur les cadeaux fiscaux et les multiples niches fiscales accordées depuis une décennie aux ménages les plus aisés et aux plus grosses entreprises", de mettre fin à "la règle aveugle" du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, d'encadrer le montant des loyers et de multiplier par cinq celui des sanctions qui s'appliquent aux communes ne respectant pas leurs obligations en terme de logement social...
Mais François Hollande ne résiste cependant pas à lancer quelques piques à l'endroit de son principal adversaire. En particulier lorsqu'il décide de "dévoiler son secret : j'aime les gens, quand d'autres sont fascinés par l'argent". Succès assuré dans la salle.
3. Un candidat qui s'efforce de préciser ses positions
Accusé par ses contradicteurs de manquer de clarté sur de nombreux points, François Hollande s'est également efforcé de repréciser plusieurs de ses positions, comme sur la retraite à 60 ans ou les 60 000 postes dans l'Education nationale. Attaqué la semaine dernière par Benoît Hamon, porte-parole du PS, au sujet de ces postes d'enseignants, Hollande a semblé vouloir rassurer l'aile gauche du parti.
Reste à savoir comment ces mesures seront financées. Ce n'est que jeudi 26 janvier, lors d'une conférence de presse le matin, que le candidat socialiste chiffrera son programme. Et la partie s'annonce serrée. L'Institut de l'entreprise, un think tank proche du patronat, a déjà évalué à 1,86 milliard par an la création de 60 000 postes dans l'Education nationale. Le retour à la retraite à 60 ans nécessiterait d'abandonner les deux tiers des gains engendrés par la réforme de 2010. Quant aux 150 000 contrats d'avenir pour les jeunes en zone sensible, l'institut estime qu'ils coûteraient au moins 500 millions d'euros par an.
En attendant de dévoiler le chiffrage de son programme, François Hollande a mis la barre à gauche, "face aux puissances de l'argent". Taxe sur les transactions financières, séparation des banques de dépôt et des banques d'investissement, interdiction aux banques françaises de travailler avec des établissements implantés dans des paradis fiscaux, interdiction des produits financiers toxiques, fin des stock-options, encadrement des bonus... "Dans cette bataille qui s'engage, je vais vous dire qui est mon adversaire. Mon véritable adversaire n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne se présentera jamais comme candidat, il ne sera pas élu, mais pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance", a-t-il lancé, très applaudi. Un propos qu'aurait très bien pu tenir Jean-Luc Mélenchon.
4. Un homme qui lève un coin du voile
Comme pour mieux se rapprocher des Français, François Hollande s'est également laissé à quelques confidences plus personnelles. Evoquant sa jeunesse "en Normandie, dans une famille plutôt conservatrice". Remerciant son père, "parce qu’il avait des idées contraires aux miennes et qu’il m’a aidé à affirmer mes convictions", et sa mère, "parce qu’elle avait l’âme généreuse et qu’elle m’a transmis ce qu’il est de plus beau : l’ambition d’être utile".
Plus loin, il dit "ne pas aimer les honneurs, les protocoles et les palais. Je revendique une simplicité qui n’est pas une retenue, mais la marque de l’authentique autorité". "C’est vrai que je ne m’exhibe pas, je reste moi-même, c’est ma force. Ce que vous voyez ici, c’est ce que je suis. Je veux conquérir le pouvoir, mais je ne suis pas un vorace, je veux simplement le mettre au service des Français", ajoute-t-il encore.
5. Un candidat qui gagne en charisme
Dernière bonne note pour François Hollande : la forme de son discours. "Je n'ai pas vu passer le temps !", s'entousiasme à la sortie Mireille, 49 ans, venue de Brive-la-Gaillarde. Pourtant, le candidat socialiste a parlé longtemps : près d'une heure et demie. Alternant programme et notes plus personnelles, s'accordant quelques envolées lyriques, citant ici Schakespeare et là Camus, veillant aussi à ne jamais s'affaler sur son pupitre comme il le fait parfois, celui qui est régulièrement accusé de manquer de charisme a su capter l'attention de ceux qui l'écoutaient. "Il est en train de prendre du galon, il devient un homme d'Etat", juge Edouard, avocat de 34 ans, originaire de Nantes.
L'enthousiasme de ses partisans n'a cependant pas entamé les arguments de ses adversaires. Le ministre de l'Economie, François Baroin, a jugé que le discours de François Hollande était "hors du temps", qui aurait pu être prononcé dans les années 60 ou 70. Ancien patron de l'UMP, le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a quant à lui vu un "catalogue de bonnes intentions", et considéré que l'anti-sarkozysme dont fait preuve selon lui François Hollande "ne suffit pas à faire un projet crédible".
Reste donc désormais à savoir si ce meeting aura convaincu au-delà des militants socialistes. Les observateurs ne manqueront pas de regarder les prochains sondages pour tenter de répondre à cette question. La prestation dans "Des paroles des actes" jeudi soir sur France 2, elle, aura tout d'un grand oral. Il faudra alors convaincre hors de son camp.
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