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Pourquoi l'Allemagne peine à se débarrasser de son parti néonazi

Malgré le soutien d'une large majorité de la population, le gouvernement s'est retiré d'une procédure d'interdiction du NPD, mercredi.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des membres du parti d'extrême droite NPD manifestent à Berlin (Allemagne), le 13 avril 2012, pour réclamer la sortie de l'euro et le retour au Deutsche Mark. (JOHN MACDOUGALL / AFP)

Le néonazisme est bien vivant en Allemagne. Il est même légal et embarrasse les responsables politiques. Le gouvernement d'Angela Merkel a renoncé, mercredi 20 mars, à saisir la Cour constitutionnelle, seule habilitée à interdire le Parti national-démocrate (NPD). L'Etat se contentera de soutenir la procédure initiée par la chambre haute du Parlement (Bundesrat), qui représente les Länder. Quant aux députés, ils se prononceront en avril.

Pourtant, une large majorité de la population souhaite l'interdiction du NPD, parti ouvertement raciste, antisémite et nostalgique du IIIe Reich. Dans un sondage paru en novembre 2011 et relayé par Le Point, 77% des personnes interrogées se disaient favorables à une telle mesure, et 19% seulement y étaient opposées. Francetv info explique pourquoi l'Allemagne hésite à se débarrasser de son parti néonazi.

La crainte de renforcer l'ennemi

"On ne peut pas interdire la bêtise", selon le ministre de l'Economie, Philipp Rösler. Pour justifier leur décision, les ministres répètent que c'est toute la société qui doit combattre l'extrême droite. En réalité, l'équipe d'Angela Merkel craint d'être déstabilisée en cas d'échec. "Si la procédure échoue, les gouvernants donneront l’impression d’être complètement faibles et démunis", explique Wolfgang Bosbach, membre de la CDU (le parti de la chancelière), au site d'informations MyEurop.

Un risque d'autant plus grand que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, gardienne de la loi fondamentale, devrait rendre sa décision à l'automne, selon l'hebdomadaire Der Spiegel (en allemand), à quelques semaines des élections législatives. Pendant la campagne, le NPD, qui remporté 1,5% des voix au scrutin de 2009, aura tout le loisir de se poser en martyr du gouvernement. Or, Angela Merkel ne peut pas se permettre d'arriver affaiblie aux urnes. Sa coalition a déjà subi trop de revers dans plusieurs Länder ces derniers mois.

Des agents secrets encombrants

Certains membres du gouvernement soulignent aussi qu'il est plus facile de juguler un mouvement d'extrême droite structuré légalement que des individus éparpillés dans la nature. L'Allemagne ne lésine pas sur les moyens de surveillance : une centaine d'agents des services de renseignements (les V-Männer) sont infiltrés jusqu'au plus haut niveau du parti. En 2003, lors d'une première procédure d'interdiction lancée par le gouvernement et les deux chambres du Parlement, cette omniprésence des V-Männer au NPD a motivé le refus de la Cour constitutionnelle.

En Allemagne, un parti peut être interdit s’il "défend une position hostile à la Constitution" et s’il essaie "de manière active d’imposer cette idéologie". Les juges estiment à l'époque que les preuves sont brouillées. Les propos rapportés, par exemple, peuvent très bien avoir été prononcés par un infiltré, dans le but de charger le dossier du NPD.

Les agents du renseignement essuient par ailleurs de nombreuses critiques depuis 2011. Ils sont accusés d'avoir couvert les activités criminelles d'une cellule terroriste à l'origine des Döner Mörder (littéralement "meurtres kebabs"), une série de meurtres de ressortissants turcs, comme le raconte L'Express.

Des méthodes moins directes

Le gouvernement préfère user d'autres ficelles pour étrangler le parti néonazi sans l'interdire. A commencer par l'argent. Le Bundestag a coupé les subventions du NPD en février. Motif : le parti avait refusé de payer une amende de 1,27 million d'euros pour des faux bilans comptables, rappelle le Spiegel (en allemand).

Pour afficher son soutien à la procédure d'interdiction lancée par les Länder, le ministre de l'Intérieur, Hans-Peter Friedrich, a promis d'exfiltrer les agents des services de renseignement dans les semaines à venir, précise le même magazine. 

Par ailleurs, la cour de Karlsruhe a rejeté, début mars, une requête du NPD qui souhaitait voir reconnue sa conformité à la Constitution, raconte la RTBF. La formation voulait établir que les attaques le visant portaient atteinte à ses droits. La Cour a considéré que le NPD pouvait tout à fait répondre à ces attaques dans le cadre du débat politique.

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