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Présidentielle américaine : Paul Ryan, le colistier qui éclipse Mitt Romney

Le candidat républicain a choisi samedi son vice-président: ce sera Paul Ryan, charismatique député de 42 ans et qui a tout pour plaire à la base du parti.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le candidat républicain à la présidentielle américaine Mitt Romney (gauche) et son colistier Paul Ryan, le 11 août 2012 à Norfolk, en Virginie (Etats-Unis). (JASON REED / REUTERS)

La presse ne parle plus que de lui. Oubliée Sarah Palin, la sensation 2008 ; 2012 sera l'année de Paul Ryan. Choisi samedi 11 août par le gouverneur du Massachusetts et candidat républicain à la présidentielle américaine Mitt Romney pour faire campagne à ses côtés, Ryan fait sensation. Pour les républicains, le potentiel vice-président est paré de toutes les vertus - surtout celles qui font défaut à Romney. Même les démocrates semblent préférer cet adversaire autrement plus consistant. Explications.

Une force de proposition

Là où le bilan politique de Mitt Romney gêne aux entournures (le plan d'assurance santé qu'il a mis en place dans le Massachusetts ressemble furieusement à celui de Barack Obama, battu en brèche par le Parti républicain), celui de Paul Ryan est une ode au conservatisme économique cher à la base du parti. 

Car le nom du colistier est indissociable du mot "budget". Peu connu du grand public, cet élu du Wisconsin à la Chambre des députés est, à Washington, le symbole de l'opposition à la politique économique d'Obama. Un statut qu'il doit à sa contre-proposition de budget intitulée "La voie de la prospérité : feuille de route pour le futur de l'Amérique", dont la première mouture a été élaborée en 2008.

Le "plan Ryan", dont les principales propositions ont été résumées par le Wall Street Journal (en anglais) prévoit une baisse globale des impôts, des coupes budgétaires substantielles et une refonte du système d'assurance santé pour les seniors, Medicare, avec un recours accru au secteur privé. Pour les conservateurs, c'est le remède indispensable à une politique gouvernementale jugée interventionniste et dispendieuse. La Chambre des députés, à majorité républicaine, l'a même adopté  symboliquement en 2010 avant son rejet prévisible du Sénat.

Un "pur" conservateur

Sur les sujets de société, Paul Ryan est tout aussi "irréprochable" : sans en faire son combat politique, ce catholique et père de trois enfants a toujours été du côté des "pro-life", les opposants à l'avortement, note le New York Times. Il est aussi contre le mariage pour tous et défend le droit inaliénable au port d'arme. Une pureté idéologique qui contraste avec les nombreux atermoiements de Mitt Romney sur le droit à l'avortement, relevés par Slate.com.

Pour la base du parti, Paul Ryan est le bon mélange : il partage les avis de l'aile droite des républicains sans manifester l'agressivité mordante des membres du Tea Party, qui rebute les modérés. A l'aise en public, c'est aussi un orateur de talent, qui préfère débattre du fond plutôt que de la forme avec ses adversaires et ne se laisse pas facilement impressionner.

Paul Ryan et sa femme Janna, ancienne juriste qui se consacre désormais à l'éducation de leurs trois enfants. (JUSTIN SULLIVAN / GETTY  IMAGES)

Un homme charismatique et pugnace

Ce jeune député qui, à 42 ans, a déjà passé quatorze ans au Congrès, n'est pas là par hasard. Ambitieux, Paul Ryan a construit sa carrière politique avec beaucoup de rigueur. En 1998, après plusieurs années passées à Washington, il retourne travailler deux ans dans son Etat natal, le Wisconsin, pour assurer son ancrage local, rappelle Politico.

Une discipline qu'il applique aussi à son hygiène de vie, draconienne. "Mon père est mort d'une crise cardiaque à 55 ans, mon grand-père à 57 ans, mon arrière-grand-père à 59 ans, donc je fais attention à ma santé", a-t-il un jour sobrement expliqué au quotidien régional Journal Sentinel.

Pour ceux qui le découvrent, ses yeux bleus et son allure simple et franche fleurent bon les plaines du Midwest, cœur de l'Amérique qui l'a vu naître. Loin de l'image d'homme d'affaires un brin distant de Mitt Romney, dont le fief est au cœur de la très bourgeoise Nouvelle-Angleterre.

Un adversaire idéal

Ses concurrents lui reconnaissent une certaine intégrité : Barack Obama le premier, qui selon le New York Times a déclaré, après l'annonce de sa nomination sur le ticket de Mitt Romney : "Je le connais et je lui souhaite la bienvenue dans la course. C'est un homme bien. C'est un père de famille. C'est un porte-parole cohérent pour la vision de Mitt Romney." 

Le président américain connaît bien cet adversaire, qu'il voit aux premiers temps de son mandat comme un interlocuteur possible au sein d'une opposition parfois hystérique. Mais Barack Obama déchante rapidement face à l'intransigeance de Paul Ryan, et finit par adopter une attitude beaucoup plus critique à son égard. 

Paradoxalement, les démocrates en général sont tout aussi enthousiastes que les républicains au sujet de Paul Ryan. En portant haut et fort des positions sur lesquelles Romney entretenait volontiers le flou, le candidat à la vice-présidence leur offre enfin une cible concrète où concentrer leurs attaques. Et elles sont déjà prêtes : le camp Obama n'a eu de cesse depuis le début de la campagne d'attaquer le budget Ryan, spectre avant-coureur, selon eux, de la politique que mettrait en place Romney s'il était élu. L'alliance officiellement formée, confirmant le scénario qu'ils dénonçaient, leur facilite désormais la tâche.

L'homme de la situation ?

Côté républicain, on peut se demander si ce sang neuf suffira à donner un sérieux coup de pouce à la candidature Romney. Jeune, originaire d'un Etat "prenable", Paul Ryan a néanmoins les défauts de ses qualités : non issu d'une minorité, il ne peut espérer rassembler un vote crucial pour des Etats-clé comme la Floride. Et si son attitude ouverte sur la forme peut plaire aux indépendants, son intransigeance sur le fond pourrait aussi leur faire peur.

Mais Mitt Romney a pour l'instant réussi son coup : pour un peu, Paul Ryan l'éclipserait presque, même à en croire le principal intéressé. Samedi, il déclarait, en présentant son colistier"Accueillez avec moi le prochain président des Etats-Unis, Paul Ryan." Un lapsus qui a fait sourire dans son camp.

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