Pourquoi l'accord sur les dépassements d'honoraires fait tousser les patients
Francetv info leur a demandé ce qu'ils pensaient de l'accord conclu entre la Sécurité sociale et les médecins.
SANTE – Pendant 24 heures, représentants des médecins, de l'assurance-maladie et des complémentaires santé ont négocié pour trouver un accord sur l'encadrement des dépassements d'honoraires. Ils y sont finalement parvenus, mardi 23 octobre en fin d'après-midi. Mais autour de la table, il n'y avait aucun représentant de patients, pourtant les premiers à payer les dépassements d'honoraires de leur médecin généraliste ou de leur spécialiste.
Francetv info leur a donc demandé ce qu'ils pensaient de cet accord, qui sera entériné lorsque les deux syndicats majoritaires de médecins l'auront signé. Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie, et vice-président du Collectif interassociatif sur la santé (le Ciss), qui représente les patients, explique pourquoi cet accord est, à ses yeux, très décevant.
Parce qu'il sera difficile de sanctionner en cas d'abus
Qu'est-ce qu'un dépassement d'honoraires excessif ? L'accord l'a fixé au moyen d'un "repère" correspondant à 150% du tarif de la Sécurité sociale. Par exemple, une consultation fixée à 28 euros par la Sécu serait majorée à 70 euros. Ce "repère" est mis à "la disposition" des instances chargées de prendre des sanctions en cas d'abus de la part des médecins. Mais ce n'est en aucun cas une obligation qu'ils doivent respecter.
Le dépassement excessif sera aussi déterminé en fonction de "critères". "On n'a pas de seuil, mais on a, à la place, un repère. Et des critères, mais ils vont difficilement être applicables, car ils dépendent du département ou du médecin. On arrive donc à un gel des dépassements d'honoraires, mais pas véritablement à une réduction, regrette Arnaud de Broca. Les sanctions prévues pour les médecins qui pratiqueraient ces dépassements d'honoraires sont extrêmement limitées, et elles existaient déjà. Je ne vois pas en quoi l'accord permettrait des sanctions plus fortes ou mieux appliquées."
Parce que les mutuelles vont devenir incontournables
Estimer qu'un dépassement d'honoraires s'élève à 150% les rend légitimes pour tous, affirme sur Rue89 le président du Ciss. Selon lui, cela signifie que les dépassements d'honoraires, à la charge du patient, vont continuer. Si un malade veut davantage être remboursé, il va donc devoir faire appel à une complémentaire santé (mutuelle, institution de prévoyance ou compagnie d'assurances).
"Cela veut dire que les mutuelles vont entrer dans le jeu. Je n'y suis pas favorable, car tout le monde n'a pas les moyens d'avoir une mutuelle, et tout simplement parce que moi-même, au sein de la FNATH et du Ciss, je représente des personnes qui n'ont pas de mutuelle, souligne Arnaud de Broca. Sans être excessifs, les dépassements d'honoraires contribuent déjà à limiter l'accès aux soins d'un certain nombre de personnes, qui de surcroît n'ont pas de mutuelle."
Parce que le contrat d'accès aux soins "ne changera rien"
L'accord crée un contrat d'accès aux soins. Son principe : les médecins de secteur 2 (qui fixent librement leurs honoraires) et les médecins ayant le titre de chef de clinique du secteur 1 (qui appliquent le tarif conventionnel) qui s'engagent à limiter leurs dépassements obtiennent des avantages sociaux. C'est-à-dire la prise en charge d'une partie de leurs cotisations sociales et de leurs cotisations retraite. Leur taux moyen de dépassements ne doit pas dépasser 100% du tarif de la Sécurité sociale. En clair, la consultation chez un spécialiste ne coûtera pas plus de 56 euros, pour une consultation en secteur 1 fixée à 28 euros. En contrepartie, l'assurance-maladie remboursera mieux les tarifs avec dépassements. Le patient y gagne donc. "Cet aspect peut effectivement constituer un point positif car il s'agit d'un engagement des médecins", estime Arnaud de Broca.
Parce qu'un observatoire des tarifs est insuffisant
Un observatoire de "suivi" va être créé. Il sera composé d'experts désignés par l'assurance-maladie, les complémentaires de santé et les syndicats de médecins libéraux.
Une bonne chose pour le Ciss, qui reste quand même attentif. "On va maintenant se mobiliser pour que cet accord soit signé, même s'il est limité, et continuer à observer les dépassements d'honoraires, comme on le fait depuis plusieurs années. On observera aussi avec attention si cet accord contribue à lancer une dynamique de réduction ou de gel des dépassements d'honoraires", explique Arnaud de Broca.
"Nous avons aussi un devoir d'information auprès des malades : ils peuvent saisir l'Assurance maladie ou le Conseil de l'ordre des médecins sur de tels agissements des médecins. Nous allons aussi demander à l'Etat que, en plus des patients, les associations puissent saisir ces instances", poursuit-il. Même s'il estime que les malades ne vont pas bénéficier de ce texte, le Ciss va tenter de faire aboutir cet accord a minima.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.