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Pourquoi les boissons énergisantes continuent d'inquiéter

PARIS - Si la vente des boissons énergisantes a mis du temps à être autorisée en France, c'est parce qu'elles suscitaient des inquiétudes. La mort par crise cardiaque de deux personnes relance le débat.

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des canettes de boissons énergisantes dans un supermarché à San Diego (Etats-Unis). (EARL S. CRYER / MAXPPP)

Un point en moins pour les boissons énergisantes. Déjà montrées du doigt depuis plusieurs années, elles vont faire l'objet d'un suivi particulier de la part de la communauté scientifique. Deux personnes ayant absorbé ce type de boissons ont en effet succombé à des crises cardiaques, a annoncé jeudi 7 juin l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Ce qui alimente de nouveaux doutes à leur sujet. 

Principalement consommées par les moins de 35 ans, les boissons énergisantes, bourrées de caféine et d'autres substances "énervantes", sont présentées comme des stimulants de l’effort physique ou intellectuel. En réalité, ce sont essentiellement des excitants du système nerveux. Que sait-on d'elles ? Faut-il s'en méfier ? Explications.

• Au moins trois morts suspectes en France

La mort de ces deux personnes est encore entourée de zones d'ombre. On ignore pour l'instant l'âge des victimes, quelle(s) marque(s) de boisson énergisante elles ont consommée ou encore la quantité assimilée. "Des investigations sont en cours" pour affiner l'analyse de ces cas, note l'Anses, qui fait également état de "plusieurs cas" d'effets indésirables rapportés ces derniers temps. "On suspecte une relation de cause à effet, mais maintenant, il faut qu'on aille au-delà pour que cette relation soit avérée", complète Irène Margaritis, chef de l'unité d'évaluation des risques liés à la nutrition à l'Anses.

"Un décès avait déjà été auparavant signalé", rappelle l'agence, ce qui porte à trois le nombre de personnes dont le décès serait lié aux energy drinks, en France. L'Anses demande aux professionnels de santé de signaler tous les cas d'effets indésirables qui viendraient à leur connaissance.

• Des boissons excessives par nature

Pour provoquer la sensation d'excitation, les boissons énergisantes sont truffées de substances censées booster l'organisme : caféine, taurine (autorisée depuis 2008), maltodextrine, inositol ou glucuronolactone"La consommation de boissons contenant l’association de caféine, taurine et glucuronolactone à des doses élevées ne doit dépasser plus de 125 ml par jour, soit, la contenance d’une demi-canette standard (250 ml)", prévient le ministère de la Santé. La dose maximale recommandée est donc bien en-deçà de ce que le consommateur trouve dans les rayons de supermarchés.

"Les boissons énergisantes apportent des quantités importantes de taurine, représentant 4 à 6 jours de consommation naturelle", explique cet Institut régional du bien-être, de la médecine et du sport (IRBMS). Contrairement aux idées reçues, la taurine existe à l'état naturel, mais le corps n'en a pas besoin à forte doseMême chose pour le glucuronolactone, un sucre naturellement présent dans l'organisme. En moyenne, "une canette contient une quantité équivalente à environ 600 jours d’apports alimentaires". 

• Un flou médical sur le sujet

Les effets de la caféine sur l'organisme sont suivis depuis longtemps. L'agence nationale Santé Canada préconise ainsi de ne pas en consommer plus de 400 mg par jour. Soit l'équivalent de cinq canettes en moyenne, sous peine de fragiliser le cœur. En revanche, la limite de toxicité n’est pas établie clairement pour la taurine ni le glucuronolactone. "Le principe de précaution s'impose", juge l'IRBMS. 

Dès 2007, avant la mise sur le marché de la marque phare Red Bull, la Fondation de recherche sur l'hypertension artérielle mettait en garde contre les risques liés aux energy drinks. Citant une étude médicale américaine, elle indiquait que le nombre d'hospitalisations constatées après consommation de ces liquides avait décuplé entre 2005 et 2009, dans un hôpital américain. Dans 44% des cas, les patients avaient mélangé ces boissons avec de l'alcool.

En France, la surveillance de ces boissons instituée en 2008 a permis de recenser, parmi 24 cas rapportés, treize pour lesquels "un lien de causalité possible ou probable a pu être établi", assure l'Anses. Ces conséquences physiologiques sont d'ordre cardiaque (tachycardie), neurologique (crises d'épilepsie, tremblements, vertiges...) et psychiatrique (angoisses, agitation, confusion). 

• Les enfants et les sportifs plus vulnérables

Malgré l'autorisation de mise sur le marché accordée à la taurine en 2008, la ministre de la Santé de l'époque se montrait plus que méfiante. Craignant que le Red Bull, qui en contient, ne soit toxique et qu’il ait déjà fait des victimes en Suède et en Irlande, Roselyne Bachelot préconisait l'abstention pure et simple. De quoi semer un peu plus la confusion, malgré les déclarations du ministère de l'Economie, pour qui il n'y avait "pas d'élément probant" contre les boissons énergisantes.

Aujourd'hui, le ministère de la Santé reste prudent. "Ces boissons doivent être réservées à l’adulte et sont déconseillées aux femmes enceintes et aux sportifs. Elles ne doivent pas être consommées par les enfants", indique-t-il.

Pour les sportifs, en plus de problèmes cardiovasculaires, un risque de déshydratation liée à l'aspect diurétique de la caféine est mis en avant. Une recommandation qui n'empêche pas les marques de se servir justement d'images sportives (ici, ici ou ) pour promouvoir leur breuvage. A la place, les médecins du sport conseillent d'opter pour des "boissons énergétiques", remplies de vitamines et de sucres, mais non acides et non excitantes.

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